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philosophie politique - Page 2

  • La domination, pour quoi faire?

    L'épineuse question de la domination sociale est souvent un sujet qui fâche, surtout à gauche, alors parlons-en.

    Est-ce que la domination peut avoir des aspects positifs? Est-il inévitable qu'un groupe humain, quel qu'il soit, soit le siège de dominations ou bien une société sans hiérarchie est-elle possible? Y a t'il plusieurs types de dominations, des dominations animales et des dominations raisonnables?

    Je ne vais pas militer ici pour justifier et promouvoir la domination qu'on trouve chez les baboins, quand bien même on pourrait observer, en de très nombreuses circonstances dans les groupes humains, des phénomènes de domination très voisins de ceux qu'on peut observer chez les baboins. Il me semble que l'efficacité d'un groupe humain soit en partie liée à ses capacités de mobilisation. Dans quelle direction aller et comment coordonner l'action? Voilà un impératif que tout groupe doit gérer. Bien entendu, le degré d'urgence à agir aura une forte influence sur la structuration des dominations qui se mettront en place. Par exemple, un groupe militaire ou un groupe de pompiers aura besoin d'une réactivité très élevée et il n'est donc pas étonnant d'y trouver une structuration hiérarchique solide dite militaire. Par contre un groupe de randonneur n'a pas besoin d'une telle hiérarchie pour bien fonctionner et on y trouvera de fait une hiérarchisation faible, tous les membres n'étant toutefois pas égaux quand il s'agit de prendre une décision.

    En principe, la sélection des dominants, des chefs, devrait se faire sur des critères d'efficacité, d'aptitude à prendre les bonnes décisions et à les faire appliquer. D'autre part, le chef ne devrait pas abuser de sa position dominante pour en tirer des avantages dépassant ses attributions fonctionnelles. En bref, il ne devrait pas se comporter comme un baboin charismatique ou brutal une fois son service terminé. C'est pourtant ce qui arrive bien souvent et c'est pour cette raison qu'on devrait par précaution et par dérision appeler Papa, Maman ou Dieu tout dominant afin de lui rappeler qu'il ne doit pas abuser de la position que le groupe a bien voulu lui confier.

    Plutôt que de vivre dans l'illusion d'un monde sans domination, c'est à dire se condamner à l'immobilisme ou accoucher de formes de domination d'autant plus féroces qu'elles seront déniées, la gauche devrait plutôt se demander comment cantonner la domination aux besoins légitimes de choisir de tout groupe. La mouvance autogestionnaire ne prend pas assez au sérieux cette nécesité de décider. 1848 marque un premier échec de cette mouvance, ainsi que le relate Jorion, et les années 1980 un second échec, toujours sans en tirer les conséquences.

    Un peu de biblio pour les courageux: Pierre BOURDIEU "Questions de sociologie" (entretiens assez faciles d'accès, et tout ce qu'il a écrit par ailleurs) . Vincent de GAULEJAC : "La lutte des places" (si vous le trouvez, le thème central est plutôt la pénurie de places et la difficile lutte des sans grade pour trouver simplement une place, ne pas se retrouver exclus). Très beau témoignage d'Alexandre le "Castoriadien" qui se cherche encore un peu. L'autre rive, que je ne vous invite pas à rejoindre, est fonctionnaliste, seulement tournée vers l'efficacité au service des "maîtres", comme ce que nous propose François Dupuy, un spécialiste du management des organisation sans vue politique, mais doté d'une certaine expérience pratique.

    Petit tour avec Pierre Bourdieu:

    Pierre Bourdieu a développé ses théories sociologiques des "champs" associées à une  "économie des biens symboliques" dans les années 60-70. Un champ est un domaine qui développe et conserve des connaissances et des pratiques particulières (champ philosophique, sociologique, économique, mais aussi le champ de la mode, du sport etc..), qui possède un langage spécifique, des comportements spécifiques révélés dans la gestuelle (habitus) et qui surtout est le siège de rapports de domination. Chacun des acteurs d'un champ a tendance à accroître son "capital symbolique" qui lui donne son rang dans ce champ (c'est une tendance, mais il existe de nombreuses autolimitations liées à diverses raisons, conscience de ses limites, ambition limitée...). Ce capital symbolique peut ensuite être monnayé et ce qui peut en premier apparaître et être vécu comme pur désintéressement fini souvent par être converti en capital symbolique et enfin en position et en espèces sonnantes.

    Les analyses des champs de Bourdieu ont toujours suscité beaucoup de réactions de la part des acteurs des champs qu'il entendait décrire. Il n'y a rien d'étonnant à cela parce que sa méthode met crument à nu les mécanismes de la domination. Bourdieu lui-même ne se plaçait pas en dehors de ce jeu, mais il entendait réduire la part d'arbitraire, la part d'arrivisme et d'illégitimité dont cette « lutte des places » est le siège.

    Les champs sont un peu comme les groupes sociaux, mais il s'agit de groupes de spécialités, centrés sur une activité et non pas comme les anciens groupes sociaux non différenciés. Une entreprise est le siège de comportements très semblables à ceux décrits par Bourdieu dans ses champs. Je vois dans ces champs le développement d'une caractéristique humaine universelle, celle d'être un être social plastique. Cette caractéristique s'exprime spontanément dès le plus jeune âge. Il suffit de se souvenir ou d'observer les comportements dans une cour de récréation. Des groupes se forment, des frontières plus ou moins poreuses et mouvantes se forment, les dominations se mettent en place et sont sujettes à des luttes. Tout ce que décrit Bourdieu peut y être observé. Chaque individu conserve sa capacité à adhérer à de nouveaux groupes toute sa vie, et aussi à rompre, à faire le deuil d'anciens groupes, ce qui fait que nos identités sont multiples et complexes (être social plastique). Les autres espèces sociales ont une capacité voisine à adhérer à un groupe appelée empreinte, mais à la différence de l'homme, cette capacité est très peu plastique et ne se manifeste qu'une fois. On parle beaucoup de Camus en ce moment et du fait qu'il ait été considéré comme traitre par les deux camps alors qu'il était en proie à un conflit identitaire insoluble sauf à mourir à une de ses identités.

    Les champs ne sont donc pas figés ni isolés du reste du monde, mais ils sont le siège de mécanismes de stabilisation comme le sont tous les groupes. Le paroxysme de ces mécanismes de stabilisation est observé dans les groupes ethniques ou mieux dans les groupes religieux qui n'ont pas intégré la laïcité. Les champs de spécialités, bien que repérables, sont tout de même assez souples du fait qu'ils ne mettent pas en jeu l'existence entière des acteurs.

