L'écologie sociale pour renouer avec un humanisme émancipateur
Reconstruire la gauche dans le désert idéologique, le fertiliser en développant l'émancipation DANS les organisations. Penser la gauche avec Murray Bookchin et Gerard Endenburg et la sociocracy (ou Jo Freeman).
Dominique Reynié clame que la gauche, dans son ensemble, est morte. C'est sans compter que la gauche, comme la droite, sont éternelles. De même que le populisme est aussi éternel, puisqu'il se nourrit des impuissances, aussi bien de la gauche que de la droite, et alimente le processus immémorial du bouc-émissaire.
Dominique Reynié s'appuie sur les tendances et les ressorts des partis actuels, comme ils se sont formés au cours de l'histoire. Les évolutions du monde, de la démographie, du travail, le stade du cycle dans lequel nous sommes, l'écologie, prennent de court les doctrines, laissant le champ libre au populisme, au yakafokon. Dans l'histoire de la mort (momentanée) de la gauche, l'épisode du bolchévisme semble avoir pris une part prépondérante. C'est ce qu'il ressort d'une interview de Bookchin par Peter Einarson (vers la fin de cette liste de texte d'écologie sociale), où il relate l'éclatement idéologique de la gauche dans une de ses réponses où il parle de son enfance et de sa jeunesse dans le Bronx des années 30:
"C'était une société solidaire, avec des tendances diverses, et non pas différentes gauches qui se détestent comme des sectes protestantes. La Révolution bolchevique a fait énormément pour détruire cette communauté, à cause de la répression de Lénine contre tous les adversaires du bolchevisme, et même contre ses partisans. Critiquer n'était même pas nécessaire ! Si tu n'étais pas pour, tu étais contre ! Des abîmes se sont creusés dans cette communauté de gauche, et sa culture même en a été profondément marquée, car l'élément humaniste du socialisme était sapé."
Je crois que son observation dépasse de très loin le cadre de cette communauté de gauche du Bronx des années 30 à laquelle il se réfère et qu'elle peut s'appliquer à toutes les gauches du monde entier. Nous n'en sommes toujours pas revenu et ce poison de la brutalité bolchévique continue de faire son effet. Bookchin lui-même n'échappe pas à sa propre critique quand il s'en prend à Chomsky pourtant très proche de lui idéologiquement (Ainsi le militant américain Murray Bookchin fustigeait-il dans une interview en 1996 la « gauche américaine » qui « pousse si loin la sottise que quelqu’un comme Chomsky, qui se dit anarchiste, veut renforcer, ou du moins soutenir l’État centralisé contre les demandes de “dévolution” aux gouvernements ). Ce ne sera donc pas simple de tenter de fédérer cette mouvance libertaire et sociale. Mais si l'agroécologie réussit ce tour de force de fédérer les tenants d'une agriculture durable autour des définitions d'Altieri, alors pourquoi pas essayer de s'en inspirer?
Les partis de gauche et de droite demeurent dans l'illusion de la puissance du top-down en politique, démunis devant "l'ubérisation" de l'activité. Ils ne répondent plus aux attentes, ainsi que l'attestent les taux de participation aux élections. Le fort intérêt du moment pour l'illusion populiste confirme l'inadéquation des partis de droite et de gauche actuels, ainsi que Jean Zin l'analyse finement dans un article intitulé "La révolution nationale". Cela signifierait-il que toute politique de gauche, c'est à dire solidariste ou humaniste, serait vaine? Alors que l'illusion de l'état tout puissant semble s'évaporer, que les discours et les promesses des partis de gouvernement de gauche et de droite se heurtent aux réalités, la foi dans le volontarisme ne s'est toutefois pas éteinte puisqu'elle s'est simplement déplacée vers le FN qui recueille les déçus, déçus d'avoir trop espéré ou cru dans les promesses de Père-Noël qu'ils ont entendues ou cru entendre, et dont le nombre gonfle à chaque alternance.
Pourtant, la gauche et la droite puisent leur force à des fondements philosophiques inaltérables. Ils sont comme les deux composantes du darwinisme, la coopération et la compétition. La gauche présuppose que c'est plutôt la société qui fait l'individu et la droite présuppose que le poids de l'individu l'emporte sur celui de la société. La gauche sera donc plus encline à favoriser la solidarité et la droite l'initiative individuelle. Compte tenu du niveau de prélèvements obligatoires en France dont l'essentiel est redistribué, il apparaît que la gauche l'a très largement emporté jusqu'ici, donnant à l'état un poids considérable. Compte tenu du nombre de chômeurs et de la montée de la pauvreté, cette stratégie semble en bout de course. Mais faute de vision, les ressorts de la droite et de la gauche semblent tourner à vide, ne réussissant plus à garder le contact avec les réalités, ce qui nourrit les populismes du moment (dits de droite ou de gauche, mais avant tout populistes).
Les fortes évolutions citées en préambule (échanges mondiaux, démographie, NTIC, travail, cycle économique, écologie...) nécessitent des capacités d'adaptation importantes des acteurs, groupes ou individus. Comment redonner ces marges de manoeuvre, redonner la main aux citoyens et aux collectifs, dans une visée solidariste humaniste (cad non catégoriste ou corporatiste)? C'est cette option qui m'intéresse en réponse à l'affirmation de la mort de la gauche, dans la lignée philosophique de Murray Bookchin , lui-même faisant partie du courant de socialisme libertaire de Bakounine. Quant à la droite, il me semble qu'elle devrait profondément s'interroger sur la confusion et même le nœud paradoxal savamment entretenu de la liberté privée qui sert de paravent à une oppression banalisée de la liberté personnelle, de l'émancipation.
Le désert idéologique
Le désert idéologique est représenté par "la gauche libérale" sur une cartographie 2D des différents courants politiques en France .
L'axe des abscisses représente l'axe gauche droite, ou dit autrement de la solidarité pour la gauche et de l'individualisme pour la droite. L'axe des ordonnées représente le caractère autoritaire ou libéral de l'organisation politique.
