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Etat Providence Participatif=société des participants - Page 3

  • La question de la qualité, du convivialisme et de la politique moléculaire, la société des participants.

    Il me semble qu’on peut représenter la société comme une source d’énergie à laquelle nous avons besoin d’être connecté, en interaction, et pas seulement comme consommateur, mais comme acteur, ainsi que le rappelle Alain  TOURAINE dans son livre « Qu’est ce que la démocratie » où il définit les conditions d'existence de l'individu p.33: « Le sujet, dont la démocratie est la condition politique d'existence, est à la fois liberté et tradition. Dans les sociétés dépendantes, il risque d'être écrasé par la tradition: dans les sociétés modernisées, d'être dissout dans une liberté réduite à celle du consommateur sur le marché.»

    Une société accueillante offre une place, une connexion, à chacun en fonction de ses capacités et affinités. Il ne s'agit pas d'une connexion statique, mais plutôt d'un lien vivant, lien qui déterminera en partie l'évolution des capacités et des affinités. Notre société est une société de l’exclusion, autant sur le plan quantitatif des places qu’elle propose que sur le plan qualitatif. Réussir à y trouver une place est déjà difficile et n'est pas donné à tous, ainsi qu'en témoigne le taux de chômage et d'isolement des personnes. Les personnes ayant une place de choix (de leur choix) constituent l’exception, à l’opposé de ce que nous devrions nous donner comme règle. La question des retraites se pose avec acuité, pour la grande majorité, du fait de la qualité des places dites actives. Il existe des professeurs émérites, mais pas d’ouvrier émérite.
    La révolution qualitative concerne aussi bien les organisations que le périmètre de leur action, comment leur action s'inscrit dans l'activité globale de la société. Elle se cherche depuis assez longtemps, comme l’illustre ce paragraphe de Jorion dans son billet du 5 février 2013:
    L’économie sociale et solidaire est née durant la première moitié du XIXe siècle, elle est l’enfant de la Révolution de 1789, ou plutôt, elle est l’enfant de la réflexion furieuse qui naquit à partir d’elle, sur ce qui était perçu par les uns avoir été son échec (pour Charles Fourier par exemple) et par d’autres comme une réussite partielle qu’il convenait maintenant de prolonger et de concrétiser (ainsi, pour Louis Blanc). Réflexion qui ne se limita pas, faut-il le dire, à la France seule : l’expression la plus aboutie du mouvement coopératif ne fut-elle pas celle de Robert Owen en Angleterre dans un premier temps, aux États-Unis ensuite ?
    Les années 1820 à 1840 constituèrent l’Âge d’Or de l’économie sociale et solidaire : naissance et floraison des coopératives de production, de distribution ou de consommation, phalanstères, « colonies », « communes », monnaies alternatives, systèmes d’échange sans monnaie, se répandirent comme une traînée de poudre à la surface du globe ; rien ne semblait pouvoir faire obstacle au mouvement. La révolution de 1848 apparut dès ses premiers jours comme le moment venu de l’institutionnalisation de cette déferlante : la « commission du Luxembourg », créée le 28 février, en était chargée. Elle est présidée par Louis Blanc, auteur en 1839 du livre-manifeste qui faisait désormais autorité : L’organisation du travail.
    Dans les années 60 à 80, le PSU de Michel Rocard a retravaillé ce thème d’une économie qualitative qui lui tenait à coeur à l’époque. Un peu avant l’élection de Mitterand, la mouvance autogestionnaire avait le vent en poupe. Le Journaliste Domergue s’est penché sur ce flop:
    *Manuel Domergue aux 4ème débats interactifs de l’Adels le 4/12/2004: “…il semble que le socialisme autogestionnaire des années 70 soit resté essentiellement à l’état de discours, sans recouvrir une réalité sociologique significative. Cette mode intellectuelle serait donc restée éphémère car elle n’était pas partagée par la base, et n’a pas réussi à innerver la société en profondeur. Même les célèbres « Lip », les fabricants de montres de Besançon qui ont fait tourner leur usine illégalement pendant une grève, derrière leur slogan « On fabrique, on vend, on se paie », ne réclamaient pas vraiment l’autogestion de leur entreprise. Lors de leur premier conflit, en 1973, pour contester un plan de restructuration, ils cherchaient un repreneur, et ont rejeté les propositions de reprise en coopérative. Bref, à l’époque, on a fabriqué de l’utopie, elle s’est bien vendue, mais on s’est payé de mots.”

    Françoise Dolto analyse l’échec des communautés post-68, aussi tournées vers la qualité, c’est pp164-168 de son livre “solitude” et je cite ce passage p74 de l'historique de l'Etat Providence Participatif. Après la phase d'installation qui semblait prometteuse, Dolto rapporte que "les perturbations sont apparues après parce que ces communautés se dissociaient pour des raisons œdipiennes rémanentes des adultes, des intrigues, des jalousies, des envies de rivalité fraternelle ou sororale. Celui qui, lorsque c'était son tour, dirigeait le mieux la maison devenait comme le père. Celle qui faisait la tambouille la meilleure et la plus économique devenait la mère de la communauté. Puis, finalement, tout se rejouait par rapport à ces rôles, même temporaires -racontars, potins- comme dans les familles pathogènes."
    Les écolieux qui se sont développés dans les années 2000 connaissent la même désillusion. Jean de la Houle, parti prenante de ce mouvement, tente d’analyser les raisons de cet échec:
    L’échec des communautés et des écolieux tient dans les points suivants:
    Principalement à cause de “l’esprit d’indépendance” des Français, de l’importance de leur ego, de leur refus d’accepter que pour que des personnes se rencontrent et bâtissent ensemble, il est nécessaire que chacun “incurve sa trajectoire individuelle” pour arriver à une trajectoire commune sans laquelle aucun cheminement commun n’est possible, sans laquelle aucun écolieu n’est vivable et pérenne. Mais c’est impossible puisque chacun estime que sa trajectoire est la seule bonne, et que c’est çà l’autre de changer :
    La position “propriétaire” (donc décisionnaire) de celui qui est à l’origine du financement principal, crée de fait une autocratie non-dite qui empoisonne vite les relations et détruit ou rend impossible tout esprit de participation/construction.
    Pour les écolieux, les propositions mises en commun et partagées sont insuffisantes en comparaison avec les complications juridico-administratives et les inconvénients afférents, et la “mayonnaise ne tient pas”
    Pour les communautés, la croyance que le choix “politique” est en soi suffisant et dynamisant pour unir les participants. Ce n’est pas parce qu’on choisit “politiquement” la liberté affective et sexuelle qu’on résout de fait les problèmes de jalousie et de possessivité.
    La croyance que partager un beau paysage, l’idéal écologique et une tondeuse à gazon, sont des raisons suffisantes pour que les gens se sentent unis et motivés. C’est trop peu, la “mayonnaise” ne prendra pas."

    De mon côté, j’ai tenté d’analyser les raisons de cet échec et je propose de prêter plus d’attention à la façon dont nous combinons nos libertés dans un groupe et à la façon dont nous sélectionnons nos leaders. Deux questions me servent de jauge : “qui décide quoi et comment?” et "Quel est le statut de l'information, comment sont traitées les objections et les objecteurs?".
    Il me semble que les possibilités de réforme se situent au niveau de la façon dont nous organisons les groupes. C’est en quelque sorte une proposition de “politique moléculaire”. Les règles d’organisation de la sociocratie, qui sont en parfaite adéquation avec le nouveau mouvement convivialiste, me semblent apporter un élément opérationnel aux bonnes dispositions de ce convivialisme. Je regarde avec insistance du côté du modèle de politique révolutionnaire moléculaire de Jean Zin avec sa proposition de coopérative municipale+revenu garanti (et non revenu d’existence qui laisse en plan le volet institutionnel)+monnaie locale. Je regarde aussi avec insistance la réalisation de la Maison des sources de Besançon qui réussit l’exploit de fournir un cadre de co-création de places de qualité aux personnes les plus exclues de l’économie standard. Les membres de la Maison des sources sont nommés "participants" et c'est bien ce qui se passe.  Peut-on coupler les théories de Jean Zin avec cette magnifique réalisation? Si c’est possible, la question des retraites ne se poserait pas du tout de la même façon, elle deviendrait un élément comme un autre de notre connexion à la société tout au long de notre vie, notre qualité de participant pouvant finement s'accorder et s'actualiser, dans la mesure du possible. Les Babayagas me semblent sur la bonne voie pour assurer leur connexion à la société pendant la retraite. Est-ce que la fécondation de la Maison des sources par la coopérative municipale peut passer le scratch test du massacre nécessaire des utopies?