    Parmi les personnes qui ont à la fois réussi à obtenir une haute reconnaissance dans leur champ et une grande popularité, je retiens particulièrement Hubert Reeves. Il a choisi pour quelques uns de ses livres une structure très particulière et, à mes yeux, très intéressante. Le texte peut se lire de différentes façons suivant son niveau de maîtrise technique. Chaque paragraphe est coté selon trois niveaux en empruntant le langage du ski, piste noire pour les passages difficiles niveau mécanique quantique, piste rouge pour les passages plus faciles et enfin piste verte pour les passages pouvant être lus par un très large public. On peut tout lire, ou bien sauter les passages pistes noire ou bien sauter les passages piste noire et les passages piste rouge.

    Pierre Bourdieu était un bon observateur des champs et en même temps un acteur du champ sociologique. Il se plaignait de l'intrusion permanente d'acteurs incompétents appartenant au champ des médias dans les champs de spécialités dont la sienne (cf son livre sur la télévision et ses démêlées avec quelques papes des médias -Guillaume Durand et Daniel Schneidermann). Il me semble que la stratégie d'Hubert Reeves prévient assez bien ce problème de perturbation des activités spécialisées par les médias et aujourd'hui par toute la blogosphère et les forums, tout en assurant un lien nécessaire et légitime entre les champs spécialisés et le reste de la société. C'est que tout le monde ne peut pas avoir un accès direct aux subtilités des notions et des concepts qui sont en jeu dans le débat spécialisé d'un champ. On peut même constater que les plus grands spécialistes n'arrivent pas à tomber d'accord, pour des raisons techniques, mais aussi pour des motivations de "distinction". C'est là que les mécanismes de groupe deviennent pertinents. La confiance prend rapidement le relais de la compréhension et de l'analyse, de la raison. Voilà comment nous opérons nos choix collectifs.

  • L'individu et la nécessité

    Le développement de l'individu et son émancipation des contraintes du groupe, de la tribu, du clan, de la communauté a pu se faire parce que les moyens techniques étaient suffisants. Sans doute y a t'il une aspiration, une force, un désir de liberté qui pousse l'individu à s'extraire ainsi des règles communes. C'est la lecture qu'en a faite Alain TOURAINE dans "qu'est-ce que la démocratie", il se base sur l'acteur en tant que force motrice de la démocratie et de la modernité.

    Des contraintes collectives nouvelles apparaissent avec l'explosion démographique et la voracité du monde moderne en énergie et en matériaux. Le défi sociétal que nous avons à relever tient au fait que notre développement et notre identité contiennent implicitement l'infinité de l'énergie et des matériaux. La mutation de notre identité doit donc accepter que toutes les dimensions potentielles de notre vie matérielle soient finies. Est-ce que celà signifie la fin de la liberté? Ce serait en effet la fin de notre civilisation. Il nous reste à inventer, ou plutôt à découvrir collectivement que la liberté peut se développer dans d'autres champs que le champ de la matérialité, d'autres champs comme les champs spirituels, culturels ou relationnels ou elle retrouvera des espaces infinis. Il s'agit d'un changement de paradigme si profond qu'il n'est pas certain que notre société y survive (à suivre...)

  • Coup de blues, glissade communautariste ou carcérale?

    En 15 ans, je n'ai pas réussi à convaincre grand monde de l'intérêt de construire un état providence participatif et j'ai aujourd'hui un gros coup de fatigue. Deux commentateurs ont critiqué ce projet, essentiellement  sur le plan de la mise en oeuvre (casse tête de l'agenda et coût exorbitant des contrôles qui lui sembleraient nécessaires-là-dessus on n'est pas du tout d'accord) et sur la difficulté à convaincre (Incognitototo qui fait par ailleurs des propositions institutionnelles visant à plus de démocratie et des propositions économiques ayant tiré les leçons des échecs du Keynésianisme qu'il juge plus urgentes, alors que je crois qu'il faut attaquer l'isolement et la société de consommation à la source); et Infreequentable qui essaie de m'aider à trouver un cadre juridique à ce projet-sans succès jusqu'ici malgré son immense talent). Vous êtes quelques centaines de visiteurs assidus, si vous souhaitez que ce travail continue, manifestez-vous, critiquez, proposez...jusqu'ici je ne peux pas me plaindre que beaucoup de parasites nous brouillent l'écoute.

    Depuis 1993 j'ai engagé une réflexion sur le "malaise dans notre société". Cette réflexion a été amorcée sur un constat frappant: le processus d'isolement des personnes.

    L'état providence actuel ponctionne 45% du PIB et malgré celà il est en train d'échouer à faire société, contesté par ceux qui donnent trouvant qu'ils donnent trop aussi bien que par ceux qui recoivent, trouvant qu'ils recoivent trop peu. Une défiance générale s'est installée chez nous.

    Basé sur une distinction entre activité productive et activité sociale pouvant inspirer un cadre légal, le projet de l'état providence participatif vise à impliquer, à engager chacun dans une action sociale d'une façon qui soit assez gratifiante pour nous convaincre de nous y engager et pérénniser cette participation. Quand on passe de l'autre côté du guichet nous passons de client à acteur et notre opinion sur la boutique s'en trouve transformée. Notre indifférence actuelle pour l'état providence pourrait ainsi se muer en militantisme. D'un point de vue économique, une partie des prélèvements pourrait ainsi être remplacée par une participation directe à l'état providence. D'un point de vue exode des mentalités, nous pourrions déplacer un peu le curseur pour plus d'humanité et un peu moins de préoccupations de rentabilité.

    Sans une démarche volontariste, l'évolution naturelle de notre société sera communautariste (pudiquement dite multiculturaliste), parce que c'est la façon la plus économique et aussi celle qui se forme spontanément de s'occuper des plus démunis, des moins autonomes si l'état n'y parvient pas ou ne parvient pas à organiser une dynamique sociale, ou bien elle sera carcérale comme aux USA (ou les deux). Ce sera donc la fin d'un cycle qui a commencé vers notre révolution, donnant naissance à notre programme de combinaison de liberté et d'égalité et qui fait de la France un lieu politique et social si particulier, celui de la naissance des droits de l'homme quel qu'il soit et pas seulement de certains hommes comme ce fut le cas de la démocratie Athénienne. Cette parenthèse libertaire, égalitaire et universaliste aura vu le rêve de liberté militant pour l'avènement de l'individu se transformer en isolement et puis enfin en égoisme qui est un isolement militant, c'est à dire de la perte en route de l'exigence égalitaire. Les marchands n'ont pas seulement stimulé notre économie, ils ont aussi, après bien d'autres, conquis le domaine public, le dénaturant du même coup. N'aurons nous comme réponse à tous les récalcitrants au modèle idividualiste hégémonique que leur répession et leur enfermement dans des prisons et des hopitaux psychiatriques ? (noter que plus de 1/100 de la population américaine est sous les verrous contre 1/1000 en évolution croissante en France). Ou bien nous laisserons-nous glisser vers un nouveau communautarisme comme le multiculturalisme naissant nous y invite? Probablement les deux!