Le désert idéologique correspond à un système à la fois solidaire et à la fois libéral. Cette simple juxtaposition semble totalement contradictoire à beaucoup, en particulier à gauche. Pourtant, l'émancipation est un des thèmes forts de la gauche. Donc, si je dis solidarité et émancipation, je me situe bien dans le désert idéologique, mais c'est déjà une formulation plus acceptable. Le terme libéral a pris un sens tellement radical en France, faisant exclusivement référence au renard libre dans un poulailler, qu'il est devenu tabou. Pourtant, le redéveloppement des marges de manœuvre des acteurs (individus et groupes) me semble aujourd'hui indispensable. L'organisation des groupes eux-mêmes, thème abandonné par la gauche depuis l'échec politique de l'auto-gestion des années 80, me semble devoir intéresser la gauche à nouveau et lui redonner un souffle émancipateur qu'elle a perdu, parce qu'une bonne part de l'aliénation sociale se joue aujourd'hui dans les groupes et en particulier dans les entreprises. D'autant que des progrès considérables en savoir-faire en organisation participative ne demandent qu'à trouver un relais politique pour diffuser à l'intérieur de l'ensemble du monde du travail (cf aussi ce site remarquable sur les architectures organisationnelles).
Le très jeune parti politique Nouvelle Donne a fait une tentative d'acclimatation de la sociocratie courant 2014. Cette tentative de démocratisation des pratiques internes à un parti était portée par Patrick Beauvillard, alors co-président de ND, et qui a depuis démissionné de Nouvelle Donne, ce qui en dit long sur les difficultés qu'il a rencontrées dans son projet. Il est difficile de se prononcer aujourd'hui sur l'avenir des petites graines qu'il a semées, mais nul doute que cette première tentative sera suivie d'autres tentatives qui pourraient aboutir a un renouvellement des partis politiques dans le sens d'une pratique démocratique nettement plus effective, dans le sens d'une meilleure intelligence collective.
Le mouvement des Colibris a adopté et adapté les principales règles de la sociocratie d'Endenburg en 2012, il y a bientôt 3 ans (cf ses statuts). Il serait intéressant de connaître plus précisément comment s'est implanté ce mode d'organisation, comment il fonctionne. Les Colibris n'est pas un parti politique, c'est un mouvement à caractère politique qui se rattache au courant idéologique présocialiste, ou socialiste non scientifique, ou socialiste utopique. Toutefois, contrairement aux tentatives précédentes de ce courant idéologique (le fouriérisme avec les phalanstères par exemple, et plus près de nous les écovillages) , les Colibris ne vise pas à fonder des communautés idéales, intégrées, mais plutôt de fonder un réseau de structures, de groupes, acteurs de terrain, entreprenants dans tous les domaines, et animés par le même désir de fonder une société plus participative, coopérative, écologique, équitable, mutualiste, subsidiariste (libertaire, régulée, mais pas libérale), solidariste. Contrairement aux partis politiques classiques qui visent le levier de la loi, les Colibris visent la pratique locale, la force des réseaux, un aller retour entre actes et paroles, la recherche d'une cohérence libertaire, solidaire et écologique. Pour ces différentes raisons, les Colibris se placent dans le désert idéologique. Des lois pourront venir consolider et étayer le type d'actions et d'activités menées par des mouvements comme les Colibris, mais elles émergeront de ces activité, alors que l'activité politique classique vise d'abord à changer la loi pour changer les activités et les équilibres de la société.
Ne pas oublier l'importance des structures (éviter "The tyranny of structurelessness")
La dette, qui occupe la première place de la lutte contre les inégalités, et dont le rapport CADTM 2015 fait état, c’est très important et très étudié, depuis au moins …. 5000 ans, selon David Graeber, par contre il est bien difficile de trouver un état des lieux et de l’évolution de “qui décide quoi et comment” dans les organisations. Pourtant les organisations sont le siège des principales atteintes à la liberté individuelle sous le couvert de liberté privée. Une contradiction même pas relevée par les néo-libéraux qui sont libéraux pour eux-mêmes et oppresseurs pour leurs subordonnés. Le simple mot de subordonné devrait d’ailleurs nous mettre la puce à l’oreille de ce qui se passe dans les organisations, que ce soient les entreprises et même les partis politiques. Il n’y a guère que les courants autogestionnaires et anarchistes pour soulever la question, mais leurs propositions de réponses s’articulent autour de la négation de tout besoin de hiérarchisation fonctionnelle, ce qui les condamne à l’échec, par manque d'efficacité à prendre des décisions et à réguler les conflits. Le développement de l’intelligence collective n’est pas contradictoire avec une certaine hiérarchisation, elle en est même une des conditions (certains préféreront le terme de structuration, à l'image de la féministe Jo Freeman avec son fameux texte "The tyranny of structurelessness" écrit en 1970. Les outils de la sociocratie d'Endenburg coïncident avec les préconisations de Jo Freeman pour éviter la tyrannie de l'absence de structure). Il serait temps que la gauche se penche à nouveau sur l’émancipation des individus au sein des organisations, sur les leviers et les outils éprouvés de l’intelligence collective, sur l’art et la manière de développer les modes de prise de décision par consentement pour passer d’une culture du contrôle et de la suspicion à une culture de la participation et de la confiance organisée. Certaines entreprises ont sauté le pas (Favi avec le modèle de l’entreprise libérée, beaucoup d’entreprises du logiciel avec les méthodes Agiles (SCRUM), certains mouvements à caractère politique comme les Colibris avec la sociocratie, d’autres avec l’Holacratie). Mais aucun parti politique n’a encore adopté de tels moyens et une telle philosophie. Ce serait pourtant le moyen de décupler ce mouvement tellement en phase avec la génération Y, les réseaux, les NTIC. Si la gauche doit se réinventer, c’est d’abord par la découverte, l’expérimentation, la pratique et la promotion de l’émancipation des individus au sein des collectifs, des organisations, en commençant par le parti lui-même. Il deviendra peut-être alors possible de parler d’un projet de société d’assistance mutuelle non cantonnée au seul care (pour rappeler le projet de société du soin mutuel lancé par Martine Aubry et qui a fait un flop), mais à toutes les sphères d’activité. Il me semble urgent d'apprendre l'art et la manière de combiner nos libertés, ne serait-ce que pour se donner une chance de nous adapter à cette période si révolutionnaire, pour nous donner une chance d'écologiser le progrès, progrès que nous ne sommes pas prêts d'abandonner. Le mouvement de démocratie 2.1 initié par Karel Janecek apporte un outillage important de mise en place de structures, pour les choix collectifs concernant aussi bien les projets que les personnes ayant des postes clés. Son succès ne se dément pas, dans tous les collectifs où il est utilisé. Ce modèle est très convergent avec la sociocratie et l'enrichit avec un outil capable d'être transposé au champ politique.
