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Chacun de nous a besoin d'une place dans un cadre fraternel et transcendant (bis)

Réduire l'errance* inhérente à notre société de l'émancipation et faire des progrès en éducation.

Dans ce climat de violence et de haine, attisée par bon nombre de leaders (ir)responsables, j'ai éprouvé le besoin de rappeler que les barbares d'hier ne sont pas des extraterrestres, mais des êtres humains qui, comme chacun de nous, ont besoin d'une place dans un cadre fraternel, et même transcendant, ainsi qu'en témoigne David Thomson (le reste n'est rien comparé à la puissance romanesque d'un groupe transcendant qui nous ferait une place, qui nous ouvrirait les portes de l'éternité tellement au-dessus de nos petites contingences matérielles, cf Rimbaud ci-dessous). Si nous voulons combattre ce qui nous arrive, il nous faut concevoir qu'entre l'ombre d'une vie de galère et d'exclusion ou de perte de sens et l'exaltation d'une vie d'action au service d'une mission divine (je crois que c'est bien comme ça que c'est vécu, sinon comment expliquer le sacrifice de sa propre vie?),  certains choisissent de se sacrifier. Bien entendu, les stratèges qui captent et manipulent ces esprits errants doivent être combattus, d'abord en comprenant leur stratégie pour la contrer, (lire aussi Gilles Kepel qui nous exhorte à raison à mieux connaître le monde musulman, le monde Arabe et les luttes très puissantes dont ils sont le siège actuellement) mais il serait vain et dangereux de se contenter de ce seul combat. Il me semble aussi indispensable de réduire l'errance en offrant plus de places, plus de sens, sans pour autant renoncer à cultiver l'émancipation comme une de nos valeurs cardinales, à la base de notre écosystème social et de notre contrat social effectif.

Il me semble donc que nous devrions remettre en chantier notre contrat social qui s'est vu dépassé par les contrats commerciaux dont la domination mine le sens de notre communauté (une fois de plus, "chasser les marchands du temple", mais sans les bannir de la société, "seulement" essayer de les remettre à leur place). Je propose de nombreuses pistes dans ce blog pour faire cette reconstruction et multiplier les places, dont cette proposition de mutualisation du travail social qui est peut-être la plus originale. Jean Zin fait l'éloge d'une société d'assistance mutuelle à l'opposé d'une société d'assistanat**, en particulier avec sa proposition émancipatrice de coopérative municipale assortie d'un revenu garanti facilité économiquement par une monnaie locale complémentaire. Jean Gadrey propose des pistes sérieuses pour créer de nombreux emplois tournés vers l'avenir, hors des sentiers battus et devenus infréquentables de la croissance pour la croissance.

Sur le plan spirituel, je ne vois guère que la philosophie de la non-violence pour capter l'errance et la canaliser dans le sens d'une émancipation exaltante. Je ne vois pas aujourd'hui de Gandhi ou de Mandela pour incarner cette philosophie, les plus visibles de nos élites sont plutôt des matamores et des va-t-en-guerre. Sans doute un tel personnage serait idéalement écolo aujourd'hui. Il maîtriserait sans doute assez naturellement les codes de la communication non violente (CNV).

