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  • La gratuité ou le paradoxe de la sainteté.

    "Désintéressé et fier de l'être", cette expression contient et exprime tout le paradoxe de la gratuité.

    Lors de l'élaboration de l'Etat Providence Participatif, il m'avait semblé qu'une source d'énergie qui faisait fonctionner les humains et sur laquelle on pouvait compter était la reconnaissance. Je ne parle pas ici de la reconnaissance de ce que l'on est, de la reconnaissance identitaire, mais de la reconnaissance de ce que l'on fait, la gratification qu'on peut recevoir en échange de l'énergie qu'on dépense pour la collectivité. Sans le savoir, j'avais pris une option qui s'inscrivait dans le courant solidariste laïc de Léon Bourgeois et de ce fait, je me suis trouvé en opposition avec les tenants de la gratuité. Pendant le débat qui a précédé celui où je participais et qui s'intitulait "Le care et la critique des inégalités" avec Alice Le Goff et Marie Garrau, un des auditeurs a clairement relevé cette opposition entre gratuité et reconnaissance qui parcourait les deux approches du travail social.

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  • Division sexuelle du travail et Etat Providence Participatif

    Lors de Citéphilo, il a été pointé que les tâches relevant du care étaient majoritairement effectuées par des femmes. Est-ce que l'Etat Providence Participatif (EPP) peut aider à établir plus de parité?

    Voici 5 solutions différentes d'évolution possible des activités sociales:

    1. Faire revenir les femmes au foyer. Cette solution permet de résoudre à la fois le problème du chômage et le problème des crèches et une partie du maintien à domicile des personnes âgées. Outre qu'il reste quand même pas mal de domaines du care qui ne sont pas couverts, je suis bien certain que les femmes ne sont pas trop d'accord, parce que le travail est le plus fort outil de leur émancipation et qu'elles auraient bien tort de vouloir revenir en arrière. Et puis, avec seulement deux enfants, c'est un peu difficile à justifier. Cette voie ne crée aucune dynamique nouvelle de développement du domaine social. Imagine t'on le secteur productif seulement occupé par des TPE de deux personnes? Si certains rêvent nostalgiquement à cette solution qui ne s'inscrit pas dans l'histoire ce n'est pas mon cas.                                                                                                                                                                                                                                                                          
    2.  Renforcer l'Etat Providence. Mon intuition, c'est qu'une fois un certain niveau d'Etat Providence mis en place, on ne gagne plus rien à l'intensifier qu'une bureaucratisation. L'Etat Providence ne peut pas tout, c'est une question de distance entre les centres de décision et les besoins, c'est une question de rigidité et c'est une question d'initiative et d'appropriation. Je ne dispose toutefois pas d'étude pour appuyer correctement ce point que je mettrais à jour en fonction de ce que je vais trouver sur ce sujet (appel à contribution).                                                                                                                                                                                                                                        
    3.  Réduire l'Etat Providence et ne rien mettre à la place. C'est l'option actuelle qu'on pourrait appeler le choix de la société d'agression mutuelle. Il faut en même temps prévoir d'agrandir les prisons et accroître le nombre de juristes. On peut aussi s'attendre à ce que des communautés se redéveloppent. Mais en France, on a perdu la main, Lechapellier est passé par là, et le réapprentissage communautaire risque d'être très difficile. C'est un choix régressif que je ne respecte pas, mais c'est un choix possible. Dans cette option, les femmes sont fortement mises à contribution en ce qui concerne les tâches sociales, soit dans le cadre de la famille, soit dans un cadre communautaire.            .                                                                                                                                                                                                                                                                  
    4. Laisser la logique productive (marchande disent certains) occuper le terrain de ce soi-disant nouvel eldorado de l'emploi. C’est le CESU (chèque emploi service universel). Je recommande vivement la lecture du livre de Denis Clerc sur « La France des travailleurs pauvres » sorti en 2008. Le constat est accablant, les vulnérables, et en grande majorité des femmes s’occupent d’encore plus vulnérables qu’eux. Il s'agit d'une solution inadaptée parce que ses critères productifs ne s'y appliquent pas bien et parce qu'ils renforcent la division sexuelle du travail au détriment des femmes.                                                                                                                                                                                                                                                 
    5. Développer un domaine social en partie autonome. L'EPP est un projet de cette espèce. Inutile que je vous dise que c'est celui que je soutiens tant je lui vois d'avantages vis à vis des autres solutions. Mais plus particulièrement vis à vis de la division sexuelle du travail. En effet, l'EPP a pris acte d'emblée du fait que les femmes sont au travail. Le contrat de travail mixte (bien nommé dans ce cas) ne fait aucune différence entre les sexes, il propose que chacun d'entre nous, homme ou femme, puisse passer 10 à 20% de son temps actif reconnu dans une entité du domaine social. Cette entité sociale pourra être publique ou privée, de même que c'est le cas du domaine productif. Si ma préférence va pour des modèles d'entités auto-organisées pour la plupart de ces activités(Associations, SCIC...), on pourra y trouver des activités coordonnées nationalement comme c'est le cas des sapeurs pompiers volontaires.

