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Pouvoir se serrer les coudes permet d'envisager d'avoir à se serrer la ceinture.

 La solidarité a besoin de lisibilité pour être comprise et effective. Le CNR (Conseil National de la Résistance à l'origine de notre Etat Providence, de notre sécu) avait su mettre en place au sortir de la guerre cette solidarité qui a été payante, à la fois sur le plan économique et sur le plan social. Le monde a évolué, quatre facteurs principaux ont changé depuis : les frontières se sont ouvertes ou plutôt les échanges se sont intensifiés, les femmes sont sur le marché du travail, la population a vieilli et nous devons construire une économie durable. Voilà pourquoi il nous faut reconstruire notre solidarité en prenant en compte ces facteurs. Saurons-nous reconstruire notre pacte social, nous serrer les coudes dans ce nouveau contexte, afin d'être capables de nous serrer la ceinture si besoin, et de vérifier, une fois de plus, que l'union fait la force?

La crise de la dette comme on la nomme (je préfère bulle/dette pour désigner ses deux faces) prend le chemin d'un serrage de ceinture pour une bonne partie du monde (sauf pour les prêteurs/parieurs, au moins dans un premier temps). Il faudra sans doute un certain délai pour que des solutions efficaces de régulation financière soient mises en place (Décourager les paris sur les prix, soit par une taxation dissuasive, soit par une interdiction, mise en place d'une monnaie de compensation internationale type Bancor ou autre). Les thèses décroissantistes nous indiquent aussi le même chemin, mais pas pour les mêmes raisons. La crise financière vient d'un dérèglement périodique de ce système capitaliste à deux temps: concentration/implosion, alors que la crise du modèle de société progrès/liberté qui est à la source de l'oukaze productiviste à tout prix préside aux thèses décroissantistes. Les pays dits développés ont une empreinte écologique comprise entre 5 et 10ha par personne, alors que nous nous acheminons vers une biocapacité moyenne de 1,5ha par personne pour 8 à 9 Milliards d'habitants. Il nous est peut-être possible de réussir le mariage progrès/écologie qui ne saura se faire sans une modification de notre liberté anarchique en une liberté plus respectueuse de la collectivité. Est-ce que la piste sociocratique peut tenir cette promesse de transformation sans nous priver du progrès, sans frustrer notre curiosité et notre céativité?

Les deux crises se renforcent et on peut donc être à peu près certains qu'il va bientôt falloir se serrer la ceinture. Je ne suis pas contre, mais à une condition, c'est de ne pas être le dindon de la farce, comme la plupart d'entre vous. Les effets du désir mimétique d'appropriation de René Girard (en gros, la jalousie) risquent fort de jouer à plein dans cette période qui s'annonce. Profitons-en pour réformer notre organisation sociale avant que les thèses volontaristes autoritaires ne prennent le dessus. Les injonctions implicites des "marchés" sont transmutés en austérité populaire et en destruction de la protection sociale. Outre qu'il s'agit d'une ineptie économique ayant un amer goût de déjà vu, d'un projet de paupérisation, nous n'accepterons pourtant de nous serrer la ceinture que si nous avons au préalable les moyens de nous serrer les coudes, c'est à dire si nous rendons notre solidarité effective. Comment faire?

L'emploi et le système de protection sociale sont mes priorités.

Pour l'emploi, il me semble indispensable de rendre la création d'entreprise et son développement beaucoup plus faciles. Il me semble indispensable de découpler financement de la solidarité et création de richesses. Ce qui ne veut pas dire que je sois pour une réduction du financement de la solidarité. Tout ce qui pèse sur l'entreprise peut être transféré sur le citoyen. Un rapport récent (rapport de l'Assemblée nationale sur l'application des lois fiscales, présenté mercredi 6 juillet par Gilles Carrez (UMP)) a montré que les grosses entreprises payaient nettement moins d'impôts que les PME, certaines n'en payant même pas du tout. Est-ce que l'option de compliquer encore plus le système fiscal pour faire payer ces grosses entreprises coûte que coûte a un sens? Non, puisqu'on voit qu'elles savent très bien tirer parti de cette complexité, alors que les petites entreprises n'en ont pas les moyens. La solution n'est pas morale, elle est logique: dans un souci d'égalité entre les entreprises et de solidarité en facilitant la création d'emploi, il faut défiscaliser les entreprises et transférer le financement de la protection sociale sur le citoyen.

