Distribuer l'activité
La crise que nous vivons est différente de celle de 29 par le contexte, parce que nous sommes contraints de remettre en question notre modèle socio-économique et par delà l'incarnation du progrès, voire le progrès lui-même. Or le progrès est la clé de voûte de notre organisation, l'élément fédérateur qui donne sens à notre action. En 29, le progrès marchait plein pôt, ce n'est plus le cas. Nous ne sommes plus convaincus que, malgré tous nos efforts, la vie de nos enfants sera meilleure que la nôtre.
Avant la crise, la machine à distribuer l'activité ne fonctionnait déjà plus bien et peinait à procurer une place à chacun. La croissance ne suffisait plus. Comme une forme tardive du rêve américain, quelques idéologies accusatoires ont bien commencé à se développer, recherchant des coupables, des responsabilités individuelles au malaise, invoquant la paresse comme cause du désastre social en cours.
Il nous reste à constater que la machine à distribuer les rôles est en panne et que cette crise est l'occasion d'en créer une nouvelle. Avons-nous le choix? Avons-nous le temps? Aurons-nous encore le luxe de tatonner?
L'état providence participatif (EPP) est un élément de machine à distribuer l'activité. La surchauffe productive pourrait bien se calmer un peu au profit d'activités peu consommatrices en matière et en énergie. C'est bien le cas du transfert-distribution d'activité que contient le projet d'EPP pour satisfaire à des besoins sociaux que personne ne contestera.
On notera que la mobilité qui est un mot clé de la distribution d'activité est en grande partie contradictoire avec un développement durable dans la mesure où la mobilité consomme de l'énergie.
Sur le plan des activités productives, la conception des objets que nous utilisons peut évoluer dans plusieurs directions: économie d'énergie à les fabriquer, développement des pièces d'usure qui auraient le grand avantage de remettre à l'honneur le métier de réparateur et de consommer moins de matière et d'énergie, développement des énergies durables et en particulier les énergies de la mer qui sont très abondantes, développement de carburants à base d'algues qui ne mangeront pas et ne pollueront pas les terres agricoles tout en promettant des rendements 30 fois meilleurs etc... Les pistes fourmillent qui ne demandent qu'à être développées, il s'agit de penser à la distribution de l'activité, ce qui n'est pas au coeur des préoccupations. Frottons nous un peu les yeux, rien ne sera plus comme avant, le défi idéologique qui se dresse devant nous est considérable (je n'ai pas dit dogmatique, il nous faudra le pragmatisme le plus solide pour développer une idéologie donnant des fruits efficaces, des institutions et des comportements adaptés). Il nous faut en effet ne plus s'en remettre seulement à la croissance pour régler nos problèmes, alors que jusqu'ici cette croissance était chevillée au progrès. Sans de nouveaux indicateurs des résultats de nos efforts prenant en compte l'écologie, nous détournons notre regard de notre terre qui brûle, sans équité nous détournons notre regard de la démocratie chancelante. L'équité, c'est aussi la mise en place de mécanismes de distribution de l'activité, c'est le point faible de tous les plans en cours. Or les gains de productivité considérables que nous avons déjà accomplis devraient nous permettre de dégager les marges de manoeuvre suffisantes pour nous orienter dans cette direction de redistribution de l'activité. La formation, bien sûr, en est un des éléments. Le soutien aux entreprises naissantes en est un autre, avec un déplacement fiscal massif des entreprises vers les deux piliers de la taxation individuelle, à savoir la taxe sur la consommation et l'impôt sur les revenus (ne sommes nous pas une société d'individus?). Aimons l'entreprise, permettons au plus grand nombre d'en créer (j'attends de la gauche et des syndicats qu'ils se mettent enfin à aimer l'entreprise, qu'ils se l'approprient enfin).
En ce qui concerne les capitaux, est-ce que le capitalisme actuel est mort? Ce capitalisme qui a encouragé la collusion des capitalistes et des entrepreneurs au moyen des stock-options est en train de s'effondrer. La question du contrôle des capitaux est essentielle par le rôle qu'il a dans la distribution d'activité, dans la nature des activités et dans les relations capital-travail, dans les rapports de force capitalistes-entrepreneurs-salariés. Le contrôle des capitaux par l'état s'est révélé être une catastrophe, aussi bien économique qu'écologique. Il nous faut donc inventer un nouveau mode monétaire, mais lequel?
En ce qui concerne la répartition de l'activité (c'est un des objet de ce blog), je militerais pour 32h de travail productif et 8 heures de travail social, mais pas tout à fait de cette façon. C'est à dire qu'une durée de travail de 40h à répartir entre travail social et travail productif selon des principes de régulation me semble plus souhaitable, mais c'est un détail de mise en oeuvre.