Comment créer une communauté coopérative dynamique?

L'économie coopérative, c'est une personne une voix, alors que l'économie capitaliste c'est la décision à l'actionnaire majoritaire. Depuis la révolution, l'économie coopérative cherche un modèle lui permettant de se développer. Elle demeure marginale (moins de 4%, soit environ 1Million de personnes pour 23000 entités) comparée à l'économie capitaliste. Et si l'économie coopérative s'organisait de façon à améliorer ses avantages comparatifs vis à vis de l'organisation capitaliste? Elle a quelques atouts, en particulier d'être en accord avec notre devise de liberté, d'égalité et fraternité, ce que ne peut raisonnablement prétendre l'économie capitaliste. Alors, comment faire pour lui donner plus de poids, pour qu'elle devienne plus dynamique, pour créer un écosystème entrepreneurial coopératif?

Dans un précédent article sur l'intelligence collective appliquée aux groupes humains, je me suis appuyé sur un article fondateur de Jo Freeman démontrant que l'absence de structure formelle conduisait à une structuration informelle reproduisant les schémas de domination classiques sans les assumer. Cette situation est une source de faiblesse notoire. Ce qu'elle a appelé la tyrannie de l'absence de structure est particulièrement courant dans le monde de l'économie coopérative, ce qui est très certainement une des raisons de son faible développement. Pour y remédier, je propose dans cet article en lien ci-dessus, de faire appel aux méthodes relevant de l'intelligence collective et en particulier à la sociocratie d'Endenburg qui me semble être le meilleur outil d'apprentissage de l'intelligence collective appliquée aux groupes humains. Je propose que la mouvance coopérative (ou convivialiste, ou de gauche libertaire, ou même démocrate chrétienne qui est très proche de cette philosophie) devienne experte en ce domaine de la domestication de l'intelligence collective. Ce n'est pas une mince affaire, parce que chacun sait au moins depuis Brassens, que le pluriel ne vaut rien à l'homme, dès qu'on est plus de quatre!

Une donnée nouvelle peut être déterminante pour le développement de l'économie coopérative, il s'agit des réseaux numériques. Ces outils permettent de générer des communautés improbables sans eux. Ils sont favorables à une économie collaborative qui peut être mobilisée. Hugues Sibille nous avertit toutefois, qu'économie collaborative ne signifie pas automatiquement économie coopérative, loin s'en faut.

Enfin, pour générer et stimuler une communauté, il faut une ressourcerie (ou des ressourceries) en moyens intellectuels et en moyens financiers. L'économie coopérative n'est pas capitaliste, ce qui ne signifie pas qu'elle puisse se passer de capitaux. Il existe aujourd'hui des ressourceries en moyens financiers basés sur le crowdfunding pour les associations, comme Arizuka. Mais ces ressourceries ne lient pas leurs membres pour qu'ils deviennent une communauté et elles ne leur fournissent pas de moyens intellectuels pour qu'ils deviennent experts en intelligence collective.

Ce que je propose, c'est de fonder une ressourcerie qui puisse générer et amplifier une communauté d'économie coopérative (associations et entreprises). En plus des critères de sélection de projets habituels, cette ressourcerie sélectionnera les projets qu'elle financera sur des critères organisationnels, sur la structure qui devra nécessairement relever clairement de méthodes appliquant l'intelligence collective aux groupes humains. La ressourcerie fournira les moyens intellectuels d'accompagnement à cette structure. Les membres financés seront liés à la communauté, d'une façon qui reste à déterminer,  pour un temps à déterminer, pendant lequel ils contribueront, en fonction de leurs moyens (par exemple donner du temps, fournir un travail) et de leurs bénéfices, au financement et au développement de la communauté. C'est un projet de long terme qui va me donner quelques années de travail de préparation. Le premier point est de construire des statuts de cette ressourcerie et des contrats qu'elle passera avec ses membres. Pour y travailler, je vais étudier l'organisation de communautés (je n'ai pas dit sectes!) qui ont réussi et essayer d'en retirer quelques points clés transposables. Le second travail est d'amorcer le dispositif, aussi bien sur le plan des compétences intellectuelles mises à disposition que sur le plan des fonds de fonctionnement et de financement de projets coopératifs. Peut-être que dans 10, 20 ou 30 ans, cette communauté coopérative commencera à avoir une certaine puissance, un peu à la façon d'un massif de bambous.