Deux outils complémentaires puissants sont à la disposition de l'état pour financer son fonctionnement, pour mener sa politique économique et pour assurer la protection sociale. Il s'agit de l'impôt sur les revenus (IR) et des impôts indirects (TVA). Ces deux impôts ont les meilleurs rendements, et permettraient de se passer des niches pour mener une politique économique. L'impôt sur les revenus (tous les revenus, salaires, rentes, dividendes, avantages en nature) permet de gérer les inégalités (plus ou moins à droite ou à gauche) et les impôts indirects permettent de gérer une poltique économique avec des taux différenciés suivant les secteurs économiques qu'on souhaite pousser en avant ou freiner (par exemple favoriser le développement d'une économie durable). Il est possible de conférer un caractère progressif à la TVA (c'est à dire rendre la TVA aussi juste qu'on le souhaite) en lui adjoignant un crédit d'impôt à la consommation unique (qui peut d'ailleurs efficacement être restreint au tiers ou au quart de la population ayant les plus bas revenus sans perdre son sens). Le mécanisme de l'exception culturelle est vanté par la gauche et je me demande bien pourquoi elle est si réticente à promouvoir la TVA dite sociale qui procède de façon similaire. Faudrait-il réunir Thomas Piketty, très sensible aux inégalités et co-auteur d'un projet radical de réforme fiscale, et Jean Arthuis, très sensible à l'emploi et favorable à une TVA sociale de substitution, dans une même pièce avec pour mission de vraiment réformer notre fiscalité pour à la fois stimuler l'emploi et la production, garantir les ressources de notre état social et redistribuer les richesses? (Discussion à ce sujet sur le blog de JM Harribey)

Si on se place dans un cadre d'harmonisation fiscale européenne, en l'absence d'une monnaie de compensation comme serait le Bancor et qui redonnerait sens à la souveraineté monétaire, on peut combiner prélèvements sur l'entreprise et prélèvements sur le citoyen. “Comment harmoniser la fiscalité en Europe” n’est pas l’objet de beaucoup de propositions et encore moins de propositions qui seraient basées sur un critère pratique de compétitivité ni sur le principe de subsidiarité pourtant inscrit dans les textes fondateurs. En voici une qui tient compte de ces deux critères, avec en prime l’attribution d’une fonction de pilotage de l’harmonie économique entre les états membres de l’UE au parlement Européen: ne pourrait-on pas gérer, par décision du parlement Européen, la répartition des prélèvements entre entreprise (Tous les prélèvements) et citoyen (IR+TVA+…) de façon à tendre vers un équilibre des échanges pour chaque pays? Si l’Allemagne exporte plus que les autres, alors on lui impose de charger un peu plus les entreprises et un peu moins les citoyens. Si la France importe plus, on lui impose de charger un peu moins l’entreprise et un peu plus le citoyen. Ce principe préserve à chaque pays sa souveraineté d’organisation de sa protection sociale.

La protection sociale est assurée par un grand nombre de mécanismes où se mèlent financement et participation directe (bénévolat, famille...). Mes analyses m'ont conduit à proposer une plus grande mutualisation de la participation directe à ce qu'on nomme de façon restrictive l'Etat Providence. En gros, je propose que chacun puisse participer directement à la protection sociale ou cotiser plus. L'idée est qu'il soit plus avantageux de participer directement. Il est même possible de combiner emploi et (auto-)protection sociale en synergie au moyen d'un contrat mixte productif/social.

Il reste la retraite. Les retraites sont financées par l'activité actuelle, quel que soit le mode de financement choisi. Il me semble donc utile que, dans une optique de solidarité entre générations, un lien soit établi entre le montant des retraites et les performances économiques. Je propose un mécanisme général de retraite flottante par points qui permette d'établir ce lien entre retraités et actifs.