Enfin, et c'est peut-être le point le plus important, il me semble incontournable que nous améliorions notre niveau d'éducation (je n'ai pas dit d'instruction) si nous le pouvons, c'est à dire la mise en place de notre capacité à résister à nos pulsions (la castration en des termes psycho, ou la qualité de notre surmoi), et en particulier à notre pulsion de mort. Olivier Roy met le doigt sur le problème quand il dit que ce n'est pas l'islam qui s'est radicalisé, mais que c'est la radicalisation qui s'est islamisée (c'est à dire que la radicalisation instrumentalise l'islam). Mais le terme de radicalisation n'est peut-être pas bien choisi, devrions-nous plutôt employer le terme d'extrémisme? Plusieurs raisons objectives peuvent expliquer que nous soyons dans une période de faiblesse éducative propice au débondage de nos pulsions et à leur emploi dans des visées radicales. Nous sommes passés depuis très peu de temps de l'autorité paternelle à l'autorité parentale (vers 1970). Je ne propose pas de revenir en arrière parce que la loi n'a sans doute fait qu'entériner une situation de fait. Mais cette situation nouvelle nous a fait perdre beaucoup de repères éducatifs. Nous devons réapprendre à "castrer" convenablement et nettement nos enfants si nous ne voulons pas que leurs pulsions de mort les hantent le reste de leur vie ou ne trouvent à s'employer comme en ce moment dans des capteurs comme Daech ou, en moins extrémiste à première vue, dans le FN. Les solutions sont chez Naouri (traité à tort de réactionnaire) et Dolto (traitée à tort de laxiste, voir chez elle son avis très net sur le besoin de castration), chez Freud (avec Malaise dans la civilisation, par exemple). Chez Hugues Lagrange aussi (avec le "Déni de culture"). Les familles qui arrivent en France avec une culture encore très solide d'autorité paternelle voient leurs enfants leur "échapper", baignant dans une culture de l'autorité parentale pas encore bien maîtrisée. Sur quels repères peuvent-ils accepter de renoncer à leurs pulsions? Il faut des familles très solides pour résister à cette situation si difficile. Nous ne sommes non plus pas aussi assurés de nos valeurs de liberté et de progrès sur lesquelles l'autorité des adultes repose. Nos valeurs sont en souffrance devant les dégâts écologiques, la délinquance en col blanc, le désordre néolibéral. Or, aucune autorité ne peut s'exercer dans le vide. Je milite pour une évolution de nos valeurs, pour que nous apprenions à combiner nos libertés afin d'écologiser le progrès, c'est peut-être vain? La Décroissance me semble être le seul mouvement radical cohérent capable de donner naissance à un avenir possible qui ne soit pas régressif, capable d'accueillir cette jeunesse en mal d'avenir, en mal de place dans une société fraternelle, en mal de transcendance qui ne soit pas mortifère. Les combats qui se passent à Notre Dame des Landes me semblent valoir mille fois mieux pour l'avenir, pour notre humanité, que ceux de la Syrie. 

Le recours au nihilisme pour qualifier les djihadistes ne me semble pas approprié, le nihilisme étant lui-même un capteur d'esprits faiblement éduqués (à nouveau je n'ai pas dit instruits). Le nihilisme, contrairement au "djihadisme", ne propose pas de sens, mais seulement la désinhibition des pulsions (dés-éducation) sous prétexte que rien n'aurait de sens et qu'à ce titre, il n'admet aucune contrainte de la société sur l'individu, et refuse tout absolu religieux, métaphysique, moral ou politique.

 

*L'errance est souvent réduite à l'errance vis à vis du domicile, alors qu'ici je veux parler de l'errance dans un sens global, en particulier dans un sens psychologique ou spirituel. Les deux phénomènes sont liés, mais se limiter à l'errance visible nous ferait passer à côté des personnes en apparence insérées, issues de familles aisées et qui se font recruter sur internet. Le document en lien fait état d'une augmentation importante de l'errance visible des jeunes qui n'est que la partie émergée de l'iceberg d'errance qui traverse notre société.

 

**Société d'assistance mutuelle signifie une société qui facilite cette assistance, mais qui ne l'impose pas contre le gré des personnes, alors qu'une société d'assistanat renvoie plutôt à un état vertical qui apporte assistance, mais qui dépossède les acteurs.

 

Le Poème de Rimbaud "Qu'est-ce pour nous mon coeur" de 1872, toujours d'actualité pour éclairer l'âme humaine(repris en introduction d'un article de JZin, Etat de guerre)

Qu'est-ce pour nous, Mon Cœur, que les nappes de sang
Et de braise, et mille meurtres, et les longs cris
De rage, sanglots de tout enfer renversant
Tout ordre ; et l'Aquilon encor sur les débris
Et toute vengeance ? Rien !... — Mais si, toute encor,
Nous la voulons ! Industriels, princes, sénats,
Périssez ! puissance, justice, histoire, à bas !
Ça nous est dû. Le sang ! le sang ! la flamme d'or !
Tout à la guerre, à la vengeance, à la terreur,
Mon Esprit ! Tournons dans la Morsure : Ah ! passez,
Républiques de ce monde ! Des empereurs,
Des régiments, des colons, des peuples, assez !
Qui remuerait les tourbillons de feu furieux,
Que nous et ceux que nous nous imaginons frères ?
À nous ! Romanesques amis : ça va nous plaire.
Jamais nous ne travaillerons, ô flots de feux !
Europe, Asie, Amérique, disparaissez.
Notre marche vengeresse a tout occupé,
Cités et campagnes ! — Nous serons écrasés !
Les volcans sauteront ! et l'océan frappé...
Oh ! mes amis ! — mon cœur, c'est sûr, ils sont des frères —,
Noirs inconnus, si nous allions ! allons ! allons !
Ô malheur ! je me sens frémir, la vieille terre,
Sur moi de plus en plus à vous ! la terre fond,
Ce n'est rien ! j'y suis ! j'y suis toujours.
AR

 

Pour les désespérés, l'islamisme est un produit excitant. texte d'interview de la psychologue Soren Seelow paru dans le monde le 12 Novembre 2015 (soit 1 jour avant les attentats)

Sans doute un des meilleurs texte d'explication de l'univers mental des prétendants au djihad. Avec un désaccord sur le terme "produit" qui ne rend pas compte de l'universalité du malaise dans la civilisation et de l'attrait pour l'exaltation mystique, et nous tient ainsi à l'écart d'une compréhension plus profonde.