  • Le poids de l'institution et de la culture.

    On me demande parfois pourquoi je ne mets pas en application la pluriactivité que je préconise ici sous la forme d'un état providence participatif. La réponse est assez simple: que je le fasse ou non ne changera rien au monde qui nous entoure (Sur le peu de temps libre que j'ai, je le fais ou l'ai fait pour du soutien scolaire, du voiturage de sportifs en herbe, de la garderie d'handicapé...). Imaginons que je réussisse à monter un projet comme Jean-Baptiste Godin avait su le faire en son temps avec son familistère. Ce sera une belle aventure et elle finira comme le familistère de Godin, aux oubliettes ou bien en musée, ce qui revient à peu près au même. Sans un soutien institutionnel, sans une norme culturelle, tout projet social est voué à l'oubli, aussi bien construit soit-il.

    J'aime à citer l'expérience d'Azouz Begag rapportée dans son excellent livre "Le gone du Chaâba". Le Chaâba est une sorte de petite communauté du Nord Afrique avec un chef respecté. En France elle est hors de son milieu "naturel", c'est à dire quelle n'est pas soutenue institutionnellement ni culturellement. Ce que raconte Azouz dans ce livre, c'est la vie dans la banlieue lyonnaise et l'inexorable disparition d'un petit Chaâba dont son père était le chef. Il a suffit qu'une femme mette en question l'autorité du chef pour que le Chaâba se dissolve rapidement dans l'environnement individualiste. Pourtant, la structure du Chaâba est une structure éprouvée, très ancienne, et les participants au Chaâba d'Azouz Bégag n'étaient pas des amateurs, ils portaient la culture du Chaâba. cqfd.

    Voilà pourquoi ma démarche est politique, c'est à dire qu'elle vise à s'inscrire dans la loi et dans les institutions afin de ne pas être la xième tentative marginale vouée à l'oubli de recréer des solidarités dans notre société qui se découd . Je pense en particulier aux SEL (Système d'échange local). Leur place institutionnelle entre l'entraide et le travail au noir est si mince que leur succès serait assurément leur perte. Je pense au projet SOL qui a si peu défini son champ d'action qu'il risque d'avoir le même sort.

    Avoir un appui institutionnel n'est pas suffisant, encore faut-il que chacun y trouve son compte. Par exemple, les Scop ont bien un cadre légal. Pourquoi ne se développent-elles pas plus? Il s'agit d'entreprises productives qui ont tenté d'intégrer des normes sociales et solidaires et pratiquant l'égalité entre les membres. Dans les Scop, celui qui se défonce finit par trouver qu'il n'est pas assez reconnu par rapport à celui qui bosse moins et qu'il finit par ressentir comme un parasite et qui pourtant gagne autant que lui. A la fin, personne ne fait plus rien par crainte d'en faire plus que le collègue, le moins-faisant emporte le morceau. Une structure doit pouvoir apporter une reconnaissance équitable pour perdurer, ou/et avoir un système de direction assez fort et légitime capable de faire appliquer les règlements et règler les conflits de façon acceptable. Il doit pour celà être appuyé par les institutions et correspondre à une norme sociale ou culturelle .

    Le projet que je propose ne présuppose pas de structure particulière , il pose un principe de pluriactivité et un principe de marché social encadré et soutenu par la loi et sur lequel les structures les mieux adaptées pourront se développer. Pas de doute que la maîtrise de l'agenda devrait y jouer fortement!

  • La maîtrise de l'agenda, prix de la liberté.

    Dans une société intégrée, communautaire, les agendas sont rares et peu individualisés, chacun sait ce qu'il a à faire et ce n'est pas bien différent chaque jour.

    Notre société issue de la liberté et du progrès a développé l'art de l'agenda à un niveau inégalé. Chacun doit avoir son agenda sans lequel il n'est pas possible d'être intégré. Il y a aussi des agendas organisant les groupes, les plannings. Parmi les plannings les plus élaborés figurent ceux des écoles. C'est tellement compliqué que l'ordinateur n'y suffit pas et qu'il faut l'aider un peu à la main.

    L'agenda est la contrepartie de la liberté et de la division du travail. Au passage, on a un peu oublié de plannifier les tâches sociales qui sont pourtant assez répétitives. C'est que ce n'est en général pas très rentable selon les critères productivistes actuels  (sauf pour certaines activités comme les crèches, n'est-ce pas i2?).

    En conclusion, si on veut s'occuper des tâches sociales comme je le propose ici, selon des critères différents de l'activité dominante en cours, ce sera en contrepartie d'un effort d'agenda supplémentaire. Il est possible que cet effort soit trop lourd et que le prix à payer soit trop élevé mais le jeu en vaut la chandelle, car il s'agit de tenter de recoudre du lien social sans renoncer à notre liberté. Sans cet effort, il se peut que la tentation communautaire rampante (le multiculturalisme) prenne assez de force pour une transformation sociale qui sera une régression.

  • Et les grecs? Et les romains? Et les arabes?

    Même Régis Debray dit qu'il assume sa culture Judéo-Chrétienne. Ce qui m'étonne c'est que l'héritage Grec que nous avons reçu grace aux Arabes au travers de nos abominables croisades vers l'an Mil passe toujours aux oubliettes. Aristote, Platon, Socrate pour ne citer que ces trois immenses philosophes ont pourtant été à l'origine du développement de la raison, des philosophies prérévolutionnaires, les lumières comme ils se sont appelés, la séparation progressive de l'église et de l'état (Victor Hugo vers 1850 suite à la révolution de 1848 avec cette déclaration "l'état chez lui, l'église chez elle" ) et enfin la loi de 1905 consacrant cette séparation.

    L'héritage romain n'est pas moindre avec notre centralisation et nos préfectures, a tel point que les autonomistes bretons, devenus rares il est vrai, appellent l'état français l'ordre romain et rêvent d'en découdre avec les préfets et les préfectures.

    D'autant que l'héritage chrétien a été sérieusement bousculé au cours du temps. Si l'origine chrétienne signe la fin du bouc-émissaire sacrificiel (Selon René GIRARD) et l'origine de la réflexivité (JC, au travers de son propre sacrifice injuste aux yeux de tous, nous tend un mirroir et nous dit de d'abord regarder en nous pour chercher la solution à nos problèmes, rejoignant par là le fameux "connais-toi toi-même" (c'est à dire maintenant et avec ton propre regard) de Socrate, repris depuis par FREUD et plus récemment par Jiddu KRISHNAMURTI), il y a belle lurette (vers Saint Paul semble t'il si on en croit Michel ONFRAY) que l'église (au moins la catholique) s'est détournée de la parabole de la paille et de la poutre, sauf dans le non sens masochiste de la flagellation. Au message simple et toujours vérifiable de JC: la vérité c'est maintenant, c'est le réel (donc inaccessible à nos représentations toujours carricaturales et figées, situées dans le passé, toujours en retard et imparfaites), s'est substitué un message de domination d'une vérité indiscutable et brutale imposé par une secte qui a réussi (du point de vue de la domination sociale mais pas du point de vue de la libération spirituelle).