    La révolution numérique en marche risque de tellement bouleverser notre lien à la société via l'emploi que notre qualité de participant va de plus en plus avoir besoin d'une "multiprise" évolutive pour que nous puissions rester connectés. Bernard Stiegler propose une vision de cette évolution et entrevoit la possibilité d'une économie de la contribution, mais sans préciser l'étayage institutionnel. Une politique moléculaire, c'est à dire une action volontaire de structuration locale de groupes adossés à une institution , me semble à la fois la plus réalisable et la plus souhaitable (le cadre municipal me semble le meilleur), pour parvenir à nous adapter, en tant qu'individus doués d'autonomie et de savoirs, de façon sociabilisée et hospitalière, aux conséquences de la révolution numérique.

    Michel Abhervé prône un renforcement dialectique entre IAE et ESS. c'est à dire entre la sphère économique et la sphère sociale.

    Hugues Sibille retrace un historique de l'ESS et déplore son manque de stratégie vis à vis des pays du sud.

  • Combiner les libertés pour écologiser le progrès

    Depuis la révolution ou à peu près, nous avons mis notre société en marche, nous avons créé la modernité en nous appuyant sur deux mythes fondateurs intimement soudés, le mythe de la liberté individuelle indispensable au mythe du progrès. Ces deux mythes ne se sont certainement pas imposés par hasard à cette époque et mon but n'est pas d'en faire une mise en perspective historique au moyen d'une analyse matérialiste au dessus de mes moyens. Mon but est de tenter de faire entrevoir que ces deux mythes fondateurs ont parfaitement joué leur rôle de modernisation mais qu'ils sont aujourd'hui en bout de course et qu'il conviendrait de les faire évoluer.

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  • La norme socio-économique exclusive se meurt mais ne se rend pas!

    Pour une économie inclusive prenant résolument acte des capacités de chacun.

    Développer des structures, des cadres d'activité stables (n'ayant donc pas pour but une réinsertion standard, mais une réinsertion au moyen de l'étayage apporté par ce cadre pérenne) adaptés aux inadaptés du "système", leur permettant ainsi de contribuer à leur mesure, n'est pas encore dans le logiciel de nos élus, ainsi qu'en témoigne le PLF 2013 (Projet de Loi de Finance), concernant la solidarité, l'insertion et l'égalité des chances.

    Malgré des taux de réinsertion des exclus frisant régulièrement le zéro pour cent, dès lors qu'on se penche sur le moyen terme, le tropisme des services sociaux reste l'obsession de la réinsertion dans l'économie standard. C'est ce que nous dit en substance la récapitulation des objectifs et indicateurs de performance, page 18, de ce PLF 2013:

    OBJECTIF 1 Améliorer l’accès à l’emploi [sous entendu emploi standard-ndr] et l’autonomie financière des bénéficiaires du RSA

    • INDICATEUR 1.1 Part des foyers allocataires du RSA sans emploi dont au moins un des membres reprend une activité
    • INDICATEUR 1.2 Part des foyers bénéficiaires du RSA en emploi dont les revenus sont supérieurs à 150% du montant forfaitaire
    • INDICATEUR 1.3 Taux de sortie du RSA pour dépassement de ressources

    OBJECTIF 2 Développer l’accompagnement vers l’emploi des bénéficiaires du RSA (c'est le point qui se rapproche le plus d'une approche inclusive, toutefois, l'accompagnement n'est ici pas destiné à durer, il s'agit toujours du tropisme, illusoire la plupart du temps, de la réinsertion dans la norme, alors que l'étayage, d'un point de vue pragmatique, peut s'avérer nécessaire pour toujours -ndr)

    • INDICATEUR 2.1 Part des bénéficiaires du RSA sans activité inscrits au Pôle Emploi

    La Maison des Sources de Besançon et son association de duplication l'IAF, offrent un exemple d'application à des personnes atteintes de troubles psychiatriques importants, de mise en place d'une structure prenant en compte la réalité de ces personnes, leurs capacités, afin de leur offrir un cadre d'activité et de progression de leur autonomie leur permettant de contribuer à l'économie à leur mesure (éventuellement dans un emploi standard avec l'étayage qu'apporte la Maison des Sources, étayage affectif, administratif et pour tout problème pratique qui se présente) tout en respectant leur liberté.

    Si c'est possible pour des personnes si peu favorisées, il est possible d'imaginer une graduation continue de structures ne laissant personne de côté. Mais pour ça, il faut abandonner notre conception de la normalité*, la tyrannie que cette normalité exerce sur nous et qui se retrouve à tous les niveaux de la façon dont nous mettons en place notre solidarité. Beaucoup de places et de postes de personnes impliquées dans "le social" tel qu'il est aujourd'hui, se sentiront elles-mêmes menacées par un tel  bouleversement, un tel renversement de perpectives (adapter les structures à la réalité des personnes, plutôt que d'adapter les personnes aux structures). Ainsi qu'en atteste la réussite de la maison des sources, c'est pourtant ce renversement de perspectives que nous devrions opérer, plutôt que de continuer à vivre dans le déni et le quasi zéro réinsertion.

    Je suis redevable à Patrick Declerck, pour son remarquable livre enquête/témoignage "Les naufragés", de m'avoir ouvert les yeux sur la nécessité du renversement de perspective de notre approche sociale. Pour qui le lit, son témoignage éclairé et approfondi nous place face à notre déni du fiasco du tropisme réinsertionniste que nous partageons tous plus ou moins à priori.

    *La normalité active est celle de l'individu autonome, norme qui s'est forgée par opposition au sujet d'une communauté. Cette norme nous vient de loin, aux alentours de la révolution avec le décret d'Allarde suivi de la loi Lechapelier. Ce cadre est encore si puissant qu'il nous est difficile de penser nos collectifs, aussi bien ceux qui existent que d'en inventer de nouveaux. La Maison des Sources pose un acte à la fois salutaire et subversif vis à vis de cette norme. Elle ouvre la voie à la mise en place de collectifs modernes (il ne s'agit donc pas ici de refaire les communautés aliénantes dont nous nous sommes extraits depuis la révolution) capables de réduire considérablement l'exclusion générée par la norme individualiste actuelle.

  • Pour un Pacte National d'Innovation Sociale, par Hugues Sibille

    Reprise, avec son accord, d'un billet de Hugues SIBILLE, du 16 Janvier 2013, tribune publiée par ailleurs dans La Croix du mardi 15 janvier 2013. Un billet militant pour une approche sociale contributive, inclusive, innovante, pragmatique (on arrête les initiatives qui ne marchent pas et on duplique celles qui fonctionnent) en phase avec la subsidiarité. Une approche structurante du domaine social en accord avec l'Etat Providence Participatif que je soutiens ici. 

    À situations nouvelles, solutions nouvelles.Nous sommes en stagnation économique et en disette budgétaire. Cessons donc de traiter le social comme une “redistribution”, devenue impossible. Gérons-le comme un investissement dans une nouvelle croissance. Comme un facteur de compétitivité. Avec retour sur investissement pour la collectivité. Un euro public investi dans une entreprise d’insertion évite les coûts du chômage ou de l’aide sociale et génère 2,3 euros de retour dans les caisses publiques par l’impôt et les cotisations. [souligné par mes soins, point qui me semble important pour être entendu de tous ceux qui ne voient que de l'assistance dans une démarche qui se révèle contributive. Je tente d'obtenir plus de détails sur la façon dont ce résultat est calculé] Le même raisonnement vaut pour une coopérative d’activité, qui permet de créer son emploi dans un cadre mutualisé, ou pour le microcrédit professionnel accompagné. Encourageons ces modèles productifs. Généralisons-les lorsqu’ils marchent. Arrêtons-les quand ils ne marchent pas.

    Les besoins sociaux changent avec la société. Les produits et services sociaux, leurs modes d’organisation, les modèles économiques qui les supportent doivent innover. Le rapport du Secours Catholique sur la pauvreté montre qu’en dix ans les coûts énergétiques des plus fragiles ont progressé de 48 % et deviennent insupportables. Innovons pour résorber cette précarité énergétique. De même, l’absence de téléphone mobile devient un handicap majeur à la (re)socialisation. Et le vieillissement massif de la population impliquera de traiter autrement la dépendance, en termes de santé et de logement.

    Pour apporter ces nouvelles réponses, des innovateurs sociaux expérimentent chaque jour. Chêne let crée le logement social éco-conçu. Emmaüs Défis passe des accords avec SFR pour la téléphonie sans fil. Siel Bleu propose une activité physique adaptée aux personnes âgées pour faire de la prévention santé. Habitat et Humanisme crée un concept mélangeant services infirmiers à domicile, centre de jour et centre d’accueil. On peut mesurer l’impact social de ces innovations. Ainsi l’activité physique en maison de retraite fait reculer le diabète et les chutes avec fractures. Sa généralisation représenterait des centaines de millions d’euros d’économie. Sortons ces multiples initiatives de la “marge” où ils sont cantonnés pour en faire le centre de la transition vers une nouvelle croissance inclusive. L’intérêt porté à l’innovation technologique vaut aussi pour l’innovation sociale.