 

Point de repère: au cours d'une vie, nous passons environ 10% en moyenne de notre temps actif au travail. On peut obtenir ce résultat en calculant le taux (Population activeXnombre d'heure travaillées moyen par personne et par an)/ (Population totaleX16X365) (c'est à dire 16heure d'éveil par jour et 365 jours par an). Estimation 2008: (25M X1568)/(63.75X16X365)=10.5%.

On peut ergoter sur cette évaluation à la hache, mais le résultat global ne sera pas beaucoup modifié, ce qui signifie que la politique, si centrée sur l'économie, perd de vue que sa référence ne concerne qu'une part infime de notre vie. Ce simple calcul montre que nous avons beaucoup plus de marges de manoeuvre d'organisation qu'on le croit habituellement.

 

Article d'origine anglaise amenant du grain à moudre au moulin de l'égalité (se serrer les coudes), d'autant plus remarquable que cette culture place en général la justice au-dessus de tout (et qui justifie, par exemple, que si tu remplis le stade de Wembley, c'est juste que tu gagnes 1000 fois ou 10000 fois le SMIC).

Commentaires

  • Dis donc Michel, tu ne serais pas en train de vouloir réduire sournoisement ma maigre retraite sous couvert de solidarité, par hasard?

  • Tu me déçois ,un peu, Filantrop, je te croyais plus partageux. T'as bien compris qu'avec le système que je propose, si l'économie est florissante, ta retraite le sera aussi, si l'économie n'est pas bonne, ta retraite sera moins bonne. Le tout c'est de se mettre d'accord sur l'écart moyen entre les salaires et les retraites, et c'est soumis au vote tous les ans, lors du budget. C'est bien un principe de solidarité, non?

  • Bonjour

    Il existe un mécanisme simple qui règle la plupart des problèmes actuels : l'allocation universelle. http://fr.wikipedia.org/wiki/Allocation_universelle

    Fini les cotisations retraite, les cotisations chômage, le RMI/RSA, etc.

    Énorme simplification de la gestion administrative de ces mécanismes puisqu'ils disparaissent.


    Chacun perçoit au court de sa vie une somme assurant ses besoins élémentaires. A charge pour lui de travailler plus pour s'assurer un revenu complémentaire.

    Le chômage (au sens "activité sans revenu") n'existera plus.
    En contrepartie, vous n'avez plus peur de perdre votre emploi ou de changer d'emploi. Les employeurs pourront licencier plus facilement.
    Les rapports de force employés/employeurs seront plus équilibrés.
    Les salaires versés seront automatiquement diminués du revenu universel déjà perçu.

    Ce nouveau modèle irait à l'encontre des tendances actuelles du néolibéralisme qui pousse à la précarité et à l'insécurité des revenus. C'est plus de bien-être, moins de stress.

    Une solution idéale ?

  • @Demobilier,
    Sur un plan théorique et pratique c'est séduisant, mais il reste que ce projet de revenu garanti serait une profonde révolution culturelle dont on n'a aucune idée des effets parce qu'on touche à des équilibres vitaux. De mon point de vue, il faut procéder à des expérimentations comportant des protocoles d'évaluation à la manière d'Esther Duflo.

  • J'arrive après la bataille...

    Une théorie si appétissante qu'elle ferait saliver d'envie des anorexiques.
    Toutefois, par delà la nécessaire révolution culturelle de toute une société, n'est ce pas là faire fi du principe élémentaire de la nature humaine qu'est le profit, et de sa forme inflammatoire qu'est la spéculation ?

    "(17/08/2011 à Filantrop) T'as bien compris qu'avec le système que je propose, si l'économie est florissante, ta retraite le sera aussi, si l'économie n'est pas bonne, ta retraite sera moins bonne".

    Dans le cas d'une "économie pas bonne", et par extension d'une "retraite moins bonne", est ce que le "coût de la vie irait également descrescendo" ?