Il me semble que propriété et conception de la liberté individuelle (individualiste) sont fortement liés. Est-ce que les pratiques émergentes en très fort développement de mutualisation permises par les NTIC ne seraient pas en train de modifier mécaniquement notre vision de la propriété et par contrecoup notre vision de la liberté individualiste (cette liberté de chacun qui s'arrête ... aux frontières de ma propriété)? Est-ce que justement cette économie de mutualisation ne serait pas en train de faire émerger une notion de combinaison des libertés? Il me semble que oui, et c'est justement ce qui rend possible le développement d'une nouvelle gauche, à la fois solidaire et plus libérale, qui lui permet d'exister et de se développer. La pratique de la combinaison des libertés est un agent de fertilisation du désert idéologique.
L'économie collaborative, l'économie de partage, le développement du travail autonome, l'open source, la notion de "communs", redessinent à la fois les contours du marchand et les contours du gratuit. Est-ce le paradis de pouvoir développer son travail de façon autonome? Très probablement pas, la plupart de ceux qui y viennent le font plus dans une démarche de survie que dans une démarche de travail choisi (moins de 5% des autoentrepreneurs gagnent plus que le salaire minimum). C'est d'autant moins le paradis que les institutions du travail autonome restent très largement à inventer et mettre en place. Jean Zin fait les propositions d'institutions du travail autonome les plus avancées avec son triptyque coopérative municipale de production, revenu garanti et monnaie locale complémentaire municipalisée. Le travail autonome apporte d'emblée un haut niveau d'émancipation des personnes, mais le savoir faire à combiner sa liberté avec celle des autres dans des institutions du travail autonome reste en devenir. Pourtant, les travailleurs ont besoin de coopérer, de pouvoir s'appuyer sur un groupe de travail, de pouvoir faire évoluer leurs connaissances et les transmettre. Les institutions du travail autonome en germe qui sauront le mieux mettre en œuvre et promouvoir l'art de combiner nos libertés leur donnera avantage (les germes étant pour l'essentiel les plateformes collaboratives). A noter la différence entre économie collaborative et économie coopérative, différence importante soulignée par Hugues Sibille dans La Croix. L'économie collaborative se développe en prenant appui sur les nouvelles techno, l'économie coopérative repose sur le partage des fruits du travail collectif. Je cite Hugues Sibille: "...les plates-formes Internet sont souvent des entreprises à forme capitaliste qui accaparent une valeur financière créée (Airbnb introduite en Bourse pour 8 milliards de dollars) en partie grâce au fait qu’elles n’ont pas à investir dans les biens utilisés (voitures, appartements, etc.). Pire, ces firmes captent, s’approprient et concentrent des masses énormes de données, sur des systèmes d’information fermés et privés. Les usagers n’ont là aucun pouvoir sur la gouvernance ni retour sur les résultats économiques. C’est donc l´exact opposé de l’économie coopérative, beaucoup plus ancienne, qui repose sur des groupements de personnes et non de capital, dans lesquels les usagers ou les salariés (ou les deux) ont le pouvoir sur l’entreprise (une personne égale une voix) et se partagent les résultats après avoir fait des réserves. Chez Uber, les résultats repartent dans la Silicon Valley après un passage par les Bermudes pour échapper à l’impôt..."
En définitive, l'occupation du désert idéologique, sa fertilisation, passe par la mise au centre de l'émancipation des personnes au sein des collectifs et en conséquence par la mise en œuvre d'un principe de subsidiarité (prendre les décisions au plus bas niveau possible afin qu'elles soient plus pertinentes et afin de limiter les tendances bureaucratiques pour ne pas déposséder les acteurs). Cette mise au centre de l'émancipation des personnes implique un savoir faire en intelligence collective, une culture de la prise de décision, très éloigné de nos pratiques actuelles. L'émancipation se rapporte à plusieurs dimensions, une dimension d'émancipation vis à vis des structures de pouvoir hiérarchiques classiques, une dimension d'émancipation vis à vis des tendances communautaires (présentes spontanément dans tous les collectifs, par exemple sous la forme de pensée de groupe) et une dimension d'émancipation vis à vis des tendances libérales (la liberté de chacun qui ignore les enchevêtrements collectifs, sous-tendu par le poncif de la main invisible qui ne présuppose que les aspects positifs de la contribution désordonnée de chacun au collectif et qui est aveugle aux externalités négatives). L'émancipation des personnes DANS les collectifs se rapporte donc à un savoir faire en COMBINAISON DES LIBERTÉS, en "écologie sociale" en somme. Toutefois, la viabilité des collectifs nécessite une forte capacité de décision, ce qui implique que les hiérarchisations fonctionnelles ne doivent pas être écartées. La sociocratie d'Endenburg est un modèle qui répond à tous les critères pour occuper le désert idéologique. Il ne s'agit toutefois pas d'une boîte à outils figée, dogmatique, mais au contraire d'un outil mis au point expérimentalement, très évolutif, très adaptatif, qui valide les décisions prises à leur efficacité opérationnelle, après-coup (la sociocratie pourrait être à l'émancipation dans les collectifs ce qu'a été la machine à laver pour l'émancipation féminine). Il existe quelques variantes, mais toutes ont en commun de placer en leur centre l'émancipation des personnes au sein d'un collectif, un principe de subsidiarité éprouvé et une hiérarchisation fonctionnelle. Voilà me semble t-il une piste de reconstruction de la gauche dans le désert idéologique actuel qui restera un désert tant que cette question de l'émancipation des personnes au sein des collectifs permettant l'émergence de plus d'intelligence collective dans les groupes humains restera dans l'ombre, tant que les luttes de pouvoirs interpersonnels, tant que la culture libérale faux-cul (la liberté pour moi, l'oppression pour les subordonnés), auront le dessus au détriment de la mise au centre des problématiques, des adaptations collectives dont nous aurions tant besoin en cette période si révolutionnaire. L'ubérisation de l'économie locale et solidaire me semble relever pleinement de la fertilisation du désert idéologique en cours. Je retiens ce passage de ce texte très visionnaire de Jean Zin au sujet des "coopératives municipales":
"Des coopératives municipales sont avant tout des institutions du travail autonome, un soutien à l'autonomie individuelle (autonomie produite socialement) un peu comme la création de pépinières d’entreprises ou le coworking, voire un statut comme celui d'entrepreneur salarié. Il devrait être clair que la formation et le développement humain sont au cœur de la nouvelle économie immatérielle et collaborative dont la fonction principale devient la valorisation des compétences et des potentialités de chacun. Le fait de lier ces institutions locales à la commune vise à les ancrer dans la démocratie locale, assurer leur pérennité et y inclure tous les habitants."