    Les collectivités territoriales commencent à encourager l’innovation sociale. Les régions l’inscrivent dans leurs Schémas Régionaux d’Innovation (SRI) et mobilisent leurs agences régionales d’innovation en Champagne Ardennes, Bretagne, Franche-Comté, etc. Languedoc Roussillon crée un écosystème régional favorable aux innovateurs sociaux avec incubateur, pépinière, école d’entrepreneuriat, système de duplication (Replic)… De son côté, la Commission Européenne a lancé un Programme pour le changement social et l’innovation sociale. La nouvelle programmation du Fonds Social Européen (FSE) pour la période 2014/2020 favorisera cette innovation sociale. Partout, elle émerge comme objet de politique publique à côté de l’innovation technologique.

    Le moment est venu en France d’un Pacte National d’Innovation Sociale qui complète et renforce le pacte de compétitivité, et accompagne le projet de loi sur l’économie sociale et solidaire prévu pour le printemps 2013. Les principes de ce Pacte seraient les suivants :

    - ouvrir à l’innovation sociale les dispositifs de soutien à l’innovation technologique, sans les opposer.

    - privilégier les projets qui transforment des “bénéficiaires” en “parties prenantes”, en acteurs responsables, et mobilisent la société civile, comme le fait Solidarités Nouvelles face au Chômage.

    - encourager les partenariats associations-entreprises, tels que les achats responsables, le mécénat de compétence, le capital investissement d’utilité sociale.

    - faire de l’innovation sociale une priorité des politiques contractuelles État/collectivités territoriales. 

    Ce Pacte serait décliné en un plan pluriannuel avec des objectifs mesurables, par exemple sur les trois rubriques suivantes :

    - financement de l’innovation sociale : ouverture des dispositifs relatifs à l’innovation technologique, mise en place d’un crédit impôt recherche innovation sociale, localisation au sein de la nouvelle BPI d’un Fonds innovation sociale privilégiant les avances remboursables et les systèmes de garanties.

    - création au sein de chaque ministère (logement, santé, environnement, agriculture…) d’une cellule innovation sociale, comme cela existe au Royaume Uni, chargé de favoriser les expérimentations avec la société civile, puis leur diffusion à grande échelle, et mise en réseau interministériel de ces cellules

    - modélisation d’écosystèmes territoriaux de soutien à l’innovation sociale complétant les pôles de compétitivité et réseaux régionaux d’innovation, réunissant les régions qui ont la compétence économique avec les départements qui ont la compétence sociale, et l’état, pour construire des alliances avec les entreprises, associations et syndicats et les universités. 

    Les contraintes des finances publiques ne sauraient conduire nos gouvernants à gérer en simples comptables les coupes budgétaires. Sortir par le haut de cette période anxiogène nécessite de redonner du souffle et de l’imagination aux politiques publiques, de prendre des risques en libérant les forces créatives, de fabriquer de l’estime de soi et de la confiance. Un Pacte d’innovation sociale, reconnu et promu, y contribuerait significativement. 

    Hugues SIBILLE, Ancien Délégué Interministériel à l’Innovation Sociale. Président d’Avise, Vice Président du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, Auteur de : La voie de l’innovation Sociale, éd. Rue de l’échiquier, 2011.

  • L'essentiel est de mener une vie décente basée sur la solidarité.

    La gratuité peut-elle être le nom de la solidarité?

    Le célèbre architecte brésilien Oscar Niemeyer est décédé à presque 105 ans, toujours au travail. Il laisse un patrimoine architectural considérable, mais ce que je retiendrais de lui, c'est cette petite sentence placée en titre:

    "L'essentiel est de mener une vie décente basée sur la solidarité."

    Je partage cette proposition philosophique qui me semble très profonde. Est-ce que ce n'est pas la seule façon de remplir sa vie? Ce n'est pas parce que notre société n'est plus religieuse, que ce n'est plus ce qui lui donne du sens, qu'il faut jeter le bébé de la solidarité avec l'eau du bain des religions. Je ressens que nous sommes des êtres sociaux avant tout et que notre vie ne peut être comblée sans cette prise de conscience de l'impératif de solidarité qui nous est chevillé à l'esprit et peut-être même à notre ADN. L'individualisme me semble être à la société ce que l'onanisme est à l'amour.

    J'ai recueilli le témoignage de plusieurs personnes dont le vide qu'elles ressentaient avait été comblé le jour où elles sont devenues croyantes. Je crois que l'expérience qu'elles vivent n'est autre que la mise en phase de leur philosophie avec ce besoin impérieux de solidarité.

    Depuis quelque temps, moi qui suis agnostique, je vis une expérience de solidarité grâce à la mise en place d'un collectif régi par des règles sociocratiques. De façon très surprenante pour moi, mes angoisses existentielles sont réduites, ma fatigue d'être moi s'estompe, un sentiment de plénitude s'insinue tranquillement.

    La formulation d'Oscar rend possible une conception opérationnelle de la gratuité parce qu'elle peut servir de base universelle. Je dois donc revoir mon billet sur la gratuité, en particulier ce paragraphe:

    "la gratuité se réfère à un idéal commun, un paradigme, une idée du bien collectif partagée par tous et qui va de soi, une adhésion à un contrat social indiscutable et accepté par tous. Le modèle d'idéal commun le plus fort étant l'ordre religieux qui nous relierait tous. Selon cette idée, pour une société homogène, la gratuité peut se concevoir. Mais quand il s'agit d'une société comme la nôtre qui est très largement atomisée, une société d'individus, une société laïque dont la devise ne fait plus tout à fait unanimité (pour preuve, chacun s'emploie à détourner, au moyen de l'euphémisme "optimisation fiscale", notre article 13 qui dit que chacun doit contribuer à hauteur de ses moyens), alors il devient légitime de questionner la gratuité, soit pour parler "des gratuités", soit pour penser la reconnaissance selon un code commun assez clair pour tous."

    Oscar Niemeyer n'a toutefois pas complètement pris acte de l'enfer du communisme réel et je ne le suivrais donc pas sur ce chemin, tachant de ne pas perdre de vue notre propension délirante à prendre nos désirs pour des réalités.

    Biblio sur la gratuité: une conférence du philosophe Jean-Luc Marion.

  • La Maison des Sources, un lieu adapté aux "inadaptés". Un ilôt de résistance à la perversion insertionniste.

    C'était dans le 7 à 8 du 11 novembre 2012, la Maison des sources  est un lieu qui est adapté aux personnes "faibles", "inadaptées", "inemployables" selon notre contrat social excluant et compétitif actuel. Marie Noëlle Besançon, la psy qui a fondé ce lieu a mis en pratique les préconisations que Patrick Declerck formule dans son livre "Les naufragés", à savoir adapter les lieux et les conditions de fonctionnement aux capacités des personnes. Une initiative remarquable qui j'espère va inspirer de nombreuses autres initiatives, en particulier autour des GEM (Groupe d'Entraide Mutuelle). Coup de chapeau à Marie Noëlle pour avoir ainsi su placer concrètement le faible au centre de la Maison des sources et lui permettre ainsi de contribuer à sa mesure.

    On est loin de l'utopie reinsertionniste si courante dans les services sociaux et que dénonce si clairement Patrick Declerck, ce qu'il nomme le Graal des services sociaux. Le lâcher prise des "normaux" qui ouvrent leur regard sur les faibles et leur liberté est émouvant comme une naissance au monde. De mon point de vue, le témoignage qui en rend le mieux compte est Alexandre Jollien dans son éloge de la faiblesse.

    Peut-on rêver que l'esprit qui fonde les GEM et cette réalisation plus complète de la Maison des sources puisse gagner l'ensemble de notre contrat social, à savoir adapter nos conventions sociales, notre contrat social, aux réalités d'autonomie des personnes, ce qui n'est en rien contradictoire avec l'accent mis sur ce développement de l'autonomie (c'est d'ailleurs ce qui se pratique à la Maison des sources où la formation et le champ d'action des membres s'étend au fur et à mesure que leurs capacités qui fondent leur autonomie s'accroissent). On a là une piste de croissance (celle de l'autonomie des personnes) infinie, profitable à tous, inclusive.

    Marie-Noëlle Besançon est aussi la présidente de l'association IAF (les invités au festin, osons une psychiatrie citoyenne!) qui vise à étendre l'expérience de la Maison des Sources.

  • La gauche dans le rôle de l'idiot utile aux plus aisés sur la TVA de substitution.