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  • Les sapeurs pompiers volontaires au secours du care

    Les sapeurs pompiers sont des acteurs du care d’un type un peu particulier, majoritairement masculins, mais ils répondent à tous les critères qui définissent le care. Selon la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 leur mission de sécurité civile consiste à assurer « la prévention des risques de toute nature, l’information et l’alerte des populations ainsi que la protection des personnes, des biens et de l’environnement contre les accidents, les sinistres et les catastrophes par la préparation et la mise en œuvre de mesures et de moyens appropriés relevant de l’État, des collectivités territoriales et des autres personnes publiques ou privées ». La distance de cette définition à celle que donne Joan Tronto du care est faible: Le care est « une activité générique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre « monde », de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible. Ce monde comprend nos corps, nous-mêmes et notre environnement, tous éléments que nous cherchons à relier en un réseau complexe, en soutien à la vie » (p. 143 de son livre, Moral Boundaries : a Political Argument for an Ethic of care, publié en 1993, traduit en français sous le titre, Un monde vulnérable, pour une politique du care).

    Un projet de loi visant à définir et protéger le statut de SPV a été déposé le 18 novembre 2010 sous le numéro 2977 par le député «rural» Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, soutenu par une cinquantaine de députés UMP. Le dossier législatif. La loi votée en 2011.

     Le texte exposant la motivation du projet de loi est un peu long, mais il mérite d’être cité in extenso, car il montre à quel point les principes de solidarité qui définissent notre pacte social traversent notre clivage politique gauche-droite et à quel point ce domaine de la solidarité a besoin d’évoluer et d’exister légalement:

    EXPOSÉ DES MOTIFS

    MESDAMES, MESSIEURS,

     La loi n° 2004-811 du 13 août 2004 a défini la sécurité civile comme ayant pour « objet la prévention des risques de toute nature, l’information et l’alerte des populations ainsi que la protection des personnes, des biens et de l’environnement contre les accidents, les sinistres et les catastrophes par la préparation et la mise en œuvre de mesures et de moyens appropriés relevant de l’État, des collectivités territoriales et des autres personnes publiques ou privées ». Elle a en outre clairement rappelé que les missions qui en relèvent « sont assurées principalement par les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires des services d’incendie et de secours ».

     Ces principes concrétisent ainsi une véritable originalité dans les compétences conférées aux pouvoirs publics, en confirmant la sécurité civile comme une compétence partagée entre l’État et les collectivités territoriales, qu’il s’agisse des missions accomplies au quotidien (secours de proximité, secours à personnes, etc.), de la gestion des grandes catastrophes (tempêtes, inondations, grands incendies…), des moyens matériels et des moyens humains.