(Parenthèse sur l'anthroposophie, initiée par Steiner, puisque la plupart des thèmes lancés au début du 20ème siècle par ce mouvement spirituel parfois qualifié de new-âge, se retrouvent aujourd'hui dans la plupart des orientations altermondialistes. A la lecture des fiches Wikipédia sur l'anthroposophie, il est difficile de percevoir un quelconque ésotérisme. Il s'agit plutôt d'une "porte ouverte" aux questions spirituelles (au sens de la vie, au pourquoi) qu'une incitation à fonder une quelconque secte. Mais voilà, la nature ayant horreur du vide, le flou spirituel de l'anthroposophie a attiré nombre de personnes très enclines à l'ésotérisme et croyant trouver ce qu'elle cherchaient dans l'anthroposophie, ou plutôt une permission, un alibi, un abri et un habit présentable pour leur penchant à croire n'importe quoi sans le moindre début de preuve (l'ésotérisme). Suite à consolider sans doute, sur l'anthroposophie, ses apports, ses dérives ésotériques bon-enfant, mais sans vouloir lancer de chasse aux sorcières envers ce mouvement qui n'a rien d'une secte, quand bien même certaines sectes peuvent se réclamer de l'anthroposophie...)
Commentaires
Bonjour,
Je suis quelque peu toublé par votre réprésentation 2D et votre terminologie.
Il me semble que libéral signifie politiquement aujourd'hui un libéralisme économique (ie pas de redistribution des richesses = individualisme = droite).
En revanche la tradition de la gauche libertaire (plus communément appelée anarchie), dont seul Proudhon figure sur votre schéma, est loin d'être désertique...
Quel est donc la raison de cette amnésie sélective d'un aspect si riche et diversifié de la culture politique?
Bonjour Davy,
Le graphique 2D n'est pas de moi, mais d'un site de gauche libérale que je cite. Pourtant, initialement le terme et la pensée libérale sont bien de gauche, avec l'idée de rompre avec l'aliénation des pauvres aux riches. Le terme libéral est toutefois en effet très fortement connoté, j'en parle juste après le graphique, inutile de se focaliser dessus, je propose le terme d'émancipation qui est plus audible, mais ce qui me semble certain, c'est que les acteurs (individus et groupes) ont besoin de marges d'adaptation, de subsidiarité, dans ce monde en profonde évolution. Le terme de "désert idéologique" me semble approprié (il n'est pas de moi non plus), parce qu'il n'y circule que quelques individualités qui n'ont pas créé, jusqu'ici, un mouvement.
Quels noms voudriez-vous y rajouter? Tous les tenants du socialisme libertaire j'imagine, ce qui est légitime.
La tentative de cet article, c'est de redonner un nouvel angle de politique solidariste dont un des ingrédients serait de vraiment se pencher sur la question des dominations/émancipations au sein des organisations, sur ce que j'ai nommé comme l'art de combiner nos libertés. Les deux seuls mouvements qui se sont intéressés à cette question de l'émancipation dans les organisations (entreprises, partis et dans une moindre mesure les associations) sont les autogestionnaires et les anarchistes. J'ai recherché les raisons de leur échec relatif jusqu'ici. En creusant la piste de la sociocratie, en mettant en pratique au quotidien ses principes, je crois qu'il est possible de développer beaucoup plus d'intelligence collective au sein des organisations, cette intelligence collective étant indissociable d'un bien meilleur niveau d'émancipation au sein des organisations que dans les schémas classiques. Pourquoi aurait-on plus de chances aujourd'hui qu'hier de faire mieux que les précédentes vagues autogestionnaires dont la dernière des années 80? Du fait du bouleversement apporté par le numérique et les moyens de communication qui font exploser les "anciennes" hiérarchies. C'est une question aussi d'efficacité, donc de survie si on se place d'un point de vue plus évolutionniste matérialiste, en gros c'est la pente qui se présente à nous.
Bonjour
merci pour cet article très intéressant.
Il me semble toutefois que vous oubliez à propos de la solidarité soit que :
soit elle est libre et volontaire (et dans ce cas là elle n'est pas garantie et je ne vois le besoin d'aucune structure),
soit elle est imposée, et dans ce cas là on ne peut plus parler de libéralisme et de respect des droits de propriété.
C'est exactement pour cette raison que votre cadran haut gauche présente un désert idéologique, et la présence de Proudhon dénote méconnaissance de cet auteur.
Après ses déboires juvéniles, la réflexion plus mature du grand bisontin lui fait apprécier la valeur de la propriété privée, qu'il appelle un outil révolutionnaire, le seul à même de s'opposer à l'oppression étatique.
Ce qui suffit à le placer au moins à côté de Bastiat
Bonjour hbsb,
Le texte de Jo Freeman "The tyranny of structurelessness" répond assez bien à votre commentaire (j'y fais référence dans le texte). Je crois que c'est ce que nous renvoie le mot liberté qui nous induit dans l'impasse actuelle. Pouvez-vous considérer que nous sommes immanquablement en interactions. A partir du moment où cette réalité de notre condition est perçue, le champ de la liberté individuelle tel qu'on se l'imagine devient extrêmement restreint. Mais nous pouvons apprendre à combiner nos libertés, dès lors que des structures permettent de le faire, c'est à dire à devenir acteur de nos choix collectifs et faire entendre notre voix. C'est ce que la sociocratie d'Endenburg propose et c'est vraiment un autre monde que celui de cette liberté presque sans objet qui fonde pourtant une bonne part de nos représentations actuelles, représentations qui permettent à un tout petit nombre de s'approprier une bonne part des communs et de décider pour un grand nombre sans aucun mandat. Je dénonce cette confusion libérale qui est une anarchie, une anarchie dite libérale (le paragraphe sur la nuance liberté individuelle et liberté privée).