    Je ne résiste pas à l'envie de reproduire ce graphique très parlant sur les contributions:

     

    06-taux-imposition-france-quantiles.jpg

     

     On peut y voir clairement que les contributions sur la consommation baissent avec le niveau de revenus, ce qui semble logique du fait de la diversification de l'emploi de l'argent dès qu'on en a un peu plus que le minimum. On peut surtout y voir la baisse considérable de cotisation sociale des très aisés et aussi dans une moindre mesure des classes aisées. Si on se demandait pourquoi la droite n'avait pas mis en place la TVA sociale (TVA de substitution) demandée par les entrepreneurs qui sont d'habitude leurs clients, il ne faut pas chercher plus loin. La droite a lâché les classes moyennes et laborieuses pour le plaisir des plus aisés. Les très riches doivent mourir de rire de voir les plus à gauche et Fabius défendre ainsi si vaillamment leurs intérêts. Il est de plus en plus probable que la gauche échoue dans sa volonté de redresser l'emploi.

     

  • Urgent, trouver des places aux gestionnaires des caisses paritaires qui soient utiles aux travailleurs et à l'emploi.

    La charrue risque d'être mise avant les boeufs concernant le choc de compétitivité prôné par Louis Gallois. Il n'a pas pensé aux nombreux gestionnaires des caisses paritaires qui voient leurs places menacées. Parmi eux, on compte de nombreux cadres des organisations syndicales qui ne vont certainement pas se laisser faire sans combattre. Déjà les derniers temps, ils ont tout tenté pour réduire l'impact du coût du travail sur la compétitivité et en conséquence, sur l'emploi. Maintenant que Louis Gallois qui dispose d'une crédibilité importante l'a fait, ils vont en être réduits au combat et on peut s'attendre à de nombreuses actions de leur part visant à décrédibiliser ce rapport dans les prochains jours.

    Pris de court, le gouvernement tente de désamorcer cette bombe en allouant un crédit d'impôt aux entreprises, plutôt qu'en opérant un transfert ou une substitution de contribution du travail vers les impôts directs et indirects et sur l'imposition du transfert de patrimoine.

    Quelques gros inconvénients au choix opéré. Le premier, c'est que c'est un choc ...à retardement, parce qu'il va bien falloir 18 mois pour qu'il commence à entrer en vigueur, puisqu'un crédit d'impôt on l'obtient, éventuellement, après l'exercice, comme quand on fait des travaux d'économie d'énergie dans sa maison. Ensuite, ça va créer de la papperasse et des tas de contrôles, donc une complication supplémentaire qui va profiter aux grosses entreprises qui peuvent mobiliser les moyens de traiter cette complexité. D'un point de vue de la justice sociale, c'est pas terrible, les plus aisés ne seront pas affectés (ce sont des rentiers qui ne contribuent presque pas aux caisses), contrairement à l'option de la TVA de substitution assorti d'un crédit d'impôt unique pour le premier 1/3 des revenus les plus bas, ainsi qu'on peut le comprendre sur ce graphique. Si on ne peut "euthanasier les rentiers", selon la formule choc de Keynes, au moins peut-on les faire contribuer plus à l'état social!

    Il serait peut-être temps de penser à redonner aux cadres syndicaux des places dans un organisme où il n'auront pas à jouer leur place contre l'emploi. Par exemple, le CESE, la troisième chambre (les deux autres étant le sénat et la chambre des députés) pourrait probablement en accueillir un certain nombre. Ils pourraient vraiment se pencher sur les conditions de travail dans les entreprises et la formation, contribuer à des projets de lois favorisant la co-gestion ...domaines où il y a du grain à moudre. Les syndicats seraient quand même plus légitimes que les grands cabinets de com (au services de grandes firmes et d'intérêts particuliers) pour apporter leur grain de sel  et alimenter les députés en projets de lois.

  • La lettre perdue de Martin Hirsch et l'Etat Providence Participatif

    Martin Hirsch raconte son parcours d'engagement, parle de sa lutte contre la pauvreté, de son échec à convaincre le précédent gouvernement de mettre les moyens sur le RSA qui aurait quand même atténué de 250 000 personnes l'accroissement de la pauvreté. Il parle de la mise en garde de son père contre les effets de caste des énarques (c'est le sujet de la lettre perdue de son père).

    Mais ce livre intime est en fait l'occasion de proposer une démarche générale de lutte contre la pauvreté, ou plus exactement de lutte contre l'exclusion en accord avec les principes de l'état providence participatif que je propose. Sa proposition vise à banaliser ce qui est déjà entrepris avec l'agence du service civique dont il est président. Il est plutôt sur une modulation du temps social de 100 jours tous les 5 ans, ce qui correspond à peu près aux 10% que je propose, mais avec des choix de modulation plus souples allant d'une demi-journée par semaine à 1 an tous les 10 ans de façon à pouvoir s'adapter aux divers cas de figure.

  • Les crispations idéologiques, l'information et les choix collectifs.

    Cet article est un début de réflexion sur les crispations idéologiques, pourquoi les combattre et comment les combattre. L'idéologie constitue à la fois un atout de stabilité et une barrière à l'évolution. Etre conservateur n'est pas en soi un problème, ça ne le devient que quand le monde autour de soi a évolué et que le dispositif idéologique se trouve en trop grand décalage avec les réalités. Ma réflexion porte à la fois sur la prise en compte des réalités, c'est à dire la sensibilité aux informations, à leur fiabilisation, et à la fois sur la prise en compte des options politiques, des choix collectifs en prenant en compte les personnes concernées par ces choix du fait qu'un chien a beau avoir quatre pattes, il ne peut emprunter deux chemins à la fois (c'est l'objet de la démocratie participative/délibérative).

    Les crispations idéologiques constituent une question politique de fond. On a à faire face à des défis considérables, écologiques, sociaux (découplage du travail et du temps), religieux (tensions très fortes comme le révèle le déplorable épisode de cette vidéo qu'aucune personne responsable ne devrait avoir relayée), ressources/géopolitiques (ce n'est pas un problème écologique, mais une question de matières premières, donc plutôt industriel), démographique... Or avec les vieux outils philosophiques particulièrement portés sur la morale et ne nous donnant que peu de prise sur les idéologies, on n'a aucune chance d'échapper au pire. Il y a quelques tentatives de rompre avec cette misère de la philosophie (expression de Marx). Jean Zin développe une philosophie de l'information (pas les infos de la radio!). Bruno Latour tente de remettre nos représentations à leur place (Philosophie empirique, donc fortement liée aux faits, aux informations, à l'image du célèbre tableau de Magritte "ceci n'est pas une pipe"). On trouve des précurseurs (Michel Foucault avec son "Courage de la vérité", mais ça reste incantatoire chez lui).

    La qualité de l'information ne constitue pas en soi une quelconque orientation. Améliorer le statut de l'information, sa fidélité, ne suffit donc pas. La prise de décision, la capacité à élaborer une politique qui intègre les données et les contraintes qu'apporte l'information, me semble indispensable pour sortir des crispations idéologiques.

    L'expérience pratique la plus avancée pour mettre l'information (la prise en compte des réalités) au-dessus des histoires qu'on se raconte, tout en préservant l'outil de décision, c'est celle de la sociocratie d'Endenburg. De mon point de vue, c'est de très loin l'expérience collective qui va le plus loin pour sortir des bonnes intentions qui nous mènent en enfer, pour dégonfler les problèmes d'égo et de délire idéologique (crispations) qui nous sont si communs. Sans cette organisation du statut de l'objection et de l'objecteur qu'il faut protéger, combinée à un outil efficace de prise de décision, le parti-pris et les arrivistes ont de beaux jours devant eux et ce n'est pas de cette façon que nous pourrons résoudre les problèmes immenses auxquels nous devons faire face. Le risque que nous les résolvions une fois de plus par le chaos et les guerres me semble très élevé.

  • Ministère de la bonne bouffe, plus d'actualité que jamais

    Rediffusion d'un billet écrit le 25 Mai 2007, tant il me semble d'actualité et important pour bâtir une politique agro-économique riche en emplois de qualité.

    Mes découvertes des connaissances et pratiques en agriculture durable se sont considérablement étoffées depuis. Voir la liste de liens sur l'agriculture colonne de droite vers le bas. Je voudrais remercier ici un jeune pédologue, Gilles Domenech, d'avoir très fortement participé à l'élargissement de mes connaissances sur ce sujet. Il a écrit un billet remarquable sur le site de Paul Jorion, intitulé "Les défis de l'agriculture du XXIème siècle".