     Plus particulièrement, les secours et la lutte contre les incendies dans notre pays sont majoritairement assurés par les services départementaux d’incendie et de secours (3,65 millions d’interventions en 2009 sur un total de 4,25 millions, 11 644 interventions par jour soit 1 toutes les 7,4 secondes), auxquels il convient d’ajouter les corps communaux et intercommunaux de sapeurs-pompiers, qui disposent de sapeurs-pompiers professionnels (40 100) et de sapeurs-pompiers volontaires (196 800 en 2009, 207 000 en 2004), lesquels accomplissent leurs missions en pleine complémentarité. Ce sont ainsi 3 077 500 victimes qui ont été prises en charge en 2009.

    Ce rapide exposé permet tout à la fois de constater toute l’importance pour notre Nation de disposer d’une organisation adaptée et efficace en matière de sécurité civile et plus précisément de secours, mais également toute la place occupée au quotidien dans la sauvegarde et la protection des populations par les sapeurs-pompiers volontaires (79 % des sapeurspompiers, 96 % des personnels du service de santé et de secours médical, 68 % du temps passé en intervention, 80 % dans les zones rurales), lesquels, sans oublier tous les autres acteurs impliqués, constituent bien la première force mobilisable en tout point de notre territoire pour répondre aux obligations d’assistance et de solidarité qu’imposent le contrat social et les valeurs républicaines que nous partageons.

    Par ailleurs, chacun reconnaît également que l’évolution et les contraintes de nos sociétés modernes, qu’elles soient sociale, économique, démographique ou territoriale notamment (désertification rurale, mouvements vers les zones périurbaines, éloignement entre le domicile et le lieu de travail, concurrence internationale et rentabilité économique, place et développement de l’individu et de la famille, etc. ), rendent de plus en plus difficile l’expression de ces valeurs, la participation citoyenne au service de la communauté.

    Et ces valeurs républicaines, cette participation citoyenne, justement, sont l’essence, le fondement même du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers : don de soi, engagement désintéressé au profit de la communauté, volonté de rendre service, primauté de l’intérêt collectif sur l’intérêt personnel, solidarité et esprit de corps.

    Néanmoins, malgré de nombreuses mesures ou initiatives, nationales ou locales, prises en faveur du volontariat, ce dernier reste confronté à d’importantes difficultés, rendant de plus en plus compliqué son exercice, de plus en plus problématique son développement.

    Afin de mieux appréhender la complexité de cet environnement et d’actualiser la connaissance du volontariat en France, et ainsi mieux rechercher et dégager les solutions les plus adaptées, le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités locales a décidé et annoncé le 4 octobre 2008 à l’occasion du congrès annuel de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, la mise en place d’une commission « ambition volontariat » chargée de travailler de manière prospective sur tous les aspects du volontariat chez les sapeurs-pompiers.

    Installée le 2 avril 2009, cette commission, présidée par M. Luc Ferry, ancien ministre, et composée de représentants des services de l’État, des élus, des sapeurs-pompiers, des organisations du monde du travail et d’universitaires a examiné successivement les problématiques du volontariat selon six grands thèmes : les valeurs républicaines, les liens avec le territoire, la jeunesse, la famille, les relations avec les entreprises et la formation.

    Complétée par une étude externe sur la sociologie du volontariat chez les sapeurs-pompiers, menée par l’équipe « Mana Larès », les travaux de cette commission ont abouti à un rapport remis le 17 septembre 2009 au ministre de l’intérieur.

     

    Ce rapport, après avoir rappelé le contexte dans lequel servent les sapeurs-pompiers volontaires et les importantes évolutions qui l’ont marqué depuis une vingtaine d’années, présente une série de recommandations et de propositions regroupées en trois grands domaines :

    le management des sapeurs-pompiers volontaires, management qui englobe aussi bien leur recrutement, le suivi de leurs activités et de leur disponibilité ainsi que les relations avec les employeurs ;

    – la formation, sujet sensible en termes d’exigences et de programmation des activités

    – la reconnaissance de l’engagement des volontaires, facteur essentiel de leur fidélisation.

    Il propose enfin des mesures plus générales, de portée législative, visant à clarifier et à conforter la place du volontariat dans notre dispositif de sécurité civile, lesquelles sont la source de la présente proposition.