Merci pour votre réponse.
Sauf que la sociocratie d'Endenburg, née en milieu industriel pour résoudre de façon consensuel des problèmes quotidiens de gestion relativement simples, ne peut pas s'appliquer à des problèmes d'ordre politique plus complexes. Ne serait ce que le simple reclassement d'un chômeur au sein d'une petite (ou grande) commune. Qui va donc lui offrir un salaire ?
Encore une fois: si le chômeur a des amis qui veulent se mutualiser pour lui payer un salaire par exemple en échange de la garde de leurs enfants, alors ceci se fait naturellement grâce au marché, et sans besoin de structures politiques (qu'a donc à faire un maire entre un groupe d'amis ?) Mais du moment où une structure intervient, et elle impose quoi que ce soit, alors nous ne sommes plus en libéralisme mais dans la moitié inférieure de votre cadran.
Ceci est un fait indéniable, et appeler sociocratie ce qui n'est que discussion amiable et non conflictuelle ne pourra pas le changer.
Votre vision libérale est exactement celle que je dénonce. Il s'agit d'une utopie manifeste et d'une idéologie dans le sens où nous ne pouvons nous extraire de notre situation : nous sommes en interaction, ce que cette utopie dite libérale ignore. Cette utopie survalorise les effets positifs (réels) de la main invisible et ignore ce que certains nomment les externalités négatives (qui sont aussi bien réelles, comme par exemple les algues vertes et tant d'autres exemples)
Pour ce qui est de la sociocratie, je ne propose pas de l'appliquer telle quelle, mais de s'en inspirer, en particulier en la faisant dialoguer avec l'écologie sociale de Bookchin.
"nous ne pouvons nous extraire de notre situation : nous sommes en interaction, ce que cette utopie dite libérale ignore. Cette utopie survalorise les effets positifs (réels) de la main invisible et ignore ce que certains nomment les externalités négatives "
mais le fait que nous sommes en interaction n'est pas ignoré par la vision libérale.
Cette interaction n'est aucunement une contrainte si chacun observe strictement et soigneusement le principe libéral du respect absolu de la vie, propriété et liberté de l'autre.
Il parait en tous cas nécessaire de prévoir une autorité qui veille sur le respect de ces droits
Dès lors les éventuelles externalités négatives, à peine reconnues, sont éliminées par l'autorité dans le consensus général de tous ceux qui adhèrent aux principes libéraux de respect des droits des autres;
Mais attention : respecter le droit à la vie, propriété et liberté ne signifie pas accepter une redistribution des ressources , nous sommes donc dans votre cadran haut à droite. Du moment que l'autorité chargée de faire respecter les droits à Vie, Liberté et Propriété excédait ses attribution et procédait à une redistribution forcée, elle violerait elle même le droit à la Propriété et nous passons alors dans le cadran bas gauche.
Quant au municipalisme de Bookchin, permettez moi le plus grand scepticisme: il suffit de voir la situation idyllique de nos campagnes, avec les réunions publiques dominées par les notables du coin, qui tout décident sans possibilité de recours. Si l'homme était altruiste cela se saurait, et nous n'aurions besoin d'aucune théorie politique.
Je vais quand même le répéter: Nous sommes en interaction et ajouter: un chien a beau avoir 4 pattes, il ne peut choisir deux chemins à la fois. Il y a des choix collectifs à faire, à tous les niveaux, c'est principalement à ça que les institutions servent. Tout l'objet de l'article est d'explorer les outils qui permettent de faire des choix collectifs en favorisant la prise en compte de tous les acteurs et de toutes leurs objections. Ce n'est pas simple, mais la sociocratie démontre de façon expérimentale que c'est possible, elle fournit une première base d'outils améliorant considérablement l'intelligence collective. Et dans ce cas, on se situe bien dans le cadran en haut à gauche.
Qu'appelez-vous choix collectives ?
Si ce sont des choix qui respectent la propriété privée, elles ne peuvent pas redistribuer de richesse, et nous sommes donc dans le cadran haut à droite.
Si ce sont des choix qui redistribuent la richesse en violant la propriété privée, alors nous sommes à gauche, mais pas en haut car on ne peut plus parler de libéralisme.
Encore une fois, il ne peut rien y avoir en haut à gauche: le désert intellectuel est bien justifié.
Je vous donne un seul exemple de choix collectif: l'aménagement du territoire. Des choix sont à faire au niveau national, régional, local. Je vous laisse découvrir tout seul tout ce qu'une mairie, par exemple doit décider.
Vous serez d'accord que l'aménagement d'un territoire, où il n'y ait pas de confiscation de terres, ni de cadeaux de terre domaniale aux copains, est tout à fait neutre pour ce qui concerne la redistribution de richesse.
Il n'y a donc pas d’aménagement de droite ou de gauche.
Il me semble que d'ores et déjà en France l'aménagement se fait de façon plutôt transparente, avec des réunions publiques ouvertes à tous (du moins dans ma commune) . certes, parmi les mille propositions et critiques qui peuvent sortir d'une assemblée, il faudra après converger et trancher sur une décision, et à la fin c'est toujours une personne qui décide.
Bon, on avance un peu. Avec l'aménagement du territoire, vous reconnaissez un processus de décision collective, ce qui met en lumière ce qu'est une institution, mais vous n'acceptez pas encore de le nommer.
Je voudrais pointer une contradiction au passage, vous êtes libéral, mais en fin de compte, vous acceptez le "dirigisme" lors de la prise de décision d'une seule personne. C'est cette même disposition qui fait accepter de bafouer les libertés élémentaires dans les entreprises sous couvert de propriété/liberté privée. Comment est-il possible de se dire libéral et accepter en même temps le mode hiérarchique classique au sein des entreprises? Sinon, c'est la liberté pour le patron et la subordination pour les autres. Si vous avez bien lu les options que je propose, je veille à l'efficacité des outils de décision dans les collectifs (entreprises, municipalités associations...), ce qui me conduit à conserver une hiérarchisation fonctionnelle. Mais d'un autre côté, je veille à ce que la parole de chacun puisse être entendue et mieux, métabolisée. C'est tout le savoir faire en "combinaison des libertés" de la sociocratie qui retient mon attention, parce qu'elle ouvre une piste (déjà très largement validée par l'expérience, j'insiste là-dessus), une piste qui s'inscrit dans la mise en pratique de l'intelligence collective (ce n'est pas magique, mais c'est quand même très efficace, je le pratique). L'intelligence collective consiste à pouvoir mieux tirer parti de tous les points de vue dans leur dimension informationnelle et créative, plutôt que de laisser dominer les luttes de pouvoir interpersonnelles (je n'ai pas dit que ces luttes disparaissaient, mais elles ne dominent plus le jeu).