  • Non, non, pas de bataille, les commentaires restent ouverts. Sur le penchant au profit et à la spéculation, il faudrait être aveugle en ce moment pour ne pas être d'accord. C'est tout l'objet du contrat social que de réguler ces penchants. Le problème de tout contrat social, c'est que les divers pouvoirs, économiques, politiques, législatifs, médiatiques, religieux soient cohérents, sinon, c'est le règne du plus fort. Une des caractéristiques de notre époque, c'est que ces pouvoirs échappent au contrôle (c'est ce qu'on nomme le phénomène de mondialisation qui est multiforme). Mon avis, c'est qu'il faut agir autant qu'on peut (pouvoir qui diminue vite avec la taille du domaine considéré) à tous les niveaux (mondial, régional (UE), national, local, personnel) pour remettre sur pied nos contrats sociaux si on souhaite réduire la loi du plus fort (ce n'est pas antilibéral en soi, mais c'est antidérégulation.)

    "Dans le cas d'une "économie pas bonne", et par extension d'une "retraite moins bonne", est ce que le "coût de la vie irait également descrescendo" ?" A mon sens, ce n'est pas automatique, c'est largement une question de politique publique. Ce que je veux dire dans cet article, c'est qu'il devient supportable de baisser son niveau de vie si c'est un mouvement général, alors que c'est beaucoup plus difficile si les inégalités s'accroissent. Personne n'a envie d'être le dindon de la farce.

  • "A mon sens, ce n'est pas automatique, c'est largement une question de politique publique."

    Plus sérieusement, par les temps qui courent, dans la société qui est la nôtre, parce qu'il faut bien faire avec, à combien estimes-tu le taux d'une obligatoire et redoutable paupérisation des populations ?
    Ne trouves-tu pas chimérique d'imaginer que "baisser son niveau de vie" puisse devenir un mouvement général ?

  • "à combien estimes-tu le taux d'une obligatoire et redoutable paupérisation des populations ?"
    Aucune idée.

    "Ne trouves-tu pas chimérique d'imaginer que "baisser son niveau de vie" puisse devenir un mouvement général ?"
    On verra bien, on fera avec les nécessités, mais on peut vivre mieux avec moins. C'est vrai en agriculture: contrairement aux idées reçues, l'agriculture biointensive ou durable dégage des valeurs ajoutées bien supérieures (j'ai des sources solides si tu es intéressée) à l'agriculture productiviste en réduisant considérablement les coûts (pas la productivité à l'ha), aussi bien directs qu'induits (écolo et sanitaires) avec en prime une réduction de 30% à 50% de conso en eau. Je crois très fortement dans les économies d'énergie et la production d'énergies renouvelables. Nos connaissances actuelles sont déjà telles qu'on est capables de fabriquer la plupart de nos objets avec une bien meilleure qualité (doublement à décuplement de la durée de vie pour 10 à 20% plus cher seulement). Les perspectives d'amélioration de notre qualité de vie tout en réduisant les coûts et les dégâts écolo collatéraux sont bien meilleures aujourd'hui qu'hier. Inutile de s'agiter, les performances économiques feront le tri.

  • Michel....tu as dû être un petit rat de l'opéra dans une autre vie, parce que tu maîtrises fort bien les entrechats.
    Je plaisante, quoique...
    Néanmoins, c'est trop facile d'établir des thèses et de balayer d'un coup de main les contre-arguments.

    J'ai le sentiment que tu évolues dans un rêve, ce en quoi tu n'as pas foncièrement tort si tu y trouves du réconfort. Mécanisme de défense peut-être ?

    PS : "s'abonner au fil de discussion" ne fonctionne pas.

  • Oui, je suis un rêveur, et c'est pas d'aujourd'hui. Parfois les rêves marchent et souvent ils ne marchent pas. C'est pas que j'ignore ou que je méconnaisse "la misère du monde", mais pleurer sur notre sort, sur les élites etc...c'est pas mon truc.
    Mais j'ai un solide sens pratique aussi, que j'ai l'habitude d'exercer dans mon métier et quand je bricole. Avec les matériaux et les objets, ça ne pardonne pas, soit ça tient debout soit ça se casse la figure, les théories fumeuses ne font pas long feu. Pour le domaine social, c'est plus compliqué parce que l'expérimentation est plus difficile, voire impossible. Mais c'est un sujet pour lequel je me suis passionné depuis 20 ans. Si je me suis intéressé à la sociocratie, c'est que c'est mis au point expérimentalement, et ça fonctionne plutôt bien depuis plus de 30 ans pour toutes sortes de groupes et divers pays.

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