    Prolongeant ces premiers travaux d’analyse importants, un groupe de travail a été constitué dès décembre 2009 afin cette fois de préciser les mesures concrètes à mettre en œuvre. Plus précisément, il était chargé de mobiliser l’ensemble des partenaires, de traduire le rapport de la commission « ambition volontariat » en termes d’objectifs, de mener les réformes nécessaires et de mettre en place les indicateurs d’action et de résultat.

    De tous ces échanges et débats, tout au long de ces dix derniers mois, se confirme l’existence de nombreuses et diverses difficultés auxquelles est confronté le volontariat (directive européenne relative au temps de travail, problème de disponibilité notamment des personnels des services publics locaux, sollicitation de plus en plus forte, problème d’effectif en journée, problèmes en milieu rural et rurbain, contraintes professionnelles ou familiales, importante rotation des effectifs, amélioration lente de la fidélisation) et il importe à présent d’apporter des éléments de réponses, des solutions.

    Si toutes les mesures ou actions qu’il convient à présent de prendre en compte ne relèvent pas du domaine législatif, en revanche, force est de constater la nécessité d’y avoir recours sur certains points essentiels, pour la pérennité du volontariat lui-même, mais aussi pour la sécurité civile.

    En effet, la législation européenne actuelle sur le temps de travail et sa jurisprudence font peser sur l’activité de sapeur-pompier volontaire un risque sérieux de requalification, en reconnaissant au sapeur-pompier volontaire la qualité de travailleur, conduisant alors à une application de règles relevant de la législation du travail, et notamment l’obligation d’un repos quotidien, aux conséquences dramatiques pour son existence comme pour celle de notre modèle de sécurité civile. Il appartient certes aux institutions européennes d’apporter des solutions, mais le législateur national doit lui aussi intervenir et reste compétent pour clarifier cette question.

    Jamais jusqu’à aujourd’hui, le Parlement n’a eu l’opportunité de consacrer l’activité de sapeur-pompier volontaire, le sapeur-pompier volontaire lui-même, comme il est depuis toujours, comme il est tous les jours, c’est-à-dire de reconnaître sa vraie et juste nature, d’inscrire dans la loi que l’activité de sapeur-pompier volontaire est bien une participation citoyenne active aux missions de sécurité civile, et non une activité professionnelle, quelle qu’elle soit. Toujours assimilé, soit à un agent public, soit un collaborateur occasionnel, situations juridiques inadaptées à sa réalité, il ne fait pourtant aucun doute que ses particularités et son originalité l’en éloignent.

    Cette reconnaissance et cette affirmation de l’engagement citoyen en qualité de sapeur-pompier volontaire qu’il est demandé au législateur d’inscrire dans la loi sont bien là le cœur même de cette proposition de loi, et marqueront de leur empreinte solennelle la véritable ambition pour le volontariat d’aujourd’hui et de demain en apportant un cadre juridique protecteur à cet engagement. Par la même, il s’agit bien aussi de renforcer et de consolider la complémentarité entre sapeurs-pompiers professionnels et volontaires qui, avec les principes de subsidiarité et de compétence de sécurité civile partagée entre l’État et les collectivités territoriales, fonde toute l’originalité et l’efficacité du modèle français d’organisation et de gestion des secours.

    En outre, en inscrivant formellement ces nouveaux principes, le législateur viendra utilement combler une lacune dans l’architecture légale de ce modèle d’organisation, puisque dans ce dispositif seuls les sapeurs pompiers volontaires ne disposent pas d’un cadre légal complet et adapté précisant clairement les règles destinées à leur être appliquées, malgré la loi n° 96-370 du 3 mai 1996.

