Pourquoi le gouvernement de gauche, malgré sa bonne volonté, va échouer sur l'emploi.
Prendre l'exemple de l'exception culturelle (en l'améliorant sans doute un peu) comme modèle de rénovation de l'état social.
Je suis pour un état social fort, comme la gauche et les syndicats.
Mais je suis aussi pour une politique de l'emploi, comme la gauche et les syndicats. Toutefois, dans les conditions actuelles de financement de l'état social, état social fort et emploi sont incompatibles et contradictoires. Nos dispositions contributives et règlementaires sont procycliques vis à vis du chômage.
Une résolution de cette quadrature du cercle passe par un déplacement du financement de l'état social du travail vers le citoyen , IR progressif sur tous les revenus associé à un crédit d'impôt unique (impôt négatif, premier pas vers un revenu garanti) pour gérer les inégalités et indirects, pour peser efficacement sur une politique économique. Alléger et simplifier l'ensemble des conditions et charges qui pèsent sur la création et l'entretien d'emplois améliorera à la fois le dynamisme du travail et la justice sociale . Les PME qui n'ont pas les moyens en temps, en possibilités et en spécialistes d'optimiser leurs contributions (sociale+fiscale), pourront enfin ne pas être pénalisées fiscalement vis à vis des grands groupes. D'autre part, de nombreux rentiers qui ne contribuent que très peu à l'état social verront leur contribution augmenter, réduisant d'autant celle des contributeurs actuels (cf ce graphique qui fait apparaître clairement que les plus aisés ne cotisent pas beaucoup dans le système actuel). De nombreuses niches permettant les fuites fiscales inégalitaires pourront alors être supprimées.
Je sais que cette proposition n'est pas audible du fait que les syndicats, gestionnaires des caisses sont à la fois juges et partis (beaucoup d'emplois des cadres syndicaux sont attachés à la gestion paritaire des caisses, il y a conflit d'intérêt) et que cette situation les conduit malheureusement à jouer contre l'emploi (alourdissement des conditions règlementaires et fiscales) sous couvert de défendre l'état social et au nom du très sacralisé CNR (Conseil National de la Résistance à l'origine de notre état social actuel). Voilà qui constitue la clé de voute du noeud paradoxal (Etat Social contre emploi) que le CNR a mis en place et qu'il nous faut résoudre, sans toutefois affaiblir l'état social.
Connecter l'état social au marché en le finançant par la TVA, en organisant ainsi sa régulation est comparable au mécanisme de l'exception culturelle qui finance sa reproduction (création et toute la filière) par les entrées en salle. Il s'agit de régulation sociale de marché. Le marché est incontournable, mais ce n'est pas lui qui est aux commandes. C'est un mécanisme cohérent et responsabilisant qui lie l'ensemble des acteurs, d'une filière dans le cas du cinéma, de l'économie entière dans le cas de l'état social. La gauche est pour l'exception culturelle, mais elle est contre la TVA de substitution. Cherchez l'erreur.
Comment négocier avec les syndicats pour faire bouger les lignes.
Le rôle des syndicats est de peser en faveur des salariés dans le dialogue avec les partenaires du travail. Il est concevable qu'ils s'accrochent à la gestion paritaires des caisses qui leur donne des places et un poids. Si on leur propose de simplement lâcher cette gestion paritaire, on n'a aucune chance d'ouvrir le dialogue et de résoudre le paradoxe Etat social fort/emploi. Par contre, si on leur propose en même temps de revaloriser leur place au sein de la troisième chambre, le CESE (les deux autres étant comme chacun sait la chambre des députés et le sénat), ce qui leur permettrait très certainement d'agir plus efficacement sur les conditions de travail sans pour autant que ce soit au détriment de l'emploi, alors il devient possible d'entrevoir une solution à notre impasse actuelle.