Encore un petit effort d'empathie (je n'ai pas dit de sympathie) et il nous sera alors possible de considérer qu'il s'agit là d'une disposition humaine commune, une disposition à faire corps autour d'une idéologie, ce que certains nomment aussi l'exaltation mystique partagée par des frères. Rimbaud parle de cette exaltation mystique dans son poème "Qu'est-ce pour nous mon coeur" cité ci-dessus, et qui rend compte, si on le transpose, de la force de l'union mystique des cœurs que les "terroristes" ont trouvée au sein de la fraternité islamiste et qu'ils voudront sans doute savourer jusqu'au bout.

Encore Dans le cas de Rimbaud, ce sont les mystiques qui se font massacrer par les Versaillais, mais pour eux leur mort et leur sacrifice n'est rien comparé à la puissance de leur dessein.

Une fois que la cause (l'idéologie) est épousée, que le passage à l'acte que la structure qui l'accueille autorise et encourage (toutes les structures ne donnent pas les mêmes permissions, l'EI n'est pas le nazisme et il est possible d'épouser la cause de la non-violence avec le même niveau d'exaltation), le retour en arrière devient presque impossible, verrouillé par l'engagement. Faut-il avoir recours à la chimie? Existerait-il un gaz de combat qui, loin de tuer l'adversaire, le rendrait "tout love", anéantissant son désir de combattre? C'est une solution qui pourrait peut-être me réconcilier avec l'emploi de gaz de combat! Il semble que Russes et Américains y aient songé et même un peu plus.

 Cet article de Chris Hedges "Nous sommes tous l'EI" est très dérangeant. Il met à jour les leviers utilisés par l'EI pour recruter et fédérer son action. Bien entendu, il sera disqualifié pour cause de "haine de soi" qui l'aurait motivé.
 
Conditionnement, émancipation et liberté., hypnose Ercksonienne.  Le conditionnement, ce sont des injonctions qui colonisent notre imaginaire. Nous nous les repassons, nous les inculquons à nos enfants, nous nous les autoprogrammons, à chaque moment. Nous sommes capables d'en faire des mouvements collectifs, comme dans le cas de lynchages par exemple. Une fois que l'imaginaire est colonisé, par exemple par une injonction du type "dépêche toi" qui est hyperfréquente, cette injonction, ce conditionnement, va nous faire agir en coupant une partie de nos retours d'expériences. C'est à dire que nous ne voyons plus avec nos yeux, mais avec notre imaginaire, un peu comme dans un rêve, nous ne croyons plus ce que nous voyons, mais nous voyons ce que nous croyons. La raison n'a que peu de prise sur ce mode de fonctionnement, sur ce conditionnement. Quand il s'agit de religion, la consolidation communautaire, collective, intervient et il est très difficile de s'en émanciper. Les porteurs de conditionnements ont des difficultés à supporter ceux qui sont différents et en particulier les plus émancipés. Bien que Charlie Hebdo soit aussi soumis à un léger conditionnement athéiste, il représente une des formes les plus haïssables d'émancipation vis à vis des conditionnements collectifs. La méthode reine pour tenter de se déconditionner, de déconditionner son imaginaire, c'est l'hypnose Ericksonienne, beaucoup plus en prise directe avec l'imaginaire que la psychanalyse par exemple.

Commentaires

  • Laisse moi rire (jaune), Michel, tu sais bien qu'à la fin, ce sont les plus agressifs qui emportent le morceau. T'as pas encore compris que nous étions une espèce A G R E S S I V E ! Le bouc-émissaire, on va s'en prendre à lui, une fois de plus, et ce n'est pas René Girard ni Jésus qui vont me contredire, d'autant qu'ils ne sont plus là pour le faire!
    Donc, ta société d'assistance mutuelle qui offrirait une place à tout un chacun, ben essaye d'abord de convaincre ceux qui ont le pouvoir et les thunes de partager un peu et de se préoccuper de la question, je te souhaite bon courage.

  • Merci pour tes encouragements, Filentrop, ça fait chaud au cœur, parce qu'au fond je sais que tu me soutiens, mais que tu cherches à me préserver de mes illusions.

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