    Il me semble donc légitime de considérer que notre culture est plus largement Judéo-Gréco-Romano-Arabo-Chrétienne que Judéo-Chrétienne. Et au passage, j'ai oublié les celtes qui étaient, entre autres, des maîtres dans l'art d'inventer des machines et de jouer du ouinouin!

  • Marché productiviste et marché social.

    Quand José Bové lance "le monde n'est pas une marchandise" il disqualifie le principe de marché en amalgamant un mouvement productiviste capitaliste envahissant et le principe de marché. Ce point est très important pour comprendre ce blog libéral solidaire et pas néolibéral. En effet, une des principales distinctions faites dans ce projet d'Etat Providence Participatif passe par la distinction entre une activité qui met en oeuvre une démarche à dominante productiviste en phase avec un système monétaire capitaliste et une activité à dominante relationnelle sociale (ou plus précisément non utilitariste -quel mot utiliser? sociale) en phase avec une monnaie fluide ou fondante. La démarche productiviste est utilitariste, elle consiste essentiellement à améliorer la productivité, à réduire le temps passé à faire quelque chose (privé ou public). Une démarche relationnelle sociale (privé  ou public) n'est pas utilitariste, le gain de temps ou de productivité n'y a que peu de sens, l'investissement matériel n'y a aucun intérêt et c'est pour celà que la monnaie capitalisable n'y est pas adaptée.

    Aucune de ces deux optiques n'est antagoniste avec un principe de marché, c'est à dire de demande libre dans la mesure de ce que peut fournir le marché et d'offre libre de ce qui est permis. D'autre part, il y a des activités productivistes dans le giron de l'état, surtout quand le principe de concurrence est inefficace et bien entendu dans le privé quand la concurrence est effective. Les activités relationnelles peuvent se répartir entre public et privé suivant les cas de figure et le besoin en maillage du territoire. On peut avoir des assistantes sociales attachées au service public et des associations en concurrence sur un marché relationnel (on peut bien choisir le club de foot où on souhaite jouer par exemple).

    Cette distinction entre productivisme et relationnel ou social me semble plus efficace pour repenser l'organisation sociale que la distinction, plus usuelle aujourd'hui,  entre marchand et non marchand (aucune catégorisation n'est indiscutable, mais les catégorisations actives jouent un grand rôle dans nos orientations politiques).

     Remarque: dans beaucoup de notes de ce blog, écrites avant celle-ci, le mot marchand est souvent employé abusivement pour désigner la démarche productiviste.

  • Economie des biens symboliques, domaine public et liberté, égalité, fraternité.

    Le fond politique qui m'anime peut se résumer ainsi: faire vivre, renouveler "liberté, égalité , fraternité" comme un processus, comme un mouvement, comme un horizon plutôt que comme un but qui serait tout de suite obsolète. 

    A cette fin, je suis particulièrement attentif au domaine public. Je tiens Pierre Bourdieu pour le plus grand économiste de notre temps avec sa notion "d'économie des biens symboliques" qui me semble indépassable. Les médias sont aujourd'hui les banquiers de cette économie des biens symboliques. C'est là que s'y distribuent les bons et les mauvais points. Ils sont, à ce titre, une partie du domaine public, de l'Agora. On peut analyser l'histoire comme celle de la convoitise et de la prise de pouvoir du domaine public. Les religieux ont longtemps occupé le terrain, la bureaucratie s'en est emparé sous le joug dit communiste et il nous en reste quelques vestiges importants, les militaires le possèdent ici et là, les médias occupent fortement ce terrain dans les démocraties avancées et les marchands qui l'ont compris tentent de s'emparer des médias. Faire vivre notre devise, c'est faire en sorte que personne ne possède ce domaine public, que personne ne se l'approprie, mais que tous les acteurs y aient accès, qu'ils puissent y puiser dans l'échange leur énergie et leur valeur, que cette banque des biens symboliques soit la plus généreuse possible pour tous. La rénovation politique que j'appelle de mes voeux préconise d'abandonner tout ce qui viendrait entraver notre devise et la domination d'une quelconque partie de la société sur le domaine public. Ce domaine doit en quelque sorte être sacralisé et ouvert à tous (participatif). Ne laissons pas le règne des marchands alliés aux médias s'enraciner et faire d'eux les alliés objectifs d'une prochaine révolution, réformons plutôt.

  • Laïcisation plutôt que laïcité, processus vital.

    La laïcité à la française, celle soutenue par Gilles KEPEL, est une laïcité intégratrice aboutissant à un rognage culturel intense. De cette conception rigide on peut rapprocher les slogans du type: "La France, tu l'aimes où tu la quittes".

    Si on considère la laïcité comme un processus en cours, comme une laïcisation, une auberge espagnole politique, la recherche de la tolérance, un regard mal assuré et critique sur ses propres exigences, il devient alors possible de convier toutes les minorités, toutes les cultures à se métisser, à créer un espace où vivre ensemble. Celà n'est possible qu'à condition qu'aucune des cultures présentes ne souhaite dominer les autres. Cela suppose qu'aucune des cultures présentes ne soit convaincue et ne proclamme détenir la vérité. La créolisation, pour laquelle milite le grand écrivain de la Martinique Edouard Glissant, et la laïcisation peuvent alors converger vers un même processus d'élaboration de l'espace public.

    Notre laïcité à nous est devenue brutale d'avoir émergé de la brutalité d'un pouvoir religieux dominant, dominateur et exterminateur. Ce faisant, notre laïcité devenue froide est en train d'échouer à intégrer les nouveaux arrivants et elle est en train d'échouer à contrebalancer l'individualisme et l'isolement. Pourtant, ce n'est pas faute d'y avoir mis les moyens. L'état providence, avec les allocations familliales, la sécurité sociale, les allocations chômage, l'école obligatoire gratuite, n'y suffit pas, n'y suffit plus. Des pans entiers de la société se trouvent exclus et vont se réfugier dans le trafic, sombrent dans la déchéance, où cherchent un réfuge identitaire.