     

    Le 25 Mai 2007 Ministère de la bonne bouffe

    Les changements de périmètres ministériels m'en inspirent un: un ministère de la bonne bouffe qui regrouperait le tourisme, la gastronomie, l'agriculture et l'écologie*. Nous avons tout, la culture, le climat, la position géographique, l'espace, la richesse patrimoniale (Chirac et Bové;-)... La synergie entre ces pôles est tellement évidente pour la France qu'il nous faut le poids de la FNSEA, des lobbies agro-alimentaires, des vendeurs de pesticides et autres produits phytosanitaires, des grainetiers et OGMistes aidés par un certain radicalisme écologique inefficace pour ne pas le voir. A la clé, beaucoup d'emplois (sans doute plusieurs millions), une meilleure santé pour tous (autre richesse inestimable), une fierté légitime d'être français etc. De quoi satisfaire de l'extrême droite à l'extrême gauche, un consensus donc.
    Pour une révolution agricole réaliste, je recommande le modèle André Pochon (agriculture durable et rentable):
    On peut aussi citer Pierre Rabhi pour sa maîtrise du compost, son développement de l'agroécologie et ses actions nord-sud. Claude et Lydia Bourguignon pour leurs connaissances uniques en microbiologie des sols...( remarque du 4/9/2012- à étoffer avec les liens du paragraphe d'introduction. Pochon apparaît maintenant comme en partie dépassé, mais c'était un excellent précurseur, aussi bien dans sa pratique que dans son approche très pragmatique)
    L'écologie pourrait s'accrocher à une dynamique de développement populaire et sortir de ses combats idéologiques stériles. Elle pourrait aussi se réconcilier avec l'agriculture.

    L'agriculture pourrait se rendre très populaire, moins nuisible (pesticides, fongicides, nitrates), moins dépendante des subventions, rentable.

    Le tourisme représente déjà une part très importante de notre économie, plus de 100 milliards d'Euros de rentrées par an dans la balance commerciale (autant que l'aéronautique et l'automobile). Le niveau de pollution général ne pourra plus très longtemps être caché. Par exemple, il est de plus en plus souvent fait mention des poissons du Rhône qui ne sont plus comestibles, et pour longtemps du fait de la pollution stockée dans la vase, en particulier des PCB. Nous sommes donc en train de faire pourrir une des branches sur lesquelles nous sommes assis. Pourquoi le tourisme est-il un parent pauvre de notre économie? Pourquoi ne réussit-il pas une jonction synergique avec la gastronomie, l'agriculture et l'écologie?

     

    *J'ai bien dit Ecologie et non produits bio. Cette nuance est très importante parce que bio signifie que le produit a été cultivé selon les normes bio et qu'il est donc supposé sain pour celui qui le consomme, mais en aucun cas cela ne signifie qu'il soit écologique. Par exemple, il faut environ 1litre de fioul par mètre carré pour assainir un sol avec de la vapeur d'eau (10TEP/ha!!!!!). C'est bio mais pas du tout écologique. Bien heureusement, ce mode de d'assainissement, qui s'apparente à une éradication aveugle, n'est pas la pratique la plus courante, ne serait-ce que pour des raisons économiques. Autre exemple, on peut pratiquer le labour qui participe fortement à l'érosion des sols et faire du bio qui ne respecte donc pas un principe écologique et économique primordial de conservation des sols. Sans compter que le labour détruit une partie de la vie du sol, le déstructure, empêche l'eau et les racines de pénétrer profondément, se prive de l'énergie du soleil une partie de l'année pour faire de la biomasse et de l'autoamendement....Les principes de l'agriculture durable (ne pas confondre avec agriculture raisonnée qui n'a pas de cahier des charges et qui ne vous garantit donc rien) prennent nettement mieux en compte les contraintes écologiques en donnant des produits quasi-bio, mais sans la rigidité idéologique associée au bio, et avec une stratégie qui prend bien mieux en compte l'ensemble des contraintes.

     

    Un article de démontage des arguments pro-OGM sur Démocratie et Entreprise.

    Une discussion avec Alain Godard.

    Le rapport complet de Navdanya.

    Solution locale contre désordre global.

  • Pourquoi le gouvernement de gauche, malgré sa bonne volonté, va échouer sur l'emploi.

    Prendre l'exemple de l'exception culturelle (en l'améliorant sans doute un peu) comme modèle de rénovation de l'état social.

    Je suis pour un état social fort, comme la gauche et les syndicats.
    Mais je suis aussi pour une politique de l'emploi, comme la gauche et les syndicats. Toutefois, dans les conditions actuelles de financement de l'état social, état social fort et emploi sont incompatibles et contradictoires. Nos dispositions contributives et règlementaires sont procycliques vis à vis du chômage.

    Une résolution de cette quadrature du cercle passe par un déplacement du financement de l'état social du travail vers le citoyen , IR progressif sur tous les revenus associé à un crédit d'impôt unique (impôt négatif, premier pas vers un revenu garanti) pour gérer les inégalités et indirects, pour peser efficacement sur une politique économique. Alléger et simplifier l'ensemble des conditions et charges qui pèsent sur la création et l'entretien d'emplois améliorera à la fois le dynamisme du travail et la justice sociale . Les PME qui n'ont pas les moyens en temps, en possibilités et en spécialistes d'optimiser leurs contributions (sociale+fiscale), pourront enfin ne pas être pénalisées fiscalement vis à vis des grands groupes. D'autre part, de nombreux rentiers qui ne contribuent que très peu à l'état social verront leur contribution augmenter, réduisant d'autant celle des contributeurs actuels (cf ce graphique qui fait apparaître clairement que les plus aisés ne cotisent pas beaucoup dans le système actuel). De nombreuses niches permettant les fuites fiscales inégalitaires pourront alors être supprimées.

    Je sais que cette proposition n'est pas audible du fait que les syndicats, gestionnaires des caisses sont à la fois juges et partis (beaucoup d'emplois des cadres syndicaux sont attachés à la gestion paritaire des caisses, il y a conflit d'intérêt) et que cette situation les conduit malheureusement à jouer contre l'emploi (alourdissement des conditions règlementaires et fiscales) sous couvert de défendre l'état social et au nom du très sacralisé CNR (Conseil National de la Résistance à l'origine de notre état social actuel). Voilà qui constitue la clé de voute du noeud paradoxal (Etat Social contre emploi) que le CNR a mis en place et qu'il nous faut résoudre, sans toutefois affaiblir l'état social.

    Connecter l'état social au marché en le finançant par la TVA, en organisant ainsi sa régulation est comparable au mécanisme de l'exception culturelle qui finance sa reproduction (création et toute la filière) par les entrées en salle. Il s'agit de régulation sociale de marché. Le marché est incontournable, mais ce n'est pas lui qui est aux commandes. C'est un mécanisme cohérent et responsabilisant qui lie l'ensemble des acteurs, d'une filière dans le cas du cinéma, de l'économie entière dans le cas de l'état social. La gauche est pour l'exception culturelle, mais elle est contre la TVA de substitution. Cherchez l'erreur.

    Comment négocier avec les syndicats pour faire bouger les lignes.

    Le rôle des syndicats est de peser en faveur des salariés dans le dialogue avec les partenaires du travail. Il est concevable qu'ils s'accrochent à la gestion paritaires des caisses qui leur donne des places et un poids. Si on leur propose de simplement lâcher cette gestion paritaire, on n'a aucune chance d'ouvrir le dialogue et de résoudre le paradoxe Etat social fort/emploi. Par contre, si on leur propose en même temps de revaloriser leur place au sein de la troisième chambre, le CESE (les deux autres étant comme chacun sait la chambre des députés et le sénat), ce qui leur permettrait très certainement d'agir plus efficacement sur les conditions de travail sans pour autant que ce soit au détriment de l'emploi, alors il devient possible d'entrevoir une solution à notre impasse actuelle.

    Un autre boulet, une autre illusion, aggravera le déficit de dynamisme de l'emploi, c'est l'effet de l'ingérence règlementaire et fiscale dans la direction d'entreprise, portant atteinte directement à ses capacités cognitives et contraire au principe élémentaire de subsidiarité. Non pas que je sois contre une règlementation du travail, à la fois pour le salaire minimum, le temps de travail et les conditions de sécurité, pour lesquels la législation me semble indispensable. Je milite même pour une gouvernance sociocratique de l'entreprise, qui est une sorte de co-gestion, de façon à détroner le capital de son piedestal et qui pourrait enfin donner un peu de sens aux lois Auroux et suivantes sur la codirection d'entreprise. Mais une fois ces contours définis, c'est l'équilibre employeur/employé qui joue sur les conditions de travail, sur la parole des employés ainsi que sur celle des employeurs. Le taux de chômage est le premier facteur de cet équilibre. On ne peut ni physiquement ni économiquement mettre un inspecteur du travail derrière chaque employeur. L'ingérence est un facteur d'atténuation du dynamisme parce qu'il dépossède l'acteur de son initiative. Les dispositions règlementaires qui se profilent sur la modification au cas pas cas des contributions sociales, des emplois aidés, du durcissement fiscal qui serait censé ne toucher que les grands groupes entraineront plus d'effets pervers que d'emplois pérennes. C'est typiquement le mode de gestion bureaucratique (décision inadaptées et trop générales, loins des conditions locales d'application) qu'il faudrait éviter qui en sera renforcé.

