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  • L'essentiel est de mener une vie décente basée sur la solidarité.

    La gratuité peut-elle être le nom de la solidarité?

    Le célèbre architecte brésilien Oscar Niemeyer est décédé à presque 105 ans, toujours au travail. Il laisse un patrimoine architectural considérable, mais ce que je retiendrais de lui, c'est cette petite sentence placée en titre:

    "L'essentiel est de mener une vie décente basée sur la solidarité."

    Je partage cette proposition philosophique qui me semble très profonde. Est-ce que ce n'est pas la seule façon de remplir sa vie? Ce n'est pas parce que notre société n'est plus religieuse, que ce n'est plus ce qui lui donne du sens, qu'il faut jeter le bébé de la solidarité avec l'eau du bain des religions. Je ressens que nous sommes des êtres sociaux avant tout et que notre vie ne peut être comblée sans cette prise de conscience de l'impératif de solidarité qui nous est chevillé à l'esprit et peut-être même à notre ADN. L'individualisme me semble être à la société ce que l'onanisme est à l'amour.

    J'ai recueilli le témoignage de plusieurs personnes dont le vide qu'elles ressentaient avait été comblé le jour où elles sont devenues croyantes. Je crois que l'expérience qu'elles vivent n'est autre que la mise en phase de leur philosophie avec ce besoin impérieux de solidarité.

    Depuis quelque temps, moi qui suis agnostique, je vis une expérience de solidarité grâce à la mise en place d'un collectif régi par des règles sociocratiques. De façon très surprenante pour moi, mes angoisses existentielles sont réduites, ma fatigue d'être moi s'estompe, un sentiment de plénitude s'insinue tranquillement.

    La formulation d'Oscar rend possible une conception opérationnelle de la gratuité parce qu'elle peut servir de base universelle. Je dois donc revoir mon billet sur la gratuité, en particulier ce paragraphe:

    "la gratuité se réfère à un idéal commun, un paradigme, une idée du bien collectif partagée par tous et qui va de soi, une adhésion à un contrat social indiscutable et accepté par tous. Le modèle d'idéal commun le plus fort étant l'ordre religieux qui nous relierait tous. Selon cette idée, pour une société homogène, la gratuité peut se concevoir. Mais quand il s'agit d'une société comme la nôtre qui est très largement atomisée, une société d'individus, une société laïque dont la devise ne fait plus tout à fait unanimité (pour preuve, chacun s'emploie à détourner, au moyen de l'euphémisme "optimisation fiscale", notre article 13 qui dit que chacun doit contribuer à hauteur de ses moyens), alors il devient légitime de questionner la gratuité, soit pour parler "des gratuités", soit pour penser la reconnaissance selon un code commun assez clair pour tous."

    Oscar Niemeyer n'a toutefois pas complètement pris acte de l'enfer du communisme réel et je ne le suivrais donc pas sur ce chemin, tachant de ne pas perdre de vue notre propension délirante à prendre nos désirs pour des réalités.

    Biblio sur la gratuité: une conférence du philosophe Jean-Luc Marion.