    Rénover l'état providence a été et est encore ce qui motive ma démarche. Mais l'opposition farouche, la mécompréhension persistante sur les intentions pacifiques de principe d'organisation de l'hospitalité d'une loi comme la loi sur les signes religieux à l'école m'indique que je dois amender ma recherche et ma vision de la laïcité. Je suis donc en route pour un périple qui va me rapprocher d'Edouard Glissant, d'Amin Maalouf, d'Amyarta Sen, de Charles Taylor (le sociologue canadien). Il me faut comprendre pourquoi nos principes de laïcité ne sont pas repris à leur compte par les immigrés, par les nomades, pourquoi ceux-ci ne participent pas au processus de laïcisation et comment aménager nos institutions et notre culture pour que reprenne ce processus vivant et vitalisant. J'espère que ma conclusion sur notre laïcité ne sera pas celle de Xavier Gral à propos de la culture Bretonne, exprimée dans son ouvrage "Le cheval couché" en réponse au livre de Pierre Jakez Hélias "Le cheval d'orgueil". Xavier Gral a bien ressenti et compris que la culture Bretonne n'était plus qu'un folklore, un ersatz de culture et il souffre de cette mort culturelle, de la mort de son identité. La laïcité trop rigide doit se muer en processus partagé, participatif, de laïcisation pour revigorer notre société moribonde.

    Est-il possible d'aménager l'espace public pour que chacun y participe mais qu'aucun ne veuille le dominer? C'est le coeur de la laïcisation. Ni les prètres ni les marchands ni les bureaucrates ni les militaires ne doivent vouloir se l'approprier mais chacun doit se sentir bienvenu d'y participer. L'histoire politique peut être vue comme l'histoire des luttes pour la domination de l'espace public. Tour à tour les prètres, les tyrans, les bureaucrates et aujourd'hui les marchands ont voulu dominer ce domaine. L'histoire de la démocratie, c'est l'histoire de la lutte pour que personne ne domine cet espace. Dans ses formes radicales, la laïcité serait comme une langue morte, comme une démocratie figée. Tentons d'explorer la laïcisation.

    L'Association des Tunisiens de France en montre le chemin et pas seulement pourles Tunisiens, mais pour tous les immigrés.

  • Qu'est-ce que la démocratie?

    La démocratie, est-ce que c'est "cause toujours"? Sans doute un peu. Mais c'est aussi la parole aux dominés. Le quatrième pouvoir, les médias, peuvent-ils être accusés de collusion avec les dominants? En tout cas c'est une bonne question. L'isolement des personnes est-il un facteur favorable à une pratique démocratique vigoureuse où bien est-ce plutôt l'inverse? Comment le jugement et l'esprit critique se forment-ils? Au contact de la télé, des journaux, de la radio, où bien dans une analyse bien comprise de l'intérêt collectif qui profite à tous? Comment les actions collectives se mettent-elles en place? Existe-t-il des stratégies des consommateurs aussi puissantes que les stratégies des vendeurs? Est-ce normal que dans les démocraties riches les capacités d'hospitalités soient en proportion si faibles comparées aux sociétés traditionnelles souvent pauvres? L'hospitalité des démocraties a-t-elle été troquée contre la liberté? Combiner liberté et hospitalité est-il possible dans une démocratie? L'individualisme est-il indissociable de la liberté? Voulons-nous tous une villa, une voiture etc...? Ne sommes-nous que des clients? La démocratie est-elle le reigne des clients imaginaires des services marketing des entreprises? Etre efficace est-il un but en soi, une fin pour toute activité? Le marché appartient-il aux démocraties, les transcende-t-il? Tous les marchés sont-ils marchands dans une démocratie?

  • L’ordre, le désordre et les ornithorynques ou le mieux est l’ennemi du bien.

    Quand le génie humain de la classification  s’applique aux animaux, aux végétaux ou aux astres, les limites des catégories créées et les espèces qui n'entrent pas dans le cadre (les exclus de ces systèmes de classifications) ne donnent lieu qu’à des querelles d’experts. Les ornithorynques (mammifère douteux) et les lichens (mi-champignon mi-algue) continuent de vivre leur vie, pluton se moque de la perte de son statut de planète.

    Quand ce génie de la classification s’applique à la politique, alors les exclus le paient au prix fort de leur statut , parfois de leur vie, ou en souffrent dans leur chair. Le mieux est l’ennemi du bien. Ainsi le communisme a-t-il exclus les plus créatifs et les plus libres et ainsi le (néo)libéralisme est-il en train d’exclure les plus faibles et les moins individualistes, ceux qui sont "fatigués d’être soi". Si "le livre noir du communisme" a déjà été écrit, le livre noir du (néo)libéralisme est en train de s’écrire sous nos yeux, canal Saint Martin ces jours-ci, aux restos du coeur de plus en plus, petites parties visibles de cet iceberg de précarité.

    Serait-il possible de créer volontairement un désordre, ou plutôt une combinaison d’ordres bien choisis afin d’en recueillir plus d’harmonie ?

    Tout le projet politique de ce blog est construit sur ce principe: il tend à combiner la liberté avec la solidarité, sans oublier ni l’une ni l’autre, avec l'idée que l'un renforce l'autre et lui donne sens et non pas qu'on aurait à choisir sur un axe entre liberté et solidarité:

    La liberté donne du sens à la solidarité qui sans elle n’est qu’aliénation.

    La solidarité donne du sens à la liberté qui sans elle n’est qu’isolement.

    Voila pourquoi on trouvera ici la coexistence d’un marché marchand avec monnaie accumulable (le mot capitaliste renvoie à une relation particulière des acteurs du domaine productif entre actionnaire, dirigeant et employé qui ne fait pas une place à chacun, loin s'en faut) avec un marché socio-culturel (on n'a pas encore de mot pour caractériser positivement un tel domaine, on dit toujours "à but non lucratif" ou "non marchand" ou "non capitaliste" etc... ce qui illustre bien où se situe la référence actuelle de notre activité utilitariste (protestante). Attali parle de marché relationnel), la coexistence d’une monnaie capitalisable affectée avec une monnaie fondante affectée, la coexistence d’entreprises libérales classqiues avec des projets de collectivités ouvertes. Voila ce qui fonde et féconde ma démarche d’économie plurielle avec marchés (marché marchand avec monnaie capitalisable tel qu'on le connaît en tandem avec un marché à but non lucratif pour le domaine socio-culturel et celui de la dépendance avec une monnaie fondante).

    Le droit du travail, par exemple ne pourra être assoupli que quand un principe de solidarité crédible viendra l'équilibrer, par exemple au moyen d'une "sécurisation des parcours professionnels" comme on dit. La flexsécurité d'accord, la flexprécarité pas d'accord. 

    (Le néolibéralisme n'est que le dévoiement du libéralisme, la question est de rechercher les bons outils de régulation, en particulier la limitation du marché capitaliste qui n'est qu'une forme particulière de marché qui se retourne aujourd'hui contre le libéralisme).

  • Réflexions sur le pragmatisme, le dogmatisme, l'idéologie et la liberté d'expression

    La communication est difficile dès que le dogmatisme prend le pas sur le pragmatisme. J'ai tenté de m'éclaircir un peu les idées à ce sujet et je vous fais part d'un petit résumé de mes (doctes :)) réflexions.