    Le précédent gouvernement a voulu imputer ses échecs sociaux et budgétaires à la crise, ça ne lui a pas réussi. On peut s'attendre à ce que si le plan de croissance venait à réussir, il ne serait pas suffisant pour améliorer assez le renouvellement et la création de places, quel bouc-émissaire pourrait alors être invoqué pour expliquer cet échec? La Phynance sans doute? Dans le cas où la politique de croissance voulue par le gouvernement venait à échouer, l'Europe sera au premier plan des coupables et la crise économique en arrière plan, à moins que ce ne soit l'inverse. A une époque où il devient urgent (il est même peut-être un peu tard) de passer d'un mode de croissance quantitative aveugle à un mode de progrès durable, le projet de croissance promu a toutes les chances de consolider le noeud paradoxal (croissance contre durabilité) difficile à résoudre.

    Le contexte de l'Euro qui nous prive de souveraineté monétaire ne nous aide pas. Pouvoir considérer que ce sont les dépenses du trésor public qui génèrent ses recettes et non l'inverse nous serait d'un grand secours. Mais la vision libérale qui nous présente l'état comme s'il s'agissait d'un ménage domine (Il s'agit d'un des épisodes de la lutte entre métallistes=libéraux et chartalistes=souverainistes monétaires). Cette vision a placé le marché aux commandes de l'économie et tend donc logiquement à faire disparaître l'état tout en nous imposant une austérité contreproductive et génératrice de chômage, donc de contributions à la communauté perdues à jamais. Notre économie est comme un bolide conduit par un aveugle. Les marges de manoeuvre qu'il nous reste dans ce contexte devraient nous inciter à réduire les complications et faciliter l'accès au travail. Une autre stratégie serait d'émettre une monnaie fondante dédiée au domaine social, à condition de l'organiser un peu, ce qui permettrait de désserrer l'étreinte masochiste avec la rigueur et de générer des emplois et même de réguler le chômage.

    Un dernier point, celui de la dissolution de lien entre temps et travail sur lequel repose le salariat et, en conséquence, le capitalisme industriel. Cette dissolution mécanique provient du développement de l'économie immatérielle et de l'automatisation des tâches. Nous n'échapperons pas à la mise en place d'un revenu d'existence, ou mieux à un revenu garanti adossé à l'institution. Il y a là une piste de résolution du noeud paradoxal croissance/durabilité, parce que la précarité et l'exclusion ont un rôle moteur dans la fuite en avant dans la croissance.

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  • La liberté et la nourriture narcissique.

    Multiplier les niches sociales pour multiplier les places et les moyens d'émancipation

    La liberté, c'est un peu comme une étoile inaccessible. Elle scintille de mille feux et peut nous motiver jusqu'au sacrifice de notre vie. A l'idéal pur qu'elle évoque en nous lui répond la toujours rude réalité. Les bonnes intentions mènent bien souvent à l'enfer, ainsi que l'histoire nous l'enseigne, mais est-ce une raison pour se détourner de cette étoile polaire? Si on a renoncé au meilleur des mondes des utopistes, pourrions nous renoncer à un monde meilleur?

    Plutôt que de parler de l'abstraite liberté, je préfère appuyer ma réflexion sur deux de ses compagnes, l'émancipation, plus dynamique et l'autonomie plus concrète. De ces deux points de vue, je m'interroge sur la direction que propose cet état providence participatif que je tente d'élaborer. Est-ce que l'état providence participatif contribuerait à plus d'émancipation, plus d'autonomie que ce que permet notre état providence actuel, ou bien est-ce l'inverse?

    Prenons l'exemple du rôle du travail pour l'émancipation féminine. Nul doute que le travail, malgré toute l'aliénation aux subordinations que génère l'entreprise, a joué et joue un rôle positif d'émancipation des femmes vis à vis de l'ancienne division sexuelle des tâches. Il a fallu pas moins de 200 ans pour que les idées démocratiques diffusent de la cité vers la famille. Le terme d'autorité parentale, pour remplacer celui d'autorité paternelle, n'est apparu dans les familles que quand la division du travail a cessé d'être essentiellement sexuelle. D'un point de vue pratique, deux inventions concrètes majeures ont facilité cette évolution: la contraception et la machine à laver. Mais pour que cette émancipation des femmes ait pu progresser, il a d'abord fallu sortir du cadre de la société traditionnelle dans laquelle il n'était pratiquement pas possible de sortir du groupe d'appartenance. Le savoir faire relationnel, l'aisance à se mouvoir et jouer des ressorts de cette organisation, constituaient alors les seuls moyens pratiques d'individuation et d'émancipation vis à vis du groupe, un peu à la façon dont un nageur acquiert de la liberté en développant sa compétence de nageur. Ces moyens et ces ressorts n'ont rien perdu de leur intérêt, mais la séparation de nos activités en domaines relativement autonomes constitue une source d'émancipation. Pouvoir travailler dans le domaine productif ou social constitue une possibilité d'émancipation vis à vis de la famille, ainsi que la famille constitue une possibilité d'émancipation vis à vis des conditions de travail.

    La principale proposition de l'état providence participatif consite à renforcer le domaine social en institutions afin que le troisième domaine majeur de nos besoins essentiels puisse mieux exister et répondre à ces besoins. Ni les dispositions du domaine affectif (et reproductif) que constitue le groupe affectif, la famille, ni les dispositions du domaine productif tourné vers le gain de temps associé au profit ne peuvent couvrir les besoins sociaux. Si certains besoins sociaux, comme l'instruction et tout ce qui concourt à l'éducation et le soin des jeunes, peuvent se concevoir dans une logique utilitariste d'investissement consolidé par les liens qui unissent les membres d'une famille (mais même ces besoins sont difficilement couverts dans le cadre actuel très dominé par l'utilitarisme), beaucoup d'autres relatifs aux personnes âgées, aux handicapés, aux réputés inemployables etc ne trouvent aucune solution satisfaisante. Consolider institutionnellement ce domaine social apporterait à l'individu une possibilité supplémentaire d'émancipation vis à vis de la famille et de l'entreprise. Les ressorts de ce domaine sont beaucoup moins immédiats que ceux de la famille (l'affection et la reproduction) et ceux de l'entreprise (le profit, la curiosité inventive et le mythe du mieux être). L'accroissement de la capacité d'émancipation, ainsi que j'ai tenté de le démontrer, associée à une réduction de l'exclusion répondant à notre besoin profond de reconnaissance, peuvent peut-être constituer un moteur valable? 

    Je crois que le besoin de reconnaissance, le besoin que la société ne nous exclue pas, qu'elle nous fasse une place, est un des moteurs les plus puissants de nos agissements. Notre narcissisme est construit par l'accueil, la mise au monde symbolique et concrète que nous permet la société.
    Nous désirons ce que l'autre désire (René Girard), mais surtout nous désirons être reconnu (Hegel). En conclusion, il me semble que l'état providence participatif propose un contrat social plus nourissant du point de vue narcissique et plus satisfaisant du point de vue de la liberté que l'organisation actuelle très excluante.  Retour à Tous les articles

  • La maison verte de Dolto

    Parmi les réalisations qui relèvent de la démarche de l'état providence participatif, la maison verte de Françoise Dolto pourrait figurer en bonne place. Elle en a toutes les caractéristiques.

    • -Structure collective opérant dans le champ social (on n'y produit rien que du capital social).
    • -Participation active mais très peu contraignante des adultes.
    • -Concourt à réduire l'isolement, à la fois des adultes et des enfants.
    • -Règles de fonctionnement régulant intelligemment le vivre ensemble, la combinaison du je et du nous.
    • -Association de moyens publics et de citoyens.
    • -Conforme avec le "subsidiarisme".

    [La maison verte]..."Un lieu de rencontre et de loisirs pour les tout-petits avec leurs parents. Pour une vie sociale dès la naissance, pour les parents, parfois très isolés devant les difficultés quotidiennes qu’ils rencontrent avec leurs enfants. Ni une crèche ni une halte-garderie, ni un centre de soins, mais une maison où mères et pères, grands-parents, nourrices, promeneuses sont accueillis... et leurs petits y rencontrent des amis." Françoise Dolto

    Liste des maisons vertes

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  • Analyse de l'échec du thème de la société de soin mutuel

    Vous vous souvenez, c'était début 2010, Martine Aubry lançait le thème de la société de soin mutuel. Compte de tenu des réactions très mitigées de la société, on peut rappeler celle de Jacques Julliard (Bisounours et gnia gnia gnia) ou celle de Jacques Attali opposant le soin mutel au respect, ce thème est passé par pertes et profits. Et pourtant c'était une tentative très opportune de développement participatif de l'activité sociale rompant avec le mirage de l'état providence tout puissant. Pourquoi ce thème a t-il fait un tel flop?