    Il faut également souligner que le volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers ne peut pas uniquement se résumer à des aspects opérationnels. Son histoire est en effet intimement liée à celle de la construction de la sécurité civile et de l’organisation des services d’incendie et de secours. Il peut notamment être rappelé le rôle majeur assuré par le réseau associatif des sapeurs-pompiers, né il y a plus de cent trente ans, souvent à l’origine des plus importantes réformes mises en place et même des œuvres sociales pour les veuves et les orphelins de la corporation. Ainsi, et depuis toujours, un centre d’incendie et de secours n’existe pas sans son amicale de sapeurs-pompiers, lieu privilégié de fraternité, de solidarité, de convivialité et de réconfort dans les moments difficiles, fréquents malheureusement dans le monde des sapeurs-pompiers. Autre aspect de la complémentarité entre sapeurs-pompiers, ce réseau construit avec le temps est depuis longtemps présent dans tous les départements, y compris en outre-mer, ainsi qu’au niveau national, avec ses 98 unions départementales et la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France. Participant à la défense des droits des sapeurs-pompiers, comme de leurs valeurs et à l’expression de leur voix auprès des pouvoirs publics, ce réseau associatif des sapeurs-pompiers, partie intégrante de l’identité des sapeurs-pompiers et indissociablement lié avec le service, doit donc lui aussi, comme le volontariat, être reconnu et consolidé.

    Enfin, pour exprimer toute la reconnaissance de la Nation à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires qui se dévouent pour la communauté, et ce bien au-delà même de la seule période de leur activité, une mesure de justice sociale est proposée afin de procéder, dans un délai de cinq ans, à l’alignement de l’ancienne allocation de vétérance sur l’allocation de fidélité instituée par la loi du 13 août 2004, permettant ainsi de rétablir une équité dans les prestations servies lors de la cessation d’activité.

    Dans le prolongement même de la reconnaissance de l’engagement citoyen, les autres mesures qui vous sont proposées et qui traduisent les conclusions adoptées par les représentants de la commission « ambition volontariat » tendent à apporter des ajustements et des assouplissements adaptés et nécessaires à l’activité des sapeurs-pompiers volontaires, en particulier en confortant la protection pénale des acteurs de la sécurité civile, à poursuivre l’amélioration de leur protection sociale, faciliter et développer le volontariat notamment dans le milieu rural, en donnant les moyens de renforcer la place et soutenir le rôle essentiel des communes et des établissements publics de coopération intercommunale pour le volontariat, et par la même à contribuer à conforter les moyens et les capacités de sécurité civile pour assurer, en tout point du territoire national, la protection des populations. »

     

    Tous les éléments de ce que j’ai appelé l’Etat Providence Participatif y sont, appliqués au cas particulier de la sécurité civile. En effet, on ne peut imaginer la mise en place d’une concurrence pour cette activité qui réclame une couverture du territoire justifiant une coordination nationale. D’autre part, la structuration hiérarchique se comprend par la nécessité de répondre rapidement aux urgences auxquelles les pompiers doivent faire face.

    J’ai entendu la parole de la fondatrice du planning familial, Evelyne Sullerot, lors de l’émission « Les matins » sur France culture, le 11 Novembre 2010, lorsqu’elle a dit avoir connu 3 catastrophes humaines : l’affreuse condition des femmes au début du siècle, avant la révolution de la contraception, les hommes malmenés lors de la dernière guerre et enfin dit-elle, la condition actuelle des enfants. Lorsque cette grande dame juxtapose la condition actuelle des enfants sur le même plan que les deux autres grandes souffrances humaines dont elle témoigne, j’ai tendance à tendre l’oreille. D’autant plus que son diagnostique est partagé par François NICOLAS qui a repoussé les dealers de son quartier avec un collectif anti-crack en 1 an, là où les pouvoirs publics échouaient depuis longtemps.

    On peut imaginer que la prise en charge de l’enfance puisse être considérée autant que le sauvetage des SPV. On peut imaginer des crèches animées par un corps mixte de professionnels et de volontaires, de la même façon qu’on sait le faire pour les pompiers. Toutefois, à la différence des pompiers, cette activité est routinière et ne réclame pas une couverture nationale organisée par l’état ni une hiérarchie si rigoureuse. On peut très bien imaginer laisser la société civile s’auto-organiser sur ce secteur qui pourrait ainsi comporter une certaine concurrence stimulante, pour peu qu’on lui en donne les moyens. Le statut de SCIC (Société Coopérative d'Intérêt Collectif) peut être particulièrement bien adapté à ces activités sociales. Il en va de même pour les ados laissés à eux-mêmes, le soin social aux personnes âgées, aux handicapés, la prévention de l’addiction, de la délinquance. Tout le domaine social a besoin d’être reconnu pour ce qu’il est, ni une activité familiale, ni une activité entrepreneuriale, ni une activité relevant exclusivement de l’état, mais une participation citoyenne au travail social. C’est exactement le projet politique que porte l’Etat Providence Participatif.

