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  • L'autoentreprise pour conjurer la phobie anti-patrons

    Le CNR (Conseil National de la Résistance) avait banni les patrons des négociations qui donnèrent naissance à leur programme parce qu'un bon nombre de patrons s'étaient corrompus pendant la guerre en collaborant avec l'ennemi. Il n'est pas impossible que, malgré le temps, nous n'ayons toujours pas vraiment réglé nos comptes vis à vis du patronnat si on en juge par notre syndicalisme de combat qui voit dans le patron l'ennemi à abattre, mis à part quelques tentatives de la CFDT qui endosse souvent à son corps défendant le costume de traitre, de bouc émissaire.

    François Mitterrand avait tenté de nous réconcilier avec les patrons et l'entreprise en faisant appel à notre Nanar national. Le résultat est plus que mitigé et nous avons quelques difficultés à nous vivre autrement qu'en damnés de la terre. Il faut dire que ce ne sont pas les parachutes dorés, les stock options, les bonus et autres gratifications pour privilégiés qui nous auront aidé à surmonter notre handicap.

    Une tentative actuelle porte en elle les moyens de dépasser le passé. Il s'agit de l'auto-entreprise. Son succès est tel qu'elle initie un très grand nombre de personnes à la réalisation d'un projet d'entrepise personnel, à être pleinement acteur de son travail, et à quitter ainsi le statut d'employé, à se déprolétariser. Cette possibilité est beaucoup plus importante que le réel impact économique immédiat. Il faudrait pourtant que cette remarquable disposition ne soit pas sabotée par des complications fiscales décourageantes comme peut l'être la CFE pour une autoentreprise qui n'a pas encore fait de chiffre d'affaire. Je milite pour que le plus grand soin soit apporté à ce que les bourgeons que sont les autoentreprises ne soient pas gelés prématurément par des charges et pour ainsi en finir avec notre syndrôme national anti-patrons.

    Il ne s'agit pas ici de proposer un travail psychologique comme pourrait accomplir une personne qui aurait subit un traumatisme. L'idée, c'est que nous nous serions organisés à partir de ce rejet des patrons. De proche en proche, nos corps intermédiaires se seraient construits avec ce rejet, ce qui fait qu'il serait toujours présent d'une certaine façon. Comment pouvons nous être pour l'emploi et continuer à défendre nos systèmes de retraites par répartition alors qu'un système de retraites par points serait mieux adapté, être contre une TVAS et soutenir un système fiscal qui pénalise autant l'emploi? L'autoentreprise ne représenterait donc pas seulement la possibilité de créer une nouvelle activité sans prendre trop de risques, mais elle porterait aussi en elle le potentiel de rénover notre état-social, de débloquer la société (Echo à "La société bloquée" du sociologue Michel Crozier).