    Je vois trois raisons majeures:

    1. -Il s'agit de rompre avec la tradition de notre état social centralisé (Etat Providence) fondé par le sacro-saint CNR (Conseil National de la Résistance) en 1944 et qui a alors actualisé notre contrat social. Toute atteinte à ce système est vécu par la gauche (les gestionnaires des caisses paritaires, qui se vivent comme les gardiens du temple, en particulier) comme une atteinte à l'état social lui-même, alors qu'il s'agit de l'actualiser à nouveau et de l'enraciner populairement.
    2. -Le thème du soin mutuel renvoie à une quasi-Forme de charité propre au centre-droit, à la démocratie chrétienne à laquelle la gauche ne peut s'identifier. Un détour sur la question clé de la gratuité me semble indispensable pour associer l'ensemble des forces solidaires qui peuvent se retrouver dans ce projet de société de soin mutuel.
    3. -En France, on a plus de goût pour les grandes idées et pour chercher le sucre dans le lait chaud que pour les projets terre à terre. Cette question du soin mutuel apparaît donc comme un sujet politique mineur.

    Si cette analyse est juste, il devient alors possible d'imaginer des stratégies permettant de surmonter ces obstacles à cette société de soin mutuel que j'appelle de mes voeux. Je l'appelle de mes voeux parce que la structuration de l'activité sociale, sous la forme d'une mutualisation du travail social, me semble être une des pistes importantes de résolution de l'exclusion qui caractérise notre organisation sociale et que la structuration de l'activité sociale peut à la fois réduire l'isolement et le chômage (Chômage + Isolement  ≡ Exclusion).

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  • Le contrat social et les monnaies locales

    A l'heure où le pouvoir financier dépasse de loin le cadre des états et des pouvoirs politiques internationaux naissants, parler de contrat social a perdu une bonne partie de sons sens. En effet, le contrat social de Jean-Jacques Rousseau est basé sur l'établissement de lois, et donc d'un pouvoir politique, capables de contrecarrer la loi du plus fort qui s'établit spontanément.

    En conséquence, la pemière priorité actuelle de tout chef d'état devrait être de tout faire pour remettre en cohérence le pouvoir politique et le pouvoir économique sur la zône du monde dont il a la charge (par exemple, sur un plan international, peser de tout leur poids, aussi faible soit-il, pour que se tienne un nouveau Bretton Woods, sur un plan national, encourager les initiatives relocalisantes comme l'est le principe de coopérative municipale). Le principe de subsidiarité me semble être un minimum pour que le contrat social puisse reprendre du sens, mais les coups de menton protectionistes on nationalistes négligeant les forces en présence sont vouées à l'échec du fait de cette croyance aveugle dans un volontarisme délirant.

    Le système monétaire international est inexistant, presque tout le monde en convient. Les parieurs/prêteurs ont le champ libre pour imposer leurs règles sur les marchés, privant ainsi les élus d'une bonne part de leurs pouvoirs à élaborer et entretenir un quelconque contrat social. Il n'est donc pas surprenant que la loi du plus fort, ainsi que l'avait si justement ramarqué Rousseau, s'impose partout. En attendant ques nos élus se remettent à l'oeuvre pour redonner vie à nos contrats sociaux, il nous reste quelques marges de manoeuvre locales pour échapper à la dictature des marchés (ou plus précisément des rentiers). Parmi ces moyens, la mise en circulation de monnaies locales (le local étant ici l'état) en cohérence avec le pouvoir politique pour fluidifier l'activité du domaine social me semble être pertinent, dès lors que les critères retenus ne soient pas ceux du profit. Le principe d'une monnaie fondante me semble avoir toutes les qualités requise.

    Dès que les pouvoirs politiques et les pouvoirs financiers seront remis en phase, ces monnaies parallèles ne présenteront plus beaucoup de légitimité, il sera à nouveau possible de discuter de la pertinence de telle ou telle politique économique. Les discussions entre libéraux et keynésiens (ou plutôt leurs descendants néochartalistes) pourront reprendre. Cette discussion est presque sans objet aujourd'hui, tant que le contrat social n'aura plus aucun sens. Retour à Tous les articles

  • Les Voisins Solidaires

    Nul doute que l'association des Voisins Solidaires est une tentative spontanée de structuration du domaine social que j'appelle de mes voeux. C'est tout à fait le type de démarche attendu par l'Etat Providence Participatif. Il s'agit de la création d'une institution par le bas. Le vecteur de la fête des voisins dont le succès est grandissant semble indiquer que cette institution "sauvage" en gestation a toutes les chances de réussir, c'est en tout cas ce que je lui souhaite.

    Et moi, qu'est-ce que je fais dans l'affaire, je me croise les bras? Ben non, d'abord, je soutiens l'initiative et je travaille à consolider, depuis environ 1990, le cadre conceptuel sur lequel cette initiative peut s'appuyer, ensuite j'y participe, mais ça c'est mes oignons. Retour à Tous les articles

  • Pour un baptême social adossé à un collectif parrain afin d'éradiquer l'exclusion

    Vous me direz que le baptême civil (baptême républicain) existe déjà. En effet, mais sa valeur est voisine de zéro. Ce que je veux promouvoir ici, c'est la mise en place d'une véritable institution, avec des droits et des devoirs inscrits dans la loi. Voilà sans doute le premier élément significatif de structuration institutionnelle du domaine social que j'appelle de mes voeux. C'est ce qui apparaît dans la représentation ci-dessous qui illustre l'individu distribuant son temps de façon ordinaire entre les trois domaines: le domaine social (collectif de parrainage), le domaine affectif (famille) comme c'est déjà le cas et le domaine productif  (l'entreprise)  comme c'est déjà le cas aussi.

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    Pourquoi?

    Pour contribuer à mettre les individus au monde sans pour autant tout de suite les enfermer dans une confession ou une ethnie. Parce qu'il s'agit d'une proposition en complet accord avec le projet général d'état providence participatif dont le but principal est de signifier à chacun de nous au moyen des institutions, aussi bien sur un plan symbolique que sur un plan pratique, qu'il est le bienvenu, que la société le désire, qu'il y a sa place. Il s'agit de faire en sorte que les choix par défaut que sont la tentation communautaire ou multiculturaliste en cours ne prenne pas le dessus sur les valeurs républicaines si chèrement acquises, mais qui demeurent abstraites faute d'institution appropriée à faire une place à chacun.

     

    Comment?

    En créant un collectif de parrains et marraines dont le nombre serait au minimum environ de 3 à 4 personnes et au maximum de quelques dizaines de personnes. Ce collectif serait par essence laïque, ce qui n'exclut en rien que ses membres adhèrent à une confession. Ce collectif s'engagerait à apporter assistance à leur filleuil, aussi bien sur un plan matériel que sur un plan de conseil ou tout autre plan si celui-ci en fait la demande et que cette demande est raisonnable (contours des droits et devoirs à définir).

     

    Il y aurait de très nombreux problèmes pratiques à régler pour qu'une telle institution soit fonctionnelle. Délimiter plus précisément les contours des droits et devoirs. Comment prendre les décisions (Pour une telle structure, je suis favorable à un mode de prise de décisions par consentement en accord avec un principe de responsabilité collective). Comment gérer la pérennité du groupe (départs pour désaccord, décès...).

    Mais l'enjeu est très important si on souhaite recoudre la société et la communauté des citoyens au-delà des divergences confessionnelles ou éthniques, si on souhaite que l'exclusion sous toutes ses formes disparaisse radicalement. L'exclusion signifie l'exact contraire du baptême. Se retrouver exclus, soit à cause de son isolement, soit à cause du chômage, signifie l'inverse de la mise au monde, c'est comme une dé-naissance, comme si on était dé-né (dénié), alors que le baptême signifie l'accueil au monde, la mise au monde symbolique.

     

    Parallèle matériaux - corps social

    Dans son livre "Les objets fragiles" P.G. De Gennes décrit l'utilisation de l'hévéa par les indiens d'Amérique du Sud. Ils s'enduisent les pieds de la sève de l'hévéa, le latex, puis attendent un petit moment. Ils se retrouvent alors possesseurs d'une paire de bottes parfaitement ajustée. Malheureusement, le soir, cette botte se désagrège. Goodyear, sans doute un peu par hasard, mélange du soufre à la sève et obtient un caoutchouc très proche du caoutchouc actuel. La botte pourra tenir très longtemps. Quelle différence y a-t-il entre la première botte naturelle et celle de Goodyear? Dans le premier cas les molécules en forme de spaghettis de la sève de l'hévéa sont pontés par l'oxygène, puis, la réaction se poursuivant sont ensuite rompues, d'où la destruction. Dans le deuxième cas, la liaison avec le soufre est plus faible et ne peut ensuite couper les chaînes macromoléculaires, mais elle est assez forte pour maintenir une bonne cohésion de l'ensemble sans le rigidifier En fait, un atome de carbone sur 200 de la chaîne macromoléculaire a réagi avec le soufre. P.G. De Gennes conclut que "c'est la preuve qu'on peut transformer une matière par des actions extérieures faibles". C'est sa définition centrale de ce qu'il appelle la" matière molle". Le collectif de parrainage, c'est un peu un objet mou au sens de P.G de Gennes. C'est un peu une structure sociale de l’âge du plastique, une structure à liaison faible assurant à la fois la cohésion au corps social et sa souplesse.