  • La pipe de Magritte et la violence symbolique

    Le texte qui suit est une retranscription approchée d'une petite partie, un peu plus philo que le reste, de mon intervention à Citéphilo sur le care. Certains arguments anti-care sont de nature à éveiller des réactions féministes. Jacques Julliard titre ainsi une chronique du 26 Mai 2010 sur le care "Bisounours et gnia gnia gnia". Le 17 Mai 2010 sur son blog, Jacques Attali publie une note intitulée Le soin ou le respect? dans laquelle il oppose artificiellement le care au respect et où il réduit le care à un travail d'infirmière. Il y a donc un vieux reste de domination masculine qui s'attache à la patte du care, alors qu'il serait utile que toutes les forces sociales capables de renouveler concrètement la solidarité sociale et la fraternité puissent s'unir.

    Le très célèbre tableau de Magritte figure une pipe au-dessous de laquelle est inscrit "ceci n'est pas une pipe". En quoi ce simple tableau peut-il figurer la violence symbolique, c'est à dire le consentement du dominé, et proposer en même temps de s'en affranchir? Ce tableau nous démontre que  la représentation est incluse dans le réel, alors que la domination tire sa force de nous faire croire l'inverse, c'est à dire qu'elle tente de nous faire croire en sa naturalité. Le dominant dirait devant le tableau de la pipe: "c'est une pipe". Plus la pipe du tableau de Magritte est ressemblante et plus puissant sera son message, plus il sera subversif. Une représentation chassant l'autre, nous pouvons être certains que si d'aventure nous passions de la domination masculine à la domination féminine, ce qui n'est tout de même pas très probable à brève échéance, le message du tableau de Magritte resterait indémodable. Pour nous qui sommes naturalistes, nous qui produisons des modèles d'un niveau de performance descriptive inégalé qui nous permettent d'agir comme jamais sur le réel, le message de Magritte est salutaire. Il nous dit que la vérité qui pourrait émaner de nos représentations si parfaites est une escroquerie, il nous rappelle que notre universalisme repose sur un tour de passe-passe, il nous rappelle que notre vision des droits de l'homme, si honorables qu'ils soient, repose sur du sable conceptuel, sur une simple inversion de la relation entre notre représentation du monde et la réalité.

    Irais-je jusqu'à dire que nommer c'est posséder, c'est dominer, que c'est un symptome de la folie universelle des hommes? Percevoir le message du tableau de Magritte, c'est percevoir la structure de la domination et du viol symbolique. Magritte propose une réponse du dominé au dominant "non, non, ceci n'est pas une pipe!"

    Dans "La lutte des places" de Vincent de Gaulejac et Isabel Taboada Léonetti, je relève p190 un mode de prise de distance vis à vis des normes:

    "L'humour et la dérision constituent une stratégie minimale, utilisée le plus souvent en complément ou en alternative avec d'autres. Tout d'abord, tourner en ridicule sa propre situation permet de prendre une certaine distance de soi-même et récupérer une part de maîtrise des faits. Mais, surtout, la dérision atteint, à travers l'image de soi stigmatisée, le système de valeurs qui l'a instituée, elle sape avec efficacité la légitimité du regard de l'autre, et le caractère sacré, intangible des valeurs dominantes."

    Toutefois, si la dérision permet un instant de percevoir ce que signifie le tableau de Magritte, c'est en général pour l'oublier dans la mise en place d'une nouvelle vérité, d'une nouvelle illusion prenant la place de l'illusion précédente. Le tableau de Magritte nous propose de nous débarasser une fois pour toutes du fardeau de la vérité, ce qui n'est en rien une négation du réel.

     

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