Si j'ai bien compris, vous êtes contre toute atteinte à la propriété privée et contre toute redistribution. Si la propriété privée apporte une protection contre l'intrusion de l'état dans nos choix personnels, dès que le propriétaire devient très riche, il acquiert une capacité de décision qui concerne la collectivité. Pourtant, il n'a aucun mandat pour exercer son pouvoir. Vous trouvez ça légitime?
En ce qui concerne la redistribution, ce serait intéressant de considérer que les patrons eux-mêmes ont été favorables à un minimum, non pas pour des raisons altruistes, mais en intérêt bien compris, parce que la sécurisation de leurs employés avait un impact positif sur la marche de l'entreprise. De même que l'éducation des enfants et des jeunes est délégué par les entreprises à des organismes spécialisés et qu'il y a un intérêt économique certain à éduquer le plus grand nombre. Je voudrais quand même avancer des arguments autres qu'économiques et intéressés, mais je ne suis pas certain que vous puissiez y être sensible. Je vous cite quand même un livre à lire et relire sur l'état providence "Le bel avenir de l'état providence" de Eloi Laurent. Vous pourrez y découvrir que l'état providence n'est pas seulement oeuvre de charité, mais qu'il a été un des facteurs clés de notre développement économique, tordant le cou à bien des idées préconçues.
"Je voudrais pointer une contradiction au passage, vous êtes libéral, mais en fin de compte, vous acceptez le "dirigisme" lors de la prise de décision d'une seule personne."
Toute prise de décision est par définition l' œuvre d'une seule personne, qui tranche entre les opinions divergentes d'une collectivité. Ce n'est pas que l'accepte, je le reconnais comme je reconnais l'existence du soleil ou de la mort.
Une entreprise est la propriété d'un patron, qui l'a acheté grâce à ses économies: pour quelle raison sa propriété devrait être soumise à la volonté d'autres personnes ? Est-ce que vous me consultez quand vous devez décider où placer votre poste de télé, dans votre logement ?
Si on passe maintenant aux propriétés collectives (comme les communes ou départements), il est alors évident que l'intelligence collective doit pouvoir s'exprimer et être entendue. Mais cela n'empêche que dans les faits, toute décision finale est toujours le fait d'un élu.
Donc voilà expliqué le paradoxe : vu que tout propriété collective est forcément contrôlée par une seule personne, il faut que la propriété collective soit réduite au stricte minimum. Car toute propriété collective provient de l'aliénation d'une propriété privée (à travers les taxes), qui passe sous le contrôle individuel d'un élu.
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"Si la propriété privée apporte une protection contre l'intrusion de l'état dans nos choix personnels, dès que le propriétaire devient très riche, il acquiert une capacité de décision qui concerne la collectivité. Pourtant, il n'a aucun mandat pour exercer son pouvoir. Vous trouvez ça légitime?"
Les très riches n'ont aucune capacité de décision sur la vie de la collectivité, tant que cette collectivité n'aspire pas à profiter de la richesse du très riche. L'existence de M. Arnault ou M. Betancourt n'enlève rien à votre capacité de produire de la richesse et l'échanger avec d'autres. A moins que vous ne souhaitiez travailler pour ces grands riches, mais c'est alors une initiative de votre part qui vise à leur proposer vos services.
"En ce qui concerne la redistribution, ce serait intéressant de considérer que les patrons eux-mêmes ont été favorables à un minimum, non pas pour des raisons altruistes, mais en intérêt bien compris, parce que la sécurisation de leurs employés avait un impact positif sur la marche de l'entreprise."
Vous faites fausse route. L'instauration d'un minimum n'est absolument pas une redistribution de richesse. C'est seulement pour propriétaires et patrons, la possibilité d'augmenter les prix de leurs biens en vente. La France, qui a différence de l'Allemagne a eu pendant longtemps en SMIC, possède par conséquent des prix immobiliers beaucoup plus élevé que l'Allemagne, mais aucune redistribution de richesse n'y a eu lieu, qu'on ne connaîtrait pas en Allemagne. les minimum salariaux sont des leurres, utiles tout au plus à de fins électoraux.
"De même que l'éducation des enfants et des jeunes est délégué par les entreprises à des organismes spécialisés et qu'il y a un intérêt économique certain à éduquer le plus grand nombre."
Encore une fois éducation et redistribution de richesse sont totalement décorrélés.
Je n'ai jamais dit être contraire à la redistribution de richesse. Mais en tant que libéral, je suis contraire à la redistribution forcée, faite par des prélèvements violents (non consensuels).
La redistribution de richesse se fait naturellement à travers le travail : le riche ou le retraité ayant moins besoin de travailler profitent de la vie, et paient d'autres pour biens et services, ce qui transfère de la richesse du riche au travailleur.
" l'état providence n'est pas seulement oeuvre de charité, mais qu'il a été un des facteurs clés de notre développement économique, tordant le cou à bien des idées préconçues."
l'état providence français en tout cas a été surtout un gouffre à pognon, qui nous a conduit à l'illiquidité et aux indispensables ajustements à venir, qui apporteront de graves tensions sociales. En moins de 50 ans il est devenu totalement insoutenable et sa survie continue d'appauvrir nos descendants, qui naissent et naîtront avec plus de dette qu'ils ne pourront jamais rembourser. Tout cela pendant que nous continuons de payer de milliards d' intérêts au créditeurs étrangers de notre dette étatique.
Nous avons trop de malentendus à dissiper avant même d'aborder nos désaccords. Je fais une dernière tentative avec les cycles de concentration des richesses, explosion sociale qui se jouent maintenant depuis au moins 5000 ans (David Graeber, dans "La dette, les 5000 premières années") Phénomène corrélé avec un capital qui a un rendement moyen d'environ 4% dans une économie qui n'avait que 2% de croissance moyenne. Je vous laisse en tirer les conclusions sur l'autorégulation par le marché..
