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Chacun de nous a besoin d'une place dans un cadre fraternel.

Je voudrais développer l'hypothèse partant du point de départ que l'homme serait un être social, profondément social. A cette nature répondrait un besoin communautaire, le besoin d'avoir une place dans un cadre fraternel. A ce besoin communautaire universel répondent des cultures construisant des fraternités.

 L'histoire en a produite de très diverses, plus ou moins incompatibles. Affirmer notre laïcité, notre athéisme politique, sans proposer la maison laïque commune la plus accueillante qui soit, c'est comme proposer à quelqu'un d'une autre culture qui a un abri, une maison qui lui est familière et accueillante, de le mettre dehors. La laïcisation proposée dans la loi de 1905 fournit un cadre commun sans pour autant brutaliser exagérément les cultures de fraternisation différentes que nous accueillons. Ce cadre n'est pas suffisant, c'est comme le terrain, à nous de trouver les moyens de passer de notre société de l'exclusion à une société hospitalière.

La mutualisation du travail social que j'essaie de proposer est une tentative d'amélioration de l'accueil laïque (efficace aussi vis à vis de l'égalité des genres). Au début de cette réflexion, début des années 90, j'avais même appelé les associations qui organiseraient cette mutualisation du travail social "communautés laïques".

Et les caricatures là-dedans? L'affirmation de sacré invérifiable est mis au service de pouvoirs politiques qui asservissent les croyants. La maison culturelle fournit alors bien un accueil véhiculant une certaine fraternité, mais une fraternité violente, empreinte de violence symbolique (cf Bourdieu, très clair sur ce point). Les caricatures mettent à nu les pouvoirs qui s'abritent derrière ce sacré, et les caricaturistes s'exposent, comme les poètes qui disent la vérité du pouvoir, aux foudres de ceux ainsi mis à nu. Ils sont aidés par la complicité des fidèles pris dans le mécanisme de violence symbolique et dont les plus radicaux, les born-again, se sentent autorisés à traduire cette violence en actes. Les caricatures sont aussi ressenties comme une attaque de leurs places, comme un élément d'insécurité culturelle, par les membres d'une culture où la maison culturelle protectrice et les dominations arbitraires sont enchevêtrées. Dénoncer un pouvoir arbitraire, c'est une chose, c'est un acte militant pour l'émancipation des pouvoirs et des dominations arbitraires, ne proposer que l'alternative de devenir SPCF (Sans Place dans un Cadre Fraternel) en est une autre.

L'alternative à notre laïcité, pour un pays composé, comme la France, de cultures d'origines différentes, peut être le multiculturalisme, théorisé entres autres par Charles Taylor. Le multiculturalisme résulte d'un morcellement partiel de la sphère publique en sous-domaines culturels gérés par des représentants, ce qui nécessite des "accomodements raisonnables". Par exemple, dans un monde multiculturel, il ne serait pas déplacé de trouver l'équivalent de pôle emploi dans une mosquée, une synagogue ou une église. Exploré en UK, il semble que cette voie éprouve aussi quelques difficultés importantes liées à cette fragmentation de l'espace publique. Par exemple, les membres des diverses communautés développent une identité complexe hiérarchisée privilégiant leur appartenance communautaire, puis leur appartenance britannique.

En France outre-mer Edouard Glissant a développé le concept de créolisation qui est une forme de co-évolution et de métissage inattendu des diverses cultures amenées à se cotoyer. Cette approche semble assez réaliste sur le devenir d'une laïcité soumise à des tensions culturelles, une co-laïcisation en somme. Tobie Nathan, qui est un fin connaisseur des questions (multi-)culturelles déclarait (11 septembre 2015 sur France Inter) "Le concept d'assimilation vient d'un monde qui n'existe plus" du fait que les migrants restent en contact et continuent de nourrir leur culture d'origine. Amin Maalouf refuse de s'amputer de la moindre part de ses multiples identités et nous invite à reconnaître cette multiplicité en nous dans "Les identités meurtrières", multiplicité qui fait toute notre richesse. Ce concept de multi-identités peut facilement être transposé à notre "pratique" des divers groupes que nous fréquentons (famille, entreprise, association, parti...), chacun de ces groupes étant la source de "codes" qui lui sont propres et d'une part de notre identité. Nous pouvons affirmer que nous sommes tous multi-identitaires, et nous avons la capacité de passer en un clin d'œil d'une identité à l'autre.

Un très beau paragraphe sur notre connerie, corrolaire de cet article.

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