    Des parrainages de sans papiers ont déjà été constitués. Mais il s'agit d'initiatives ponctuelles sans véritable soutien institutionnel. Ce projet de baptême social rejoint ces initiatives de parrainages de sans papiers, mais il vise à le banaliser et à le consolider légalement, au même titre que le mariage ou l'entreprise. Retour à Tous les articles

     

  • Nicolas Sarkozy et les lois inutiles

    "Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires." L'esprit des lois de Montesquieu. Il y a d'ailleurs un portail émanant de la commission des lois à l'assemblée nationale visant l'objectif de réduire les lois inutiles où vous pouvez vous exprimer. Fonctionne t-il encore? La dernière contribution reçue date du 9 décembre 2008.

    Quand Nicolas Sarkozy entend reprendre la main sur la campagne en voulant engager à la va-vite une loi en réaction au drame de Toulouse, il se trompe une fois de plus de régistre et porte atteinte à l'état de droit et affaiblit les institutions. Si je n'en avais d'autres, cette seule raison suffirait à ne pas lui accorder ma confiance.

    L'état dispose de deux outils pour conduire son action, un outil législatif et un outil administratif. L'outil législatif qui élabore l'état de droit, les institutions, émet des règles dont le but principal est de prendre acte et d'actualiser le contrat social qui unit l'ensemble de la population, il s'agit d'un outil qui demande du temps, du dialogue et de la réflexion.  L'outil administratif est plus propice à la décision. Les préfectures et tous les corps administratifs sont les relais des décisions administratives. Les décisions concernent le temps court.

    Blandine Kriegel, dans "l'état de droit ou l'empire" (ou dans "La république et le prince moderne"),  expose de façon très convaincante ce qui oppose un mode de gouvernement dont le centre de gravité est l'état de droit à un gouvernement dont le centre de gravité se situe plutôt du côté de la décision. Tous les empires se sont appuyés de préférence sur la peu démocratique décision administrative. Les états de droit ont dû lutter contre ces empires pour faire émerger la démocratie. Les grecs contre les perses vers -500, plus près de nous les Provinces Unies (Pays Bas) contre Philippe II. La France est traversée par les deux tendances qui ont permis l'existence des Napoléons et celle de l'état de droit actuel. Nombre de commentateurs ont bien perçu le caractère Bonapartiste de Nicolas Sarkozy. Toutefois, je crois utile de mettre cette observation en perspective afin de bien comprendre où nous mènent ses penchants naturels vers la décision.

    La décision s'appuie sur la panique et la peur. C'est un outil bien connu de tous les volontaristes, des arrivistes et des carriéristes qui exortent à l'action immédiate et qui s'appuient sur un entretien de la peur pour asseoir leur pouvoir. Nul doute que Nicolas Sarkozy fait bien parti de ces guides qui, par précipitation pour emporter le morceau, nous divisent et affaiblissent la démocratie tout en prétendant nous sauver. Les adversaires plus enclins aux valeurs démocratiques seront immenquablement traités de nuls et de mous, face à ces arrivistes sans scrupules capables d'enterrer la démocratie pour des rêves de grandeur, pour des illusions de France forte nous entrainant à coup sûr dans une direction qu'eux-même ne pourront pas maîtriser et qui se réfugieront alors dans la logique des boucs-émissaires (cf les patrons brebis galeuses), les faux-travailleurs, les étrangers, les Roms, l'Europe, la crise...pour expliquer leurs échecs pourtant prévisibles.

  • Souviens-toi de la Saint Barthélémy, ou le choc des Vérités.

    "Si Dieu existe, qu'il se démerde!"

    Cette opinion choc d'Alexandre Jollien, lui-même croyant, s'adresse t-elle à Dieu, est-elle une offense à Dieu? Non, bien entendu, elle s'adresse à tous les prosélytes, tous ceux qui s'abritent lâchement derrière Dieu et l'instrumentalisent, pour justifier leurs actions, afin d'assouvir leur désir de puissance sur leurs congénères.

    Les Vérités divines sont différentes suivant la religion. Tant qu'elles ne se mêlent que de spiritualité (le pourquoi) et qu'elles ne prétendent pas nous dicter nos choix (le comment), je n'ai rien à dire. Dès qu'elles nous imposent ce que nous devons faire, ce que nous devons manger, comment nous devons nous habiller, alors elles peuvent être tenues pour responsables de beaucoup de violences, puisque les Vérités différentes ne peuvent que s'entrechoquer. Ce n'est pas le choc des civilisations, mais le choc des Vérités que seule la laïcité est en mesure de tempérer. Les Vérités sont au ciel, qu'elles y restent, les responsabilités de nos actes sont ici-bas et elles nous incombent. Par exemple, le jour où les représentants des différentes religions se mettront d'accord pour utiliser des lieux de cultes communs (nous avons un patrimoine considérable d'églises quasi-inoccupées), ils auront fait un grand pas dans la démonstration pratique de la tolérance qui émaille leurs discours et je saluerais ce (sa)geste.

    Un des rôles forts de toute spiritualité est de mettre symboliquement au monde tous les mal-nés. Et d'une certaine façon, aussi talentueux que furent nos parents à nous mettre au monde, à nous délivrer ce OUI dont parle Naouri, ils sont comme nous, imparfaits à y réussir complètement. C'est pourquoi, ne serait-ce que pour cette raison, les spiritualités ont un rôle à jouer. Par exemple, le baptême n'est pas à comprendre comme une décision de l'enfant à faire partie de la communauté des hommes, mais comme une mise au monde, un accueil puissant de la communauté humaine envers le nouveau venu, quel que soit son âge.

    Mais comment pourrions-nous oublier les massacres de la Saint Barthélémy? Comment pourrions-nous ignorer le choc des Vérités quand celles-ci entendent gouverner nos actes, s'ériger en pouvoir politique, c'est à dire du comment? Comment pourrions-nous délaisser ce grand évènement fondateur de notre laïcité? Merci à Aristide Briand pour avoir su promouvoir et convaincre d'adopter la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation DES églises et de l'état, malgré une opposition acharnée du Vatican.

    Amin Maalouf et ses réflexions sur les "identités meurtrières" constitue pour moi une référence sur le chemin des identités cognitives contre les ravages des identités essentielles, qu'elles soient éthniques ou confessionnelles, quand bien même je lui demande de faire encore un petit effort.

    Lequel des candidats au poste suprême pourrait avoir le courage, en ces moments douloureux, de rappeler aux guides religieux autoproclamés (dans le sens où Dieu n'y est pour rien) toute la violence que recèle le choc inévitable des Vérités et toute la sagesse si chèrement acquise contenue dans cette loi d'Aristide Briand?

    Un poème d'Abul Ala Al Ma'ari:

    La vérité est soleil recouvert de ténèbres -
    Elle n'a pas d'aube dans les yeux des humains.

    La raison, pour le genre humain
    Est un spectre qui passe son chemin.

    Foi, incroyance, rumeurs colportées,
    Coran, Torah, Évangile
    Prescrivant leurs lois ...
    À toute génération ses mensonges
    Que l’on s’empresse de croire et consigner.
    Une génération se distinguera-t-elle, un jour,
    En suivant la vérité ?

    Deux sortes de gens sur la terre :
    Ceux qui ont la raison sans religion,
    Et ceux qui ont la religion et manquent de raison.

    Tous les hommes se hâtent vers la décomposition,
    Toutes les religions se valent dans l'égarement.

    Si on me demande quelle est ma doctrine,
    Elle est claire :
    Ne suis-je pas, comme les autres,
    Un imbécile ?

     

    Un dialogue entre l'agnostique Philippe Corcuff et le croyant Haoues Seniguer:

    https://oumma.com/spiritualite-debat-entre-agnostique-musulman/

    https://oumma.com/explorer-le-spirituel-en-contexte-djihadiste-et-islamophobe/

    Corcuff cite "Protagoras. Sophiste, caricaturé par Platon, il a souvent mauvaise presse chez ceux qui en ont entendu parler. Pourtant, à la différence du partisan du « philosophe-roi », Platon, il était un défenseur de la démocratie. Dans son texte Sur les dieux, il avance en précurseur d’un agnosticisme pétillant d’ironie : « Touchant les dieux, je ne suis pas en mesure de savoir ni s’ils existent, ni s’ils n’existent pas, pas plus que ce qu’ils sont dans leur aspect. Trop de choses nous empêchent de le savoir : leur invisibilité et la brièveté de la vie humaine. »"