Pour ce qui concerne nos désaccords politiques, je considère que la solidarité est primordiale, mais en même temps, je ne veux rien céder sur la liberté. Comme nous ne pouvons vivre qu'en interaction, je recherche les moyens qui me semblent les plus efficaces de combinaison de nos libertés. Votre position est une négation de notre situation d'interaction inévitable et du besoin que nous avons de faire des choix collectifs à tous niveaux, elle conduit systématiquement à cette concentration de richesses qui finissent toujours très mal, avant de repartir pour un cycle. Il vous faudrait assumer ce choix pour que nous puissions discuter. Sur un plan plus personnel, je ne vois aucune raison pour que le système de domination/subordination perdure, en particulier au sein des entreprises. L'émancipation des personnes, qui est la recherche de liberté, est au coeur de ma démarche politique, et comme cette démarche est concrète et que nous ne pouvons éviter d'être en interaction, je considère au plus haut point les outils de combinaison de nos libertés (comme la sociocratie, sans en faire un totem). Je suis favorable à la propriété privée, parce qu'elle apporte une protection de la liberté individuelle, tant que celle-ci n'empiète pas sur "les communs."
"Phénomène corrélé avec un capital qui a un rendement moyen d'environ 4% dans une économie qui n'avait que 2% de croissance moyenne. Je vous laisse en tirer les conclusions sur l'autorégulation par le marché.."
Ce que vous dites est incorrecte. Le taux de rendement du capital est du en premier lieu à la création monétaire de la part des autorités, pratiquée depuis toujours (la première banque centrale fut établie par les Ptolomées à Alexandrie d'Egypte). Encore aujourd'hui en France les rendements financiers sont possibles en situation de croissance nulle grâce à la création monétaire de la BCE. Donc n'attribuez pas svp au marché les distorsions provoquées par les décisions d'une minorité qui nous gouverne
"Pour ce qui concerne nos désaccords politiques, je considère que la solidarité est primordiale, mais en même temps, je ne veux rien céder sur la liberté."
Je suis tout à fait d'accord, à condition que la solidarité s'exprime à travers le travail et le commerce, et non pas à travers la violence des prélèvements obligatoires. Quiconque doit avoir le droit d'échanger son travail avec de la richesse (par exemple on ne peut pas accepter des limitations comme celles faites aux dépenses de la société Uber) et c'est cela la solidarité. Mais déshabiller Paul (contre sa volonté) pour habiller Pierre, (qui n'offre rien aux autres) n'est pas solidarité, c'est du vol organisé.
"Votre position est une négation de notre situation d'interaction inévitable et du besoin que nous avons de faire des choix collectifs à tous niveaux, "
Je ne vois pas pourquoi. Je reconnais le besoin des choix collectifs. Pourquoi dites-vous que je ne reconnais pas l'existence et le besoin de choix collectifs ? Les choix collectifs, comme l'aménagement du territoire, n'empiètent aucunement sur la distribution de richesse et de propriété privée. Ils ne concernent que la propriété collective, qu'on peut décider d'aménager en jardin ou en piscine, ou en médiathèque ou en aéroport. Les choix collectifs sont donc parfaitement compatibles avec une défense à outrance de la propriété privée, et donc avec l'impossibilité d'une redistribution forcée des richesses.
"Sur un plan plus personnel, je ne vois aucune raison pour que le système de domination/subordination perdure, en particulier au sein des entreprises. "
L'entreprise ne prévoit aucun système de domination subordination. Qu'il soit plombier ou PDG, le salarié a signé un contrat par lequel il s'engage à exécuter les tâches requises par l'employeur, en échange de sa rétribution: il est donc normal qu'il n'y ait aucune discussion sur l'exécution de ces tâches. Que diriez vous si après avoir réservé un concert ou une séance de cinéma, on commençait des assemblées et des discussions sur les conditions d'accès à la salle de concert, et à la performance. Le contrat doit être respecté, ou il y a remboursement de la somme payée.
Au sein de l'entreprise, la discussion peut tout au plus naître entre salariés sur les modalités pratiques d'exécution des tâches, mais ceci n' implique pas l'actionnaire, ne préjuge pas de l'exécution des tâches selon contrat, et ne relève donc d'aucune redistribution de richesse, mais seulement d'un rapport de force interne au salariés, indifférent pour propriété et capital
Je jette l'éponge, vous avez réponse à tout... et à rien en même temps, ni sur les cycles, ni sur la réalité des rapports de domination, ni sur les effets d'une conception si radicale envers la propriété, ni sur le pouvoir politique que confère la richesse. Vous avez un bouc-émissaire tout prêt pour chaque problème. Mais la société numérique informationnelle est en train de faire sauter tous les cadres et laisse la plupart des vieux outils politiques à la traine, ce qui nous prépare des jours difficiles dominés par l'illusion populiste volontariste (donc autoritaire et dirigiste), à l'heure où les besoins d'adaptations des personnes et des groupes est si intense pour faire face à ces bouleversements, et qu'un travail politique opportun serait d'accompagner et de favoriser cette adaptation, cette ubérisation.
En suggestion de fin, la lecture de "la servitude volontaire" de La Boétie:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Discours_de_la_servitude_volontaire
Je perçois votre position comme s'il s'agissait d'une construction de verre qui se briserait à la moindre ouverture.
Ce que vous appelez uberisation, avec un grand dédain, est un processus important et progressiste qui s'oppose aux privilèges, aux restrictions de liberté, à la définition des échanges économiques faite dans les bureaux de la minorité politicienne, et non pas comme il se devrait sur la place du marché occupée par la majorité qui travaille, et par la collectivité qui consomme.
Ce processus est rendu possible par les nouvelles technologie de la communication de l'information. Il a commencé par le libre accès au marchés financiers, et il n'en est qu'à son début. Nous ne savons pas encore où il arrivera, mais il va certainement bouleverser la forme économique actuelle et plus tard aussi la politique.
Non, non, aucun dédain vis à vis de l'ubérisation, je dis même que la politique devrait accompagner le processus plutôt que de s'y opposer vainement. L'accompagner voudrait dire par exemple de prendre en compte les taxis qui ont acheté très cher un droit d'exercer, non pas pour continuer à le protéger, mais pour les indemniser (d'une façon négociée) avec un mini de taxes prélevées sur les uber, et ainsi gérer la transition.