Un autre boulet, une autre illusion, aggravera le déficit de dynamisme de l'emploi, c'est l'effet de l'ingérence règlementaire et fiscale dans la direction d'entreprise, portant atteinte directement à ses capacités cognitives et contraire au principe élémentaire de subsidiarité. Non pas que je sois contre une règlementation du travail, à la fois pour le salaire minimum, le temps de travail et les conditions de sécurité, pour lesquels la législation me semble indispensable. Je milite même pour une gouvernance sociocratique de l'entreprise, qui est une sorte de co-gestion, de façon à détroner le capital de son piedestal et qui pourrait enfin donner un peu de sens aux lois Auroux et suivantes sur la codirection d'entreprise. Mais une fois ces contours définis, c'est l'équilibre employeur/employé qui joue sur les conditions de travail, sur la parole des employés ainsi que sur celle des employeurs. Le taux de chômage est le premier facteur de cet équilibre. On ne peut ni physiquement ni économiquement mettre un inspecteur du travail derrière chaque employeur. L'ingérence est un facteur d'atténuation du dynamisme parce qu'il dépossède l'acteur de son initiative. Les dispositions règlementaires qui se profilent sur la modification au cas pas cas des contributions sociales, des emplois aidés, du durcissement fiscal qui serait censé ne toucher que les grands groupes entraineront plus d'effets pervers que d'emplois pérennes. C'est typiquement le mode de gestion bureaucratique (décision inadaptées et trop générales, loins des conditions locales d'application) qu'il faudrait éviter qui en sera renforcé.
Le précédent gouvernement a voulu imputer ses échecs sociaux et budgétaires à la crise, ça ne lui a pas réussi. On peut s'attendre à ce que si le plan de croissance venait à réussir, il ne serait pas suffisant pour améliorer assez le renouvellement et la création de places, quel bouc-émissaire pourrait alors être invoqué pour expliquer cet échec? La Phynance sans doute? Dans le cas où la politique de croissance voulue par le gouvernement venait à échouer, l'Europe sera au premier plan des coupables et la crise économique en arrière plan, à moins que ce ne soit l'inverse. A une époque où il devient urgent (il est même peut-être un peu tard) de passer d'un mode de croissance quantitative aveugle à un mode de progrès durable, le projet de croissance promu a toutes les chances de consolider le noeud paradoxal (croissance contre durabilité) difficile à résoudre.
Le contexte de l'Euro qui nous prive de souveraineté monétaire ne nous aide pas. Pouvoir considérer que ce sont les dépenses du trésor public qui génèrent ses recettes et non l'inverse nous serait d'un grand secours. Mais la vision libérale qui nous présente l'état comme s'il s'agissait d'un ménage domine (Il s'agit d'un des épisodes de la lutte entre métallistes=libéraux et chartalistes=souverainistes monétaires). Cette vision a placé le marché aux commandes de l'économie et tend donc logiquement à faire disparaître l'état tout en nous imposant une austérité contreproductive et génératrice de chômage, donc de contributions à la communauté perdues à jamais. Notre économie est comme un bolide conduit par un aveugle. Les marges de manoeuvre qu'il nous reste dans ce contexte devraient nous inciter à réduire les complications et faciliter l'accès au travail. Une autre stratégie serait d'émettre une monnaie fondante dédiée au domaine social, à condition de l'organiser un peu, ce qui permettrait de désserrer l'étreinte masochiste avec la rigueur et de générer des emplois et même de réguler le chômage.
Un dernier point, celui de la dissolution de lien entre temps et travail sur lequel repose le salariat et, en conséquence, le capitalisme industriel. Cette dissolution mécanique provient du développement de l'économie immatérielle et de l'automatisation des tâches. Nous n'échapperons pas à la mise en place d'un revenu d'existence, ou mieux à un revenu garanti adossé à l'institution. Il y a là une piste de résolution du noeud paradoxal croissance/durabilité, parce que la précarité et l'exclusion ont un rôle moteur dans la fuite en avant dans la croissance.
Commentaires
Comment faire confiance aux syndicats, si peu représentatifs de l'ensemble des salariés, eux-même si peu nombreux à être syndiqués ?
Question qui ne reflète que ma désespérance.