    Pragmatisme = "Les moyens justifient la fin", c'est la prise de conscience que chacun de mes actes a une conséquence. A mon sens, le pragmatisme  est indispensable au dialogue, à la liberté d'expression, à une analyse sereine des choix.

    Dogmatisme = "La fin justifie les moyens", comme s'il était possible d'effacer les conséquences réelles, objectives  de ses actes sous prétexte qu'on sert une bonne cause. L'attitude dogmatique classe vite en "pour et contre" en "ami/ennemi". La disqualification et souvent l'insulte, l'étiquetage précèdent l'analyse, l'examen. Le dogmatisme nous renvoie à nos réflexes ancestraux (naturels?) d'animal de meute, à nos réflexes identitaires les plus primaires, au communautarisme.

    Idéologie (en politique) = Choix, projet de société qui nous anime (la "fin" en quelque sorte).

    Pragmatisme et dogmatisme apparaissent donc comme des méthodes qui ne remplacent en rien le projet, le choix de société, l'idéologie qui nous anime. Par exemple l'idéologie qui m’anime est le projet d'une société qui soit à la fois libérale (au sens général et non réduit à sa seule dimension économique) et solidaire, mais ce n'est en aucun cas le pragmatisme qui est pourtant le mode que je tente d’appliquer.

    On a beau faire volontairement le choix difficile (bien qu'à la mode) du pragmatisme, c'est à dire de liberté d'expression, la formule percutante de Saint Benoît (12ème siècle je crois) "l'enfer est pavé de bonnes intentions" nous incite à l'humilité et surtout à la vigilence!

  • Gérer sa vie dans une société de l’individu n’est pas désirable par tout le monde, ou des limites du libéralisme individualiste.

    La pierre d’angle du libéralisme et son mythe fondateur suppose que chacun d’entre nous possède le potentiel de se gérer, d’être autonome et le souhaite. Ce mythe participe à la construction de la société des individus que nous créons. L’homo individualis responsabilis est une des utopies, des mythes fondateurs de la philosophie libérale.

    A partir de ce grand principe libéral, deux grands courants politiques se développent, un dit à droite et l’autre dit à gauche, Le courant de droite sera plus enclin à forcer le trait, à croire aveuglément dans les vertus du marché (la catallaxie). Il sera plus enclin à considérer l’état providence comme un générateur d’assistanat promouvant le contraire de sa philosophie. Le courant de gauche considérera que des facteurs sociaux sont aussi à l’origine des situations individuelles et il tentera de corriger cette source d’inégalité par un état providence plus développé.

    Les deux courants finiront peut-être par se rendre compte que le mythe fondateur qui les sous-tend est insuffisant pour englober tout le monde, dans le sens où, comme tout ordre, comme tout système, le libéralisme, ou plutôt l'individualisme créé des exclus et que dans le cas du libéralisme-individualisme il s'agit des plus faibles, de ceux qui ont le plus besoin de structures pour les soutenir. Quand bien même il est légitime d’encourager la responsabilisation et la prise en charge individuelle, il faut reconnaître que chacun d’entre nous n’a pas le potentiel ou le désir pour accéder à l’autonomie dans une société d’individus, dans une société de l'individu. Pour s’en convaincre pleinement je conseillerais la lecture de deux livres de témoignages et de réflexions qui me semblent incontournables pour qui veut réfléchir à cette question politique de première importance : « Les naufragés » de Patrick Declerck et « L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau » d’Oliver Sacks. Le premier est une enquête anthropologique parmi les clochards doublé d’une réflexion profonde et le second relate les expériences d’un spécialiste du système nerveux doublé d’un humaniste. Bien que ces livres relatent des situations extrêmes, ils n’en sont pas moins exemplaires et essentiels à la fondation d’une philosophie politique. Qui d’entre vous ne connaît pas dans son entourage ou même dans sa propre famille le cas de tel ou tel jeune qui ne réussit pas à décoller, qui ne réussit pas à gérer ses affaires, à se prendre en charge à 20 ans, 30 ans? Et après, que deviennent ces anciens jeunes quand le support familial s’est évanoui ?

    Les deux livres mentionnés relatent des cas de personnes réussissant à très bien vivre dans un cadre collectif et qui pour cette raison sont déclarés aptes à la réinsertion et se retrouvent mis dans le grand bain de la société « réelle ». Le résultat est systématique: ils coulent et en meurent souvent rapidement.

    Ces deux livres et mes observations m’ont amené à concevoir qu’une société solidaire non Eugéniste se devait de penser des structures collectives ouvertes (donc pas des prisons) et laïques. Ces structures pourront accueillir les personnes les plus inadaptées à la vie individuelle, non pas seulement par choix, mais par nécessité. Elles pourront aussi accueillir les collectivistes, les « fatigués d’être soi » que la vie individualiste, froide et superficielle dégoûte et qui pourront trouver à s’épanouir dans un cadre de vie collective. Ces structures collectives ont un potentiel d’efficacité économique évident ne serait-ce que par un fort abaissement des dépenses. Je propose que la société de la connaissance (autre utopie solidaire) mette une part de ses capacités à concevoir, rôder, faire évoluer des structures collectives. D’après les données démographiques, nous aurons besoin d’une immigration plus forte demain qu’aujourd’hui si nous tenons à conserver notre bonne vitalité nataliste actuelle. L’accueil des immigrés pourra se faire beaucoup plus facilement en s’appuyant sur des structures collectives organisées, plutôt que de laisser des « Chaâba » se constituer misérablement pour se dissoudre ensuite douloureusement.

    Le cas des Kibboutz est très certainement à méditer, quand bien même il ne s’agit pas ici de songer à les copier. Au plus fort de leur développement, les Kibboutz (et autres structures voisines) ont accueilli jusqu’à 6% de la population Israélienne (moins de 2% aujourd’hui, sans doute par manque d’évolution. On peut noter une apparition en Israël de la pauvreté typique des pays d’individus, y a-t-il un lien avec la dissolution progressive des structures collectives ?). Aucun pays n’a eu à absorber autant d’immigrés qu’Israël et les Kibboutz ont considérablement aidé à leur intégration.

    Un dernier avantage à penser et mettre en place des structures collectives tient du contraste indispensable à la liberté qu'elles peuvent générer. Les structures collectives et les individus autonomes constituent les deux versants, les deux domaines indispensables à l’existence du choix de vie et de la liberté réelle.

  • Nicolas SARKOZY et la rupture, un autre pacte social? Un chien qui a mordu mordra!