Mais je crois que les transformations du travail qui viennent vont nécessiter encore plus de redistribution et d'assistance mutuelle pour que nous demeurions le plus possible acteurs de nos vies.
D'accord à 100% sur Uber et Taxi.
"Mais je crois que les transformations du travail qui viennent vont nécessiter encore plus de redistribution"
Mais pourquoi ? La redistribution se fait déjà naturellement dans le marché, à travers le travail. Les riches ne travaillent point ou peu, et achètent le travail des autres en redistribuant l'argent.
Pourquoi, en plus de ce processus naturel, vouloir imposer des redistribution forcées ultérieures, en échange de rien du tout ?
La redistribution, c'est en premier une redistribution de places qui améliorent l'autonomie des personnes. C'est la proposition de Jean Zin, avec ses coopératives municipales de production. C'est une proposition bien plus intéressante que l'inévitable revenu d'existence sans cadre vers lequel nous nous dirigeons. La misère reproduisant la misère, ce revenu d'existence sans cadre générera probablement une grande quantité de personnes exclues.
Pour ma part, je crois que nous devrions développer un cadre favorable à la participation généralisée au travail social, ce qui permettrait très certainement de réduire la redistribution d'argent, mais surtout qui créerait une grande quantité de places, c'est un des fonds de ce blog. Je suis pour une société d'assistance mutuelle qui est à l'opposé d'une société d'assistanat.
J'avoue n'avoir rien compris à votre message, sauf votre opposition au revenu d'existence, opposition que je partage complètement.
Des coopératives de production ? je ne vois ce qui empêche d'ores et déjà qu'elles se créent et prospèrent.
Soit elles sont économiquement viables, et alors on ne voit pas ce qu'il y aurait à proposer, et délibérer, soit elles sont une autre façon de transférer la richesse par l'imposition violente de la fiscalité, et alors nous sommes en dehors du libéralisme
J'imagine que vous concevez la redistribution et l'investissement éducatif au sein d'une famille? Ce que je propose n'est pas très différent, mais en dépassant le cadre de la famille.
Au passage, la fiscalité est l'objet d'un débat (qui ne me satisfait pas, mais il n'est pas le fait du prince). Ce n'est pas tant la quantité de fonds redistribués qui me pose problème, mais plutôt le fait que cette redistribution ne génère pas assez d'assistance mutuelle et sans doute trop d'assistanat. Comme si vous donniez tous les moyens de vivre à vos enfants, mais en les empêchant de participer à la vie de famille, en les dissuadant de s'instruire.
"Ce que je propose n'est pas très différent, mais en dépassant le cadre de la famille"
les comportements dans le cadre d'une famille ne peuvent pas être exportés dans un cadre plus large, parce qu' ils sont fortement asymétriques.
Le parents décident et les enfants obéissent, quoiqu'il soit leur nombre, donc déjà la famille n'est pas une démocratie.
Je ne suis pas sûr de vouloir une municipalité régie sur des principes paternalistes, où ma survie et ma liberté passent par le bon vouloir d'un maire qui remplace la figure paternelle, et dont les décisions écrasent la volonté de tous les autres.
J'accepte une telle asymétrie de rapport dans le cas de la famille car je doit ma vie à mes parents et je leur reconnais une supérieure expérience. Mais ni l'un ni l'autre ne tiens par rapport à un élu ni même à toute une assemblée de concitoyens.
Je nie donc que un élu ou une assemblée aient une légitimité pour déposséder certains et redistribuer à d'autres.
Assemblées et institutions sont faites par les individus dans le but de garantir la sécurité de leurs personnes et leurs biens, certainement pas pour se faire déposséder.
Bon, vous avez foncé sur le seul point de ma comparaison avec la famille qui ne collait pas avec ce que je voulais dire, à savoir le paternalisme. Vous êtes quand même au courant que depuis 1970 le droit français a consacré l'autorité parentale et non plus paternelle?
Tout le reste de votre réponse est ce qui sépare la droite de la gauche, ce qui nous sépare. Je légitime les redistributions opérées par des représentants (adultes) et c'est même à ça que servent les institutions. N'est-il pas écrit le mot fraternité dans notre devise? Je ne suis pas du tout satisfait des redistributions actuelles parce qu'elles ne sont pas efficaces à générer des places pour tout le monde malgré leur montant élevé, montant qui devient alors très contestable du fait de sa faible efficacité. Tout ce blog est parcouru de propositions de rénovation de l'état providence pour le rendre participatif (mutualiser le travail social), pour améliorer l'assistance mutuelle au détriment de l'assistanat et de l'infantilisation. Réduire l'infantilisation me semble être un objectif que nous pourrions partager. Mais je ne crois pas du tout au libéralisme que vous défendez pour y parvenir, parce qu'il n'évite pas du tout la tyrannie de l'absence de structures et qu'au bout il conduit à laisser trop des "enfants de la patrie" exclus.
"Je légitime les redistributions opérées par des représentants (adultes) et c'est même à ça que servent les institutions. N'est-il pas écrit le mot fraternité dans notre devise?"
Hypocrisie à part, il n'y a pas plus de fraternité en France qu'à l'étranger. Ou alors nous n'aurions pas 6 millions de chômeurs, car les salariés accepteraient de réduire leur salaire pour garder en poste les licenciés. Mais vous voyez, ils n'acceptent pas parce qu'ils ne considèrent pas leurs collègues licenciés comme des frères, mais comme des concurrents.
Les institutions ne servent pas à casser la distribution de richesse produite par le travail et à la refaire sur des bases totalement arbitraires. Les institutions servent au contraire à garantir la sécurité des personnes et de leurs biens: au delà de ceci leur action est arbitraire comme en France, où il suffirait d'un référendum populaire sur la fiscalité pour le prouver.
Mais justement les institutions françaises se gardent bien de permettre les référendums à initiative populaire comme en Suisse...
Oui, les institutions servent à garantir la sécurité des personnes et des biens, mais aussi à rééquilibrer le système. Je me demande ce qui a bien pu vous arriver pour montrer un tel manque de générosité. Au moins avec vous, je ne doute pas que vous soyez de droite!