Votre article est par ailleurs excellent, trop optimiste à mes yeux, mais heureusement qu'il y a des personnes comme vous pour essayer de faire avancer, débloquer, une situation intenable. Merci.
Bonjour et bienvenue Chouette-chouette.
Les syndicats sont peu représentatifs en France pour diverses raisons. Une de ces raisons, c'est qu'ils sont issus des idéologies de lutte des classes. On a un syndicalisme de combat et en face un patronat de combat aussi. La plupart des employés ne veulent plus être entraînés dans cette lutte idéologique qui ne correspond plus à l'époque. La CFDT se démarque une fois de plus aujourd'hui avec son positionnement en faveur du basculement d'une part des contributions sociales sur la CSG, mais les autres syndicats affirment dur comme fer que la compétitivité des entreprises n'est pas un problème pour l'emploi. Enfin, aucun ne veut entendre parler de TVA sociale. Le paradoxe (état social contre emploi) ne me semble pas prêt d'être résolu.
Petit additif du 30/08/2012. La CGT par la voix de son secrétaire B. Thibault dit à l'occasion de l'université d'été du Medef que le gouvernement devait "trancher entre les demandes des salariés et celles du Medef" confirmant par là le positionnement très idéologique du débat. Et si on remettait plutôt l'emploi au centre?
Excellent, cet article Michel, un bon résumé de ce que je pense également
bon billet
on passe souvent d'une hypothèse à une autre, d'un pansement à un autre
le tout étant de faire vite
et surtout que les résultats et mérites ne soient pas récoltés par le suivant...
soupir
hypothèse facile et pusillanime: détricoter ceci ou détricoter cela
"juste ceci" ou "juste cela" pour être exact...
il nous faut des chiffres... arranger les uns cette fois-ci, les autres la prochaine fois...
colmater, rafistoler, étayer...
bien, on va tout essayer comme ça, pièce par pièce? et quand on aura "simplifié" et "réduit" les charges, comme dit ici, comment garantirons-nous les risques qu'elles sont sensées couvrir jusque là?
déshabiller pierre pour habiller paul... chaque gouvernement choisira qui de l'un ou de l'autre sera nu pour un temps... on peut aussi appeler ça se refiler le bâton merdeux...
si je peux me permettre.
oui, il serait sans nul doute plus audacieux de remettre en cause plus en profondeur, au lieu de simplement gratter la peinture, poser de l'anti-rouille et recommencer dans une autre couleur... jusqu'à la prochaine corrosion...
en attendant d'avoir le courage de s'attaquer à la structure même... avec ses hypothèses de bases qui constituèrent jadis une utopie et non des éléments de vérité et des paramètres naturels, ...oui, nous considérons aujourd'hui que la croissance, la compétition, la propriété privée, sont des valeurs universelles, incontournables, ... nous oublions que les notion de monnaie, de financement, plus généralement d'économie sont des variables ajustables et conçues pour structurer la vie collective sans au profit des individus, et que la notion de concurrence soutient la compétition et donc l'élitisme, et que celui-ci porte en lui le germe du déséquilibre,...
déséquilibre qui, immanquablement apporte son lot de remises en causes... mais toujours sur des points isolés...
or, c'est un tout, ...
un tout qui ne va pas
en attendant ce jour d'intelligence collective venu... (et il arrive...)
les charges qui pèsent ont a être mieux réparties, affectées et attribuées...
il faut avoir le courage de la stratégie collective solidaire
ceux qui reçoivent le plus paient pour ceux qui ne reçoivent pas
ceux qui travaillent le plus sans pouvoir déléguer ou partager (pour des raisons évidentes de compétences et de responsabilités) contribuent à la cohésion sociale en proportion des besoins fluctuants et non en proportion arbitrairement posée comme "acceptable"...
si le travail salarié et les ressources du travail humain de façon générale sont comme aujourd'hui une pecadille dans les flux et ressources des états... franchement, c'est pas un peu plus ou un peu moins dans les tiroirs du salaire et des charges qu'il faut chercher des financements et des intelligences économiques...
c'est du foutage de gueule!