    L'actualité n'est pas l'habitude de ce blog. Un évènement m'oblige à me risquer dans l'actu. Il s'agit de la rupture dont parle Nicolas SARKOZY. Au travers de quelques uns de ses thèmes favoris, il me semble en effet discerner la possibilité d'une rupture avec ... la révolution de 1789 et avec un élément du socle de notre pacte social tacite. La révolution de 1789, c'est, à la racine, la disparition du sang bleu des aristocrates et de toute autre différence liée à la naissance et c'est le citoyen seul face à l'état (Lechapellier, disparition de toutes formes de communautarismes, éthniques, confessionnelles, professionnelles). C'est vrai qu'il y a déjà eu d'autres ruptures avec cette révolution dans les années qui l'ont suivie. Napoléon, par exemple, avait rétabli une sorte de noblesse d'empire. Toutefois, liberté, égalité et fraternité continuent de pouvoir se conjuguer et de servir d'horizon, quand bien même de nombreuses antorses sont faites à cette devise.

    Par exemple, la position de Nicolas SARKOZY en faveur de mesures de discriminations positives(1) discriminations posistives(2), me semble sortir de notre pacte social. S'attaquer aux discriminations effectives me semble plus conforme à ce pacte. Ne nous propose-t-il pas de nous orienter vers une société assurancielle (vision individuelle, le même état d'esprit que Mme Thatcher avec son "I want my money back") alors que notre pacte serait plutôt celui d'une société mutuelle (plus solidaire et plus conforme aux réalités statistiques d'une société). Préférence marquée pour la répression alors que notre penchant serait du côté de la prévention (avec son travers laxiste de l'apogée bobo) etc....

    D'autre part, à part chez DeGaulle (De Gauche?) le thème de la rupture n'est pas un thème de droite qui se réclame plus de continuité que de rupture. Nicolas SARKOZY se réclamme t-il  de rupture afin de dérober ce thème habituellement réservé à la gauche? Manoeuvre populiste? Brouillage des repères? Gaullisme?

    Au-delà des idées reçues, il me semble important de déterminer si oui ou non Nicolas SARKOZY (en raison du fort potentiel de transformation sociale qu'il incarne ainsi que du nombre très important de personnnes qu'il représente) porte en lui cette contre révolution libérale/communautariste (où une autre "rupture"). Nicolas SARKOZY se déclare anticommunautariste, mais n'a-t-il pas réussi à embaucher l'ancien commissaire au plan Henri GUAINO pour faire ses discours à 180 degrés des précédents? Henri GUAINO a déjà réussi à aider Jacques CHIRAC à se faire élire sur le thème de la fracture sociale, pourquoi pas Nicolas SARKOZY sur le thème de la solidarité? Mon opinion actuelle est que Nicolas SARKOZY c'est la France pour les riches, un coup de pouce au libéralisme et pas à ceux qui en souffrent. Ses déclarations actuelles sont faites pour atteindre son objectif Elyséen et sont donc peu fiables, ses déclarations et actes plus anciens me semblent un repère beaucoup plus fiable. Un chien qui a mordu mordra!

  • Volontariat ne veut pas dire bénévolat

    Beaucoup confondent Volontariat et Bénévolat.
    Volontariat veut dire qu'on est volontaire pour faire quelque chose, et Bénévolat veut dire qu'on est prêt à le faire pour rien.

    Les bénévoles représentent aujourd'hui une force économique importante qui s'ignore. Alors que de nombreuses entreprises profitent sans scrupule du bénévolat (exemple du nettoyage des plages de Bretagne par des bénévoles au profit du pollueur) , la générosité des bénévoles maintient debout notre humanité. Y-a-t-il un prix pour celà?

    Il existe une loi sur le volontariat associatif dont on trouvera les détails sur le site du gouvernement: loi sur le volontariat associatif du 23 Mai 2006. Bien que cette loi ne pourra toucher qu'un nombre très limité de personnes (quelques dizaines de milliers tout au plus), elle permet toutefois de bien tenir compte de la différence entre bénévole et volontaire et de définir les conditions pour qu'une structure donnée ait le droit d'accueillir ces volontaires. De plus elle a l'avantage de s'adresser à la catégorie de personnes les plus touchées par la crise de l'emploi: les jeunes. Par rapport à mon projet, elle interdit à un volontaire d'avoir un travail usuel en plus de son travail de volontaire (ainsi que les pompiers volontaires peuvent le faire), alors que c'est un des points-clés de ma démarche qui vise un développement de masse, une normalisation de la pluriactivité . Je souhaite toutefois fermement que cette loi développe la notion juridique de volontaire (selon le principe que tout travail mérite reconnaissance) et qu'elle puisse être l'amorce d'un contrepoint au "tout marchand" (l'homo economicus) là où l'activité et le profit se marient mal.

    Roger Sue, dans "Quelle démocratie voulons-nous" 2006 aux éditions La découverte p. 29, adhère à l'idée d'étendre le statut de volontaire: il propose ..."l'extension du statut de volontaire aux associations d'intérêt général. Les Etats-Unis ont montré l'exemple en la matière (Unis-Cité, city year). Passer de plus en plus de temps dans les associations tout en apportant des compétences souvent pointues ne peut s'accomoder du seul bénévolat. Entre salariat (les permanents) et bénévolat, un statut du volontariat donnant droit à rétribution et à des droits sociaux (santé, retraite) se cherche encore. Un tel statut ouvert à tous aurait le double avantage d'attirer plus de salariés vers des tâches d'intérêt général et de donner une activité et un revenu minimum à tout chômeur."

  • La division du travail, jusqu'où?

    La division du travail c'est le fait de se spécialiser individuellement pour devenir plus efficace collectivement et aussi pour développer les complémentarités plutôt que la concurrence. Les sociétés plus traditionnelles ont peu developpé la division du travail en comparaison des sociétés modernes où la division du travail est un trait prédominant. La division du travail peut même servir de mesure du degré de modernité d'une société (avec le même type de limite que la signification du QI pour l'intelligence!). Quelques références sur le sujet: division du travail. division du travail 2 division du travail 3

    On parle de division du travail dans plusieurs cas de figures:

    • On parle de division du travail quand dans un groupe chacun se spécialise. Il y a celui qui s'occupe de la fabrication, celui qui s'occupe du commerce, celui qui s'occupe des comptes etc..
    • Il y a division du travail quand un groupe (une entreprise) se spécialise. Il y a les entreprises spécialisées dans la fabrication de téléphones, il y a les entreprises spécialisées dans la fabrication des automobiles, il y les entreprises spécialisées dans le commerce international de petits pois....
    • Il y a division (internationale) du travail quand un pays se spécialise dans une activité donnée. Par exemple, la Chine est en train de se spécialiser dans la fabrication d'objets, les Etats-Unis d'Amérique se spécialisent dans les services, La France se spécialise dans le tourisme...

    La division du travail s'appuie sur les gains d'efficacité qu'elle permet (On s'est toutefois apperçu que, poussée à l'extrême, la division du travail pouvait conduire à une productivité moins importante qu'une division moindre. C'est ainsi que certaines chaines linéaires de montage d'automobiles ont pu être avantageusement remplacées par des groupes de travail plus polyvalents et plus responsables). Elle limite aussi les frictions quand la dimenssion complémentarité/concurrence intervient.

    Et si le critère d'efficacité ne s'applique pas ou mal à une activité, que devient-elle dans cette ultra-division du travail qui nous baigne? C'est à mon sens ce qui est en train de se produire avec les services à la personne. La notion de gain de temps associée au gain d'efficacité n'est pas, à mon sens, adaptée à l'activité de service à la personne. C'est tout à fait comme si le temps passé en famille avait un quelconque intérêt à être réduit par une opération d'accroissement d'efficacité. Qu'est-ce que cela veut dire? En second, si l'activité de service à la personne rentre dans la catégorie marchande, c'est tout l'édifice marchand qui en sera perverti, tout le sens et l'intérêt de la division du travail qui en sera affaibli. Il n'y a donc pas seulement danger pour le domaine du service à la personne à intégrer le  domaine marchand, ce danger existe aussi pour tout le domaine marchand par perte de sens de ses principes fondateurs. Le Chèque universel emploi-service peut-il opérer correctement la différenciation domaine marchand/domaine social dans la mesure où il confond catégorisation de l'activité/catégorisation des personnes avec un caractère discriminatoire qui s'ignore du type "les bons dans le domaine marchand/les moins bons avec le chèque aidé emploi service"?

    Si on reconnaît que la pratique de la division du travail s'applique mal au domaine du service à la personne parce que les critères d'efficacité et de gain de productivité s'y prètent mal, alors il est important de concevoir une autre façon de remplir cette activité. Ma proposition est que chacun puisse passer une partie de son temps dans le domaine marchand et une partie de son temps dans le domaine du service à la personne (en plus de la famille ou du groupe affectif). Chacun de ces domaines peut être assez différencié et suivre des logiques assez différentes pour passer de la division du travail à une division de l'activité ou pluriactivité. Dans la division du travail on suppose les critères de rentabilité universels et la division ne passe pas par les individus, chacun se spécialisant dans un ou un autre travail. Dans la division de l'activité, l'individu répartit son temps entre une activité spécialisée à caractère marchand et une activité à caractère non-marchand.

    La division du travail n'a pas encore touché le domaine affectif, est-ce la prochaine étape de la conquête marchande? Allons nous dégrader l'activité affective en activité marchande de reproduction. Cette option ne manquerait pas de bénéficier des arguments rationnels des eugénistes de tous poils, soutenus par des financiers sans état d'âme voyant un nouveau champ de développement économique et une nouvelle source de profits. S'agit-il de développement ou de barbarie?

  • La grève du coeur; heart on strike

    Bénévoles du monde entier

    Unissons-nous

    Dans un jour de

    Grève mondial,

    Existons

    Formidablement,

    Ne serait-ce qu’un jour par an.

    Refusons

    Un jour

    De soigner

    Gratuitement

    Les plaies

    De la marchandisation,

    Faisons

    La grève du cœur,

    Nous connaîtrons alors

    Notre grande valeur.

     

     

     

    Volunteers from everywhere in the world, let's unite for a one-day strike. Let's live intensively, would that only be one day a year.
    Let us refuse to take in charge, without gratification, the wounds from overexploitation of the world .
    Let's make a strike of the heart , we will then know our big value.

  • L'isolement comme trait social caractéristique. People isolation as main feature.

    Beaucoup d’analyses de ce qu’on appelle la crise actuelle de la société partent du chômage. Sans négliger le chômage, l’isolement des personnes m’a paru être un trait beaucoup plus caractéristique de notre société. L’observation directe de notre mode de vie, confortée par les indicateurs des organismes de statistiques (Familles monoparentales, personnes vivant seules..) démontre l’ampleur de cet isolement. J’ai fini par aboutir à une formulation très simple de l’exclusion :
    Chômage + Isolement => Exclusion.
    Pour l’essentiel, une personne seule ayant un travail n’est pas exclue, ainsi qu’une personne au chômage soutenue par une famille ou un entourage présent.
    Si on admet cette formulation, vouloir réduire l’exclusion passe par une action positive à la fois sur le chômage et sur l’isolement.

    On ne peut se passer de remarquer que les nouvelles TIC (technologies de l'information et de la communication) ont un impact direct sur l'isolement. Les TIC réduisent-elles massivement l'isolement? Est-ce valable pour toutes les catégories de personnes? ... à suivre...

     

    Many analyses of what we call the current crisis of the society start from unemployment. Without neglecting the unemployment, the isolation of the persons appeared to me to be a much more characteristic feature of our society. The direct observation of our way of life, consolidated by the indicators of the bodies of statistics (Single-parent families, persons living alone) demonstrate the scale of this isolation. I finaly propose a very simple formulation of the exclusion:
    Unemployment + Isolation = > Exclusion.
    For the main part, a single person having a work is not excluded, as well as a person in the unemployment supported by a family or a present circle of acquaintances. If we admit this formulation, to want to reduce the exclusion passes by a positive action at the same moment on the unemployment and on the isolation.

    We cannot miss to notice that new ICT (information and communication tools) have a direct impact on the isolation. Do ICT reduce massively the isolation? Is it valid for any person category?...

  • Grand-mère au CAC 40

    Développer la marchandisation du tiers secteur, et en particulier ce qu’on appelle l’aide à la personne, c’est décider que la manière dont on prendra soin des personnes âgées, par exemple, soit dépendante de la bourse. Travaillez, petites fourmis du social, créez et développez ce secteur. Quand il sera mûr, il se trouvera quelque groupe multinational pour s’y implanter et y faire régner la loi du marché marchand.
    Si on souhaite que sa grand-mère soit autre chose qu’une marchandise, il faut développer une autre manière de dépenser du temps à s’occuper d’elle. Il faut que l’activité marchande pour ce secteur devienne l’exception et non la règle. Il faut éloigner le secteur de la dépendance de la concurrence marchande. Comment ? En dévelopant une économie plurielle comportant un marché à but non lucratif assorti à une monnaie fondante sur le domaine d'activité où le profit a peu de sens. Je vous invite à suivre une piste d'"état providence participatif" dans mon blog du même nom.

  • La solidarité est-elle compatible avec le progrès?

    Depuis au moins 1789 nous sommes devenus une civilisation du progrès. Le progrès est-il compatible avec la solidarité ? C’est une question difficile. Il me semble toutefois qu'à partir du moment où les activités ne sont pas intégrées comme dans les sociétés "primitives", le progrès peut suivre son chemin. Le droit individuel stable est un fort soutien au progrès. Il y a toutefois dans l'idée de progrès la foi dans la perfection, la croyance que la perfection peut être atteinte par la construction humaine. Cet aspect du progrès peut devenir fortement néfaste et destructeur (voir la note sur "l'imperfection comme richesse"). Comme la liberté, le progrès a besoin de modération (de principe de précaution?) pour ne pas finir par s'autodétruire.