il faut décompartimenter, dans le respect des besoins humains, ... merdicum, l'économie est au service des hommes et pas l'inverse!!
le principe du SEL en est un ex... le service tournant, puisque tout le monde n'a pas besoin de tout, tout l'temps et en même quantité... et que nul ne peut être tenu pour nécessairement polyvalent, ni "durablement compétitif"...
si le travail salarié ne pas être généré en nombre suffisant de poste, dans le respect des nécessités de flexibilité, de charges réduites etc... et que la flexibilité ne permet pas aux salariés d'accéder à la propriété, au crédit etc... (voire de gérer leur structure familiale...!)... c'est que ce système ne peut être considéré comme suffisant ni même idéal
si le partage arbitraire du temps de travail ne peut satisfaire partout
si le partage des rémunération ne semble ni juste ni motivant,
si la réduction des charges fâche les uns, et leur augmentation fâche les autres (sujet de toutes façons insoluble dans la compartimentation qui lie les financements de la solidarité et de la santé à l'emploi strictement en circuit fermé)
alors il faudra passer à un mode de "revenu universel d'existence" et à une justification du statut citoyen et des accès aux conforts par un emploi aux charges minimes, aux impôts/choix/participations contributifs...
mais bon, sans rentrer dans le détail, ça semble toujours un peu "illuminé", brouillon, naïf, dérisoire, léger, ... le fameux "c'est plus compliqué que ça" asséné par ceux-là mêmes qui nous vendent des solutions simplifiées, avec force sophismes abusifs de vulgarisation, taillées à la serpe, et posées sur des postulats d'hier tenus pour fondations d'un monde économique qui ne sert qu'une minorité
ah c'est sûr, maintenir la masse dans l'humilité de sa condition, prétendre que le bon sens n'a pas de sens, et que seule une élite tenant des propositions absconses au tout venant peut comprendre élaborer, diriger... "ayez confiance"... c'est sûr, ça a fait ses preuves dans le temps...
mais il suffit de rappeler que la liberté d'élaborer d'autres projets de vie collective, comme ici, nous revient, pleine et entière, et qu'il est de notre droit et de notre devoir de nous en saisir
la démocratie c'est d'abord la participation de tous et non remettre son libre arbitre à une élite d'où viendraient toutes les idées de génie
la responsabilité des élus est d'arbitrer, de leader, pas forcément de s'accaparer l'élaboration de notre quotidien, de nos projets de vie perso et collectifs, des stratégies de vie... arbitrer, coordonner, guider, proposer certes, mais dans la consultation permanente
notre démocratie restera-t-elle comme aujourd'hui une démonocratie...
sur ces allégations et utopies pragmatiques privilégiant l'altruisme et l'empathie parmi nos stratégies de vie génétiquement programmées...
je te remercie pour ces bonnes pistes de réflexion
je te souhaite un bon mois de septembre
Bonjour Mamalilou et bienvenue ici.
Tu dis: "La responsabilité des élus est d'arbitrer, de leader, pas forcément de s'accaparer l'élaboration de notre quotidien, de nos projets de vie perso et collectifs, des stratégies de vie... arbitrer, coordonner, guider, proposer certes, mais dans la consultation permanente..." c'est tout à fait l'esprit de mes propositions, j'ajouterais aussi que leur responsabilité est de réguler, éviter que des acteurs deviennent plus forts que le marché pour que le contrat social puisse garder un sens. Je n'ai pas mieux que l'approche néochartaliste pour proposer des régulations adaptées.Pour le moment, le nouveau gouvernement gère les mises en place du précédent gouvernement et prépare son prochain projet de budget. On pourra juger sur pièce quand il sera proposé. Je souhaite vraiment m'être trompé, mais je n'y crois pas beaucoup.
Je trouve très dommage que le thème de la société de soin mutuel ait fait un flop, j'essaie d'analyser pourquoi:http://solidariteliberale.hautetfort.com/archive/2012/04/23/analyse-de-l-echec-du-theme-de-la-societe-de